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Leopold von Sacher-Masoch
(Lemberg - actuellement, Lviv, Ukraine-, 27/01/1836 - Lindheim, Allemagne, 09/03/1895)


sacher-masoch

Ecrivain et journaliste autrichien.
"Le terme masochisme est dérivé de son nom. (C'est dans son livre Psychopathia Sexualis (publié en 1886) que le docteur Richard von Krafft-Ebing forge le mot masochisme. Sacher-Masoch s'éleva contre l'utilisation de son nom pour désigner une perversion.)

Leopold von Sacher-Masoch est le fils de Leopold von Sacher, préfet de police de Lemberg, et de Caroline Josepha von Masoch, fille d’un médecin ukrainien. Caroline, ne pouvant nourrir son fils elle-même, le confia à une nourrice ukrainienne dénommée Handscha. Les récits du folklore ukrainien de cette dernière et les mouvements révolutionnaires et nationaux dont il fut témoin marquèrent profondément le jeune Léopold, et par conséquent influencèrent ultérieurement son œuvre.

Après son doctorat en droit, Léopold von Sacher-Masoch étudie l’histoire. En 1856, il donne des cours à l’université de Graz et publie un ouvrage historique L’Insurrection de Gand sous l’empereur Charles Quint.

Il a une liaison avec madame Kottowitz, laquelle, au bout de 4 ans, le quitte pour un autre homme. Cette expérience malheureuse lui inspire La Femme séparée. Il écrit des contes et des romans historiques, et forme le projet d’un cycle de nouvelles, Le Legs de Caïn, qui restera inachevé et devait comprendre six thèmes : l'amour, la propriété, l'État, la guerre, le travail, la mort.

En 1869, il fait la connaissance de Fanny Pistor dont il s'engage à exécuter tous les ordres et désirs pendant six mois. L'année suivante, ils partent en Italie pour mettre en pratique cet engagement. Mais Léopold rentre seul en Autriche et écrit la version définitive de La Vénus à la fourrure ; il en avait déjà rédigé une première version au début de sa liaison avec madame Kottowitz.

Il croit avoir trouvé l'incarnation de Wanda de Dunajew (héroïne du roman) en la personne d'Aurora Rûmelin qui devient sa femme en 1873. Leopold signe un contrat que « Wanda » (c'est ainsi que désormais il appelle Aurora) a rédigé, à son instigation : « Je m'oblige, sur ma parole d'honneur, à être l'esclave de Mme Wanda de Dunajew, tout à fait comme elle le demande, et à me soumettre sans résistance à tout ce qu'elle m'imposera. » (déclaration située à la fin du contrat). Pour que s'accomplisse pleinement son fantasme, il se met à chercher, mais en vain, l'homme (« le Grec » dans le roman) avec lequel Wanda le cocufierait et, en outre, le ferait battre. Dans le cadre de cette recherche, un étrange échange épistolaire se produit entre le couple et un mystérieux inconnu qui signe Anatole (peut-être Louis II de Bavière).
Mais petit à petit le mariage se délite, Wanda ne parvenant pas à tenir son rôle.
En 1882, elle le quitte pour vivre avec un journaliste du Figaro. La douleur qu'ils éprouvent à la mort de leurs fils ne parvenant pas à les réconcilier, le divorce est prononcé en 1886. La même année, Léopold fait un voyage à Paris où il est nommé dans l'ordre de la Légion d'honneur. Il termine sa vie à Lindheim en compagnie de Hulda Meister, sa nouvelle femme, avec laquelle il a eu deux filles (Olga et Marfa) et un fils (Ramon).
" (Wikipedia)

Ce détail est amusant : sa dernière femme s'appelle donc Hulda... Meister ("Maître", en Allemand) !

 

 

La Vénus à la fourrure


La Vénus à la fourrure
(Venus im Pelz, 1870). Traduit de l'allemand et préfacé en 2009 par Nicolas Waquet. Rivages poche / Petite Bibliothèque. 218 pages.
Le livre s'ouvre sur une citation : "Dieu l'a puni et livré aux mains d'une femme. (Livre de Judith, XVI, 7)."
Et le roman commence. Voici que le narrateur discute avec Vénus.
"Blottie dans un fauteuil, elle avait allumé un feu crépitant dont le reflet léchait de flammes rouges son visage blafard aux yeux blancs et venait lui caresser les pieds de temps en temps, lorsqu'elle venait les réchauffer.[...]
Cette femme sublime avait enveloppé son corps de marbre dans une ample fourrure et, comme un chat, s'y lovait en frissonnant
" (page 21).
Vénus et le narrateur échangent sur les conceptions de l'amour.
Le narrateur : "[...] mais vous ne pouvez nier que l'homme et la femme, dans nos brouillards comme dans vos contrées sereines et radieuses, sont ennemis par nature. C'est pour mieux les séparer ensuite que l'amour les unit un instant en faisant d'eux un être n'ayant plus qu'une seule pensée, une seule sensibilité et une seule volonté. D'ailleurs, qui ne sait réduire l'autre en esclavage sentira vite sur sa nuque un pied pour l'opprimer, vous le savez mieux que moi.
- Et c'est généralement le pied d'une femme, s'écria Dame Vénus sur un ton moqueur et insolent. Vous le savez aussi mieux que moi. [...]
L'homme désire, la femme est désirée. C'est son seul avantage, mais il est capital. La nature a livré l'homme à la femme par le truchement de la passion. Et si elle ne sait pas faire de lui son sujet, son esclave, son jouet, pour finir par le trahir en riant, c'est qu'elle est vraiment bien sotte.
" (page 25).
Mais voici qu'on réveille le narrateur ! Ce n'était qu'un rêve bien étrange...
Il est grand temps d'aller chez Monsieur Séverin, un ami à lui, gentilhomme galicien original. Mais ne voilà-t-il pas qu'un tableau fait fort impression sur le narrateur, comme s'il le découvrait !
"Appuyée sur le bras gauche, une belle femme nue dans une sombre fourrure reposait sur un sofa. [...] Sa main droite jouait avec un fouet pendant que son pied nu s'appuyait négligemment sur un homme couché devant elle comme un esclave ou un chien. Cet homme aux traits accusés mais harmonieux, qui trahissaient une profonde mélancolie et une passion poussée jusqu'à l'abnégation, cet homme qui levait vers elle le regard brûlant et exalté d'un martyr, qui servait de tabouret pour ses pieds, cet homme n'était autre que Séverin. Il était glabre et semblait plus jeune de dix ans." (pages 29-30).
Une copie de la Vénus au Miroir, de Titien, lui fait pendant.

Titien, Vