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KANEHARA Hitomi

(08/08/1983-)
Kanehara Hitomi

Kanehara Hitomi a obtenu le prix Akutagawa en 2003, en même temps que Wataya Risa. Elles sont les deux plus jeunes récipiendaires de ce prix (mais pour combien de temps ? on note une tendance à battre des records de jeunesse, ces derniers temps).
Elle a arrêté l'école très tôt et, d'après wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Hitomi_Kanehara), elle fut longtemps anorexique (sujet d'un nouveau livre). D'après le site "officiel" du livre Serpents et Piercings ( http://snakesandearrings.com/author.htm ), "elle a quitté la maison familiale à quinze ans. Après une phase d'auto-destruction, elle a commencé à participer à l'atelier d'écriture de son père, ce qui a abouti à la création de Serpents et Piercings. Son deuxième roman, Ash Baby, est sorti au Japon en 2004 et s'est vendu à 300 000 exemplaires".

Serpents et piercings    Serpents et piercings poche   Earrings

Serpents et Piercings (Hebi ni Piasu, 2004... ou plutôt "Snakes and earrings", 163 pages, Grasset, traduction de l'anglais (!!!) par Brice Matthieussent.)
Ça commence mal : traduire un roman qui a obtenu le prix Akutagawa à partir du texte anglais (établi par David James Karashima, et pas "Davis" : Grasset n'est même pas fichu d'écrire correctement le prénom du traducteur anglais, c'est lamentable), c'est comme si... on traduisait Les Bienveillantes en Japonais à partir du texte swahili, quelque chose comme ça. Ceci dit, à aucun moment (ou alors je n'ai pas remarqué) le texte ne "sent" sa traduction de l'anglais, comme c'est parfois le cas (Brice Matthieussent n'est pas le premier venu).
Simplement, lorsque à la page 48, il y a une "N.d.T", on est tenté de se demander : "duquel ?"

Ensuite, ça continue mal, avec la quatrième de couverture, la photo de mode raccoleuse de l'auteur, ses jolis cils en étoile. Les quatrièmes de couverture font parfois publicité de yaourts, là on est dans les accessoires beauté. "Deux millions d'exemplaires vendus" est-il marqué. La quantité comme gage de qualité, peut-être.

Le roman débute ainsi :
" « Tu sais ce que c'est, une langue fourchue ?
- Une langue fendue en deux ?
- Oui, comme la langue d'un serpent ou d'un lézard. Sauf que parfois... cette langue n'appartient ni à un serpent ni à un lézard. »
Il a enlevé la cigarette d'entre ses lèvres et tiré la langue. L'extrémité en était clairement fendue en deux, comme celle d'un serpent. Alors, stupéfaite, je l'ai regardé soulever le côté droit de sa langue, puis coincer adroitement sa cigarette dans la partie la plus étroite du V.
« Ouah... »
" (page 7)
Elle est bien tentée, la narratrice, Lui (c'est son petit nom), dix-neuf ans, look Barbie... Elle est tentée par le côté rebelle. Du coup, elle sort avec l'homme-serpent, Ama.
Il lui plaît bien, ou alors c'est seulement sa langue qui la branche tellement, pour ne pas dire plus... Elle n'est pas trop sûre.

Elle se rend avec lui à Desire, une "sorte de boutique punk/alternative installée dans l'entresol d'une ruelle, à la lisière du quartier shopping & loisirs. La première chose que j'ai vue en entrant, c'est la photo en gros plan d'un vagin à la vulve percée, et les murs étaient couverts de photos de scrotums percés et de tatouages. À l'intérieur, il y avait aussi un grand choix de bijoux ordinaires et d'accessoires divers. Sans oublier une abondante sélection de fouets et de fourreaux à bite. Fondamentalement, c'était un magasin pour pervers." (pages 11-12).

Le ton est donné : un mélange de détails très crus, pour ne pas dire "graphiques", et un certain humour.
Le propriétaire du magasin est un certain Shiba-san, qui dit à un moment à Lui :
"« Le simple fait de regarder ton visage réveille le sadique en moi.
- Eh bien, comme je suis masochiste, j'émets sans doute ce genre de vibration », dis-je.
" (page 23).

