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Petits conseils de lecture en littérature japonaise

utamarp
Utamaro Kitagawa, Beauté lisant. 1750-1806

Il y a de plus en plus de livres japonais disponibles en français, et c'est tant mieux !
Mais devant une telle quantité, lorsque l'on aborde cette littérature, on peut être un peu perdu.

Ce qui suit donne quelques pistes, dans la limite bien sûr de ce que j'ai lu jusqu'à présent.

La littérature japonaise ne commence évidemment pas au début du XX° siècle : il faudrait parler du célèbrissime Dit du Genji (de Shikibu Murasaki , X°-XI° siècle), mais aussi de nombreux autres textes : Notes de Chevet, de Shônagon Sei (femme écrivain de l'an 1000), Les Heures oisives, de Kenkô Urabe (1283-1350), plus récemment des oeuvres de Saikaku Ihara (1642-1693), comme La Lune de ce monde flottant ; et puis aborder le Nô, avec Zeami (1393-1443) ; la poésie, avec Bashô, Issa, Buson ...

Je ne me suis pas encore bien penché sur tous ces textes, qui ont pourtant l'air fort intéressants ; je vais parler de textes beaucoup plus proches de nous dans le temps.
Il est souvent plus facile de d'aborder une littérature par les productions récentes que par les classiques, et cela même au sein du XX° siècle, car ces textes récents sont plus immédiatement parlants, et c'est d'autant plus vrai en ce qui concerne la littérature japonaise, car elle relève d'une civilisation, dont le mode de vie et de pensée sont souvent assez bien différents des nôtres.



1/ Commençons par quelques auteurs classiques modernes

Trois classiques, tout d'abord :
- Kawabata (1899-1972), bien sûr, le premier prix Nobel de littérature japonais (le deuxième sera Oé Kenzaburo).
On prendra Le Grondement dans la Montagne (on aurait aussi pu prendre Pays de Neige, considéré comme son chef-d'oeuvre, pour rester dans les romans, ou bien encore le recueil La Danseuse d'Izu, si l'on préfère aborder son oeuvre par des nouvelles). Kawabata est souvent un peu obscur, ou plus exactement ambigu, et il n'est vraiment pas l'auteur le plus facile pour commencer. Il vaut sans doute mieux être un peu familier de la civilisation japonaise, et apprécier les textes où tout n'est pas précisé. Ses textes sont généralement courts mais, du fait de l'ambiguïté, ils ne se lisent pas forcément très vite, il faut avoir une attention constante sur les petits détails. On peut facilement rester à l'extérieur de ses livres.

- Tanizaki (1886-1965).
Il a commencé sa carrière avec des textes provocateurs, percutants, et s'est fait remarquer. Parmi ses romans, on pourra opter pour sa veine "tordue" (avec souvent la femme dominatrice pour thème), comme Un Amour insensé, ou bien pour l'une de ses oeuvres les plus connues : Bruine de Neige (appelée également Quatre Soeurs), un chef-d'oeuvre qui est aussi un pavé, un roman très calme, qui prend son temps. On notera que les pavés traduits du japonais sont assez rares, et que Tanizaki est le seul auteur japonais présent dans La Pléiade (si Kawabata n'y est pas, c'est, j'en suis persuadé, une question de droits).

- Parmi les grands "anciens" (et celui-ci est plus du XIX° que du XX° siècle), ou généralement considérés comme tels, il faudrait parler de Natsume Sôseki (1867-1916), qui embrasse bien la période Meiji (1868-1912).
Ses admirateurs louent le côté suranné de son écriture. Son livre le plus connu est sans doute Je suis un Chat, où toute l'histoire (ou plutôt les anecdotes) est vue par les yeux du chat d'un professeur de littérature, qui perçoit bien tout le ridicule qu'ont parfois les hommes, et notamment le professeur. Un livre assez long, qui m'a passablement ennuyé... je referai une tentative.

Puis, deux classiques de l'étrange :

- Les Japonais sont friands d'excès en tous genres. On en trouve beaucoup chez Akutagawa (1892-1927), un auteur de récits et nouvelles étranges très marquants. Son meilleur recueil disponible en français est Rashômon (dont le titre est connu en France grâce à Kurosawa). On aurait pu le mettre dans les classiques "tout court". Il n'a pas écrit de roman, et il est mort trop jeune pour avoir une oeuvre très conséquente en volume.

- Dans cette veine de textes courts et un peu "barrés", étranges (fétichisme et perversions en tous genres), citons également Edogawa Ranpo (1894-1965) un auteur toutefois moins littéraire qu'Akutagawa, et plus ouvertement excessif ; souvent comparé à Edgar Poe, il s'est finalement orienté vers le genre policier. La Chambre Rouge contient des nouvelles mémorables très tordues ; du côté des romans, on pourra lire La Bête aveugle.

 

2/ Abordons maintenant des auteurs contemporains : la plupart sont encore vivants ou décédés il n'y a pas si longtemps (c'est-à-dire à une date postérieure à ma naissance - chacun son référentiel) :

- Yoshimura Akira (1927-2006) : sa notoriété commence à croître en France, au rythme des parutions. On pourra lire par exemple La Jeune Fille suppliciée sur une étagère (une jeune fille pauvre vient de mourir, son âme s'attarde encore un peu près de son corps, c'est très beau), ou encore Naufrages, ce dernier ouvrage étant un petit peu plus aride : il contient des descriptions quasiment ethnographiques. Dans ce genre, on trouvera un autre texte inspiré de légendes plus ou moins vraies et plus ou moins fausses chez Fukazawa Shichirô, avec son fameux Narayama, histoire connue chez nous, le livre ayant été adapté sur grand écran : on est dans la montagne, la nourriture se fait rare, et les vieux non productifs sont abandonnés.

