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MARUYA Saiichi (丸谷 才一)

(Tsuruoka, préfecture de Yamagata, (27/08/1925 - 13/10/2012)


maruya saiichi

"Le premier événement marquant est sa mobilisation, en 1945, dans l'armée japonaise, alors qu'il est encore étudiant. Il vit les derniers mois de la guerre et la défaite du Japon. Cette expérience fondamentale est à l'origine d'un profond antimilitarisme qui se retrouvera de manière récurrente dans l'ensemble de son œuvre. La guerre finie, il reprend ses études à Niigata, puis en 1947 entre à l'Université de Tokyo au département de littérature anglaise. C'est là qu'il découvre James Joyce dont l’œuvre aura une profonde influence sur son écriture. Ses études terminées, il enseigne la littérature anglaise à l'Université Kokugakuin puis à l'Université de Tokyo. [...]

En 1968, Maruya remporte le prix Akutagawa pour Toshi No nokori (年 の 残り, Le reste de l'année). En 1972, il publie Tatta hitori no hanran (たった ひとり の 反乱, Rébellion solitaire), considéré comme l'une de ses œuvres les plus abouties et pour laquelle il remporte le Prix Tanizaki.

Il est également traducteur, notamment de Graham Greene, Edgar Poe, mais surtout de Joyce dont il traduit, en 1964, Ulysse, en collaboration avec Takamatsu Yūichi et Nagai Reiji, et Portrait de l'artiste en jeune homme en 1969." (Wikipedia)

l'ombre des arbres

- L'Ombre des arbres. Récits traduits par Aude Fieschi. 206 pages. Philippe Picquier.
Ce livre comporte deux récits (ou nouvelles, ou... ).
Maruya Saiichi est spécialiste de James Joyce. Les deux textes qui composent ce livre relèvent plus du "post-quelque chose" que de la nouvelle classique.

1/ L'Ombre des arbres (Jueita, 樹影譚, 1988). 64 pages.
Le narrateur est fasciné par les ombres que font les arbres sur un mur.
"Je ne sais pour quelle raison, j'ai toujours été attiré par l'ombre des arbres ; pas par celles qu'ils projettent par terre, car si elles ne me déplaisent pas, elles ne me touchent pas non plus. Non, c'est l'ombre des arbres projetée verticalement sur quelque chose que j'aime particulièrement, et plus encore s'il s'agit de toute une rangée d'arbres. A ce moment-là, je ressens une douce nostalgie mêlée de langueur. Ce mur doit être neutre, de préférence de couleur claire, mais surtout sans motifs. [...] Et lorsque les arbres projettent leurs ombres sur sa surface vide, le spectacle de ces ombres m'émeut profondément.
Je n'ai rien contre le reflet des arbres dans un miroir ou sur l'eau mais je n'y suis pas très sensible.
" (page 10)
"L'arbre, de par son appartenance à la nature, rejette toute tentative de stylisation, et comme je tiens particulièrement à ce genre de réduction à la forme, il ne peut me satisfaire complètement. Mais son ombre, elle, élimine d'emblée tous les détails inutiles, redresse les distorsions et, en fonction de la lumière ou du support, exagère les irrégularités ou les supprime, ignore les différences de couleurs et les rend homogène comme si elle les recouvrait d'un seul et même ton, donne à l'ensemble un caractère d'artificialité qui ne peut qu'éveiller l'intérêt du spectateur, un peu comme le ferait une oeuvre d'art. C'est une nature qui n'est pas naturelle, une oeuvre d'art qui n'est pas complètement artificielle. Et c'est sûrement cette artificialité qui me plaît.
Mais ce serait une erreur de ne considérer les choses que sous l'angle d'un lyrisme inspiré par quelque résonance interne. [...]
Ce qui est important, c'est que la nature de l'arbre par le truchement de son ombre nous est plus directement révélée, un peu comme dans les ruines, les colonnes et les fondations nous éclairent sur la conformation du bâtiment originel. Ce qui reviendrait aussi à dire que les ruines sont un état intermédiaire entre l'art et la nature.
Même si l'on accepte ce genre de ratiocinations, elles sont si abstraites et générales qu'elles n'éclairent en rien la façon dont s'est construite ma personnalité et ne donnent pas la clef de ce qui n'est après tout qu'une petite inclination.
" (page 13).
Alors, d'où vient cette petite inclination, qui vire à l'obsession ? Serait-ce un souvenir enfantin ? Le narrateur écarte cette possibilité, car il s'agit d'un poncif. Mais ce qui est valable dans la littérature est-il également vrai dans la vraie vie ? (même si la "vraie vie", c'est ici un texte, bien sûr). Le narrateur invente une histoire dans laquelle cette fascination est expliquée. Mais cette histoire n'aurait-elle pas déjà été écrite par Nabokov ?
Qu'est-ce qui est au juste issu de l'imagination du narrateur ?
Ce texte, qui a remporté le prix Kawabata en 1988, m'a copieusement ennuyé : le narrateur s'ausculte, s'analyse... Quand on reste extérieur à son questionnement, c'est vraiment très long.