Une langue de serpent, ça ne se fait pas comme ça. Il faut se faire mettre un clou dans la langue, et le changer périodiquement pour agrandir le trou, jusqu'à ce qu'il ait une certaine taille, avant de finir le travail (cutter, ciseaux). Tout cela est très bien décrit !
Quand Lui et Ama s'embrassent, cela donne : "Il faisait passer sa langue fourchue sur le clou de ma propre langue et les ondes de douleur qui vibraient dans mon corps étaient agréables. Ensuite, quand nous avons fait l'amour, j'ai fermé les yeux et pensé à Shiba-san. Le bruit de nos souffles haletants résonnait dans la chambre glacée. C'était l'été, il n'y avait pas de climatisation, mon corps était trempé de sueur, mais bizarrement il faisait très froid dans cette chambre. Peut-être parce qu'Ama possédait seulement des meubles en acier." (page 27).
Et puis, un petit tatouage, ça la tente pas mal aussi. On est dans un bouquin japonais, quand même ! (et une petite référence à Tanizaki n'a jamais fait de mal à personne).

Quand un garçon embrasse une fille qui pense à quelqu'un d'autre, que le tout baigne dans une ambiance sado-maso et que, en plus, on est dans un roman écrit par une jeune femme qui a forcément quelque chose à prouver, on sait que la vie ne va pas être un long fleuve tranquille.

On a droit également à une vision sadique du monde : "Dieu est forcément un sadique pour donner la vie aux gens" dit Shiba-san (page 62). C'est un point de vue.

La fille a des pensées sympa du genre :
- "Franchement, je n'avais aucune envie de vivre dans ce genre d'univers. Je désirais mener une vie imprudente, laisser derrière moi un beau cadavre dans ce monde terne et sombre." (page 63).
- "Je désirais seulement faire partie d'un monde souterrain où le soleil ne brillerait jamais, où l'on n'entendrait jamais de sérénade et jamais au grand jamais le moindre rire d'enfant." (page 65).
- "Après tout je n'avais aucune raison d'attendre la moindre solution quand je n'étais même pas certaine du problème. La vie me semblait tout simplement vide." (page 113).
- "Tout se passait comme si je me voyais vivre de très loin. Il n'y avait rien que je puisse croire, rien que je puisse sentir. Oui, la seule sensation capable de me ramener à la vie était celle d'une douleur aiguë." (page 126).

Comme chez sa petite camarade Wataya Risa (et dans de nombreux mangas et animés) la fille frappe ou, ici, assène une "petite claque joyeuse" sur le crâne d'un garçon (pages 93 et 105). Les marques d'affection se prodiguent parfois curieusement.

Au final, et même s'il m'est impossible de savoir ce qui est passé à la trappe de la traduction de traduction (on ne félicite vraiment pas Grasset pour ces pratiques lamentables), c'est un roman vraiment intéressant, que l'on pourrait qualifier d'"instructif", théoriquement pas vraiment rigolo... encore que, les excès en tous genres...
Ceci dit, il ne faut pas s'attendre à y trouver des révélations psychologiques fracassantes : c'est super dur de vivre dans un monde de société de consommation où l'on n'a pas à courir après le mammouth pour se payer une tranche de rumsteak, parce que ça laisse tout loisir de penser à ce qu'on fiche là, sur un petit caillou perdu dans l'espace... OK, on était au courant.


Autres livres, non encore traduits en français :
- Ash Baby (2004). Pas encore traduit en anglais, donc pas encore en français, si Grasset persiste dans l'exécrabilité de ses pratiques purement mercantiles.
- Tokyo Love
- Autofiction (2006). Traduit en anglais en 2008.
- Hydra (2007)

Film d'après son oeuvre :
- Hebi ni piasu (2008), réalisé par Ninagawa Yukio. il s'agit de l'adaptation de Serpents et piercings.
serpents et piercings le film



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