- Ogawa Yoko (née en 1962): elle aussi devient de plus en plus connue, et quasiment toutes son oeuvre est traduite en français. Ses premiers récits sont généralement curieux, intriguants, avec une touche de perversité. Dans ce genre se détache (pour moi) L'Annulaire. Si l'on préfère sa période plus récentes, aux histoires plus douces et sans perversions, on lira La Formule préférée du Professeur.

- Ikezawa Natsuki (né en 1945) : il est probablement meilleur dans les textes courts, par exemple dans le recueil Des Os de corail, qui contient plusieurs textes. Il y a souvent une poésie de l'étrange, mais ce n'est généralement pas de l'étrange menaçant. On citera aussi Tio du Pacifique, livre constitué d'une succession d'aventures d'un jeune garçon dans une île du Pacifique ; je n'ai connu que des lecteurs heureux de l'avoir lu : c'est tout beau et lumineux.
Et, pour rester dans la catégorie des livres où des enfants sont les héros, ajoutons Shirobamba, d'Inoué Yashushi (1907-1991) : baignades dans la rivière, école... ce n'est pas un immense chef-d'oeuvre, mais cette histoire classique est racontée de façon très vivante.
Les héros enfants ne sont pas toujours à la fête, comme dans La Tombe des Lucioles, de Nosaka Akiyuki, bien connu chez nous grâce à l'adaptation en dessin animé : c'est l'histoire de deux enfants (le grand frère et sa petite soeur) qui tentent de survivre pendant la seconde guerre mondiale ; ils connaîtront la faim... un très bon livre, dur.

- Murakami Haruki (né en 1949) : Est-il besoin de le citer ? Son succès est international, certains le voient prix Nobel (cela m'étonnerait fortement, mais sait-on jamais ?).
C'est très efficace, facile à lire, avec une petite touche émotionnelle qui fait qu'il est apprécié du grand nombre (quand on en lit plusieurs, on voit mieux les recettes qu'il utilise), contrairement à d'autres auteurs plus secs. La Ballade de l'Impossible est l'un de ses plus grands succès. On parle souvent, à son endroit, de l'influence de la littérature américaine (ses romans ont un format américains : des pages par centaines). C'est vrai qu'il est un peu à part des autres auteurs japonais, sa culture est ouvertement "globale" et moins typiquement japonaise. Peut-être est-ce un peu grâce à cela qu'il a plus de lecteurs que ses collègues ?

- Murakami Ryu (né en 1952) : un auteur que je n'apprécie pas tellement (pour simplifier, il donne souvent dans le trash), à l'exception de son roman 1969, un roman vraiment très drôle (ce n'est pas courant parmi les livres qui arrivent chez nous) qui m'a rappelé Le Péril jeune, le film de Cédric Klapisch. On sent le vécu, les souvenirs d'ados ...

- Dans un style très différent, les fans d'Henry Miller iront voir du côté de La Chambre Noire, de Yoshiyuki Junnosuke (1924-1994). Ce n'est vraiment pas de la littérature jeunesse !

- On ajoutera à cette liste un auteur un peu plus ancien, mais important : Endô Shusaku (1923-1996), avec Scandale, ou encore Silence, son plus grand succès international. Endô était un écrivain catholique souvent travaillé par la religion, le thème de la culpabilité, trituration de méninges et autres thèmes dostoievskiens.

- Et finissons cette partie avec Ishikawa Jun (1899-1987) : Le Faucon. De la vraie littérature (l'auteur a souvent été comparé à Julien Gracq, pour situer), extrêmement bien écrite. Le Faucon comprend deux histoires fascinantes, la première à la tonalité un peu kafkaïenne, la seconde est une sorte de conte situé au Moyen Age.



3/ Deux essais

Il n'y a pas que la fiction dans la vie.
Citons deux essais incontournables, Le Livre du thé, d'Okakura Kakuzô (1862-1913), dans lequel il cherche à ce que les Japonais et les Occidentaux se comprennent mieux, et bien sûr Eloge de l'Ombre, de Tanizaki, un classique du genre.



4/ Finissons par deux livres ou auteurs qui, par expérience, n'ont pas connu que des gens pleinement convaincus (pour dire le moins), mais que pour ma part j'aime beaucoup. Ce sont mes jokers.

- La Muraille de Chine, de Kaiko Takeshi, un récit d'une centaine de page écrit en une nuit. La construction de la Muraille de Chine, et en même temps une étude sur le monde totalitaire un peu Kafkaïen. Très bien écrit (c'est sec et sans pathos), très fort, marquant.

- Tsutsui Yasutaka. C'est un auteur qui adore la provocation. On pourrait lire (s'il était encore disponible) Le Censeur des rêves, un recueil de nouvelles très originales, burlesques, caustiques, provocatrices... mais que d'autres ont trouvé pas très drôles et un peu molles. C'est le problème de l'humour, il est moins bien partagé que le drame.
Du fait de ses nombreuses adaptations au cinéma (dont une, en animé, est sortie chez nous), son livre le plus connu (et le seul encore disponible en France) est La Traversée du temps.

 


P.S : Bien sûr, on me dira que j'aurais pu parler de Mishima, de Dazai Osamu, de Nagai Kafu, de Oé Kenzaburô... C'est vrai !
Peut-être dans une mise à jour, plus tard...


 

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