2/ Bourrasques de pluie (Yokoshigure, 1975). 132 pages.
C'est un peu le même principe que le texte précédent : une enquête sur ce qui n'est finalement qu'un détail. Dans ce récit, le père médecin du narrateur (qui, lui, est professeur de littérature) est très malade.
"Et depuis sa maladie, mon père tenait particulièrement au souvenir de ce qui s'était passé dans la région de Matsuyama : ils se trouvaient dans une maison de thé, à Dôgo, lorsqu'un moine les avait abordés sans cérémonie, et tous trois s'étant mis à boire, c'était mon père qui avait dû payer toutes les consommations." (page 77).
Son père, en compagnie d'un professeur spécialiste de Saikaku, buveur invétéré avait rencontré un drôle de personnage, une sorte de mendiant itinérant qui racontait des histoires à se tenir les côtes de rire. Cet étrange personnage avait une sacrée descente.
Le père décède.

Plus tard, de façon fortuite, le narrateur tombe sur des poèmes d'un certain Santôka. Un détail lui fait penser que ce Santôka, qui avait abandonné femme et enfant pour entrer en religion et parcourir le pays en mendiant, pourrait bien avoir été le drôle de type avec qui son père avait bu un jour.
Mais comment en être sûr ? C'est le début d'une longue et minutieuse enquête littéraire... les moments d'optimisme sont bien sûr suivis de doutes... Chaque petit indice, jamais décisif, peut être remis en cause par un nouvel indice, pas plus décisif que le précédent. Le tout est bourré d'une grande érudition, de références ultra précises.
De plus, il semble que la rencontre du poète (si c'est bien lui) et du père du narrateur (accompagné de son ami professeur) aurait pu avoir des conséquences importantes sur l'oeuvre du poète, conséquences qui resteraient incompréhensibles des exégètes de Santôka...
Le narrateur analyse, scrute le moindre mot des poèmes de Santôka, de son journal. Il met en évidence son obsession pour l'eau, et continue à creuser...

Le pire, si l'on peut dire, c'est que ce Santôka Taneda (1882-1940) est un poète qui a réellement existé (voir Wikipedia). Kenneth White en parle dans Les Cygnes Sauvages.

santoka
Santôka, avec son chapeau de carex.

Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce que Maruya Saiichi a inventé ? A-t-il d'ailleurs inventé quoi que ce soit, à part ses supputations ? La rencontre, peut-être ?

Quand on accroche, ce texte, à la frontière entre la réalité et la fiction, est assez fascinant de par la manière dont Maruya Saiichi arrive à faire rebondir son intrigue quasi-policière, finalement minuscule, avec tous ces détails qu'il scrute et dont il tire des conséquences d'importance pour la biographie du poète. Une rencontre apparemment anodine, et dont il ne reste pas trace dans une biographie, peut avoir été capitale dans une vie. Si c'est bien de Santôka qu'il s'agit, bien sûr ! (je n'ai rien dit...)
Encore faut-il accrocher, évidemment.

santoka
"Pour Santoka le plus grand des bonheurs c'est "une chambre, une lampe, une table, un bain et une coupe de saké". Le soir il consigne dans son journal ses pensées et ses haikus qui reflètent ses impressions, ses sensations du jour. "Pure expérience", telle est sa conception de la poésie." ( http://www.moundarren.com/poetesjaponais/santoka )

Un haïku de forme libre de Santôka :

"Ushiro sugata no
shigurete
yuku ta

De son dos la silhouette
s'éloigne
sous l'averse d'automne"
(page 88).

On note plusieurs petites fautes : "existance" (page 123 ; rebelotte page 141) ; "gôut", page 129, etc., fautes qui semblent montrer que l'attention du correcteur s'est relâchée (pour connaître les qualités idéales d'un correcteur éditorial, on pourra lire De Toutes les nuits, les amants, de Kawakami Mieko)... Est-ce parce qu'il était captivé par le texte ou au contraire parce qu'il s'est endormi ?
Cela mérite une enquête approfondie.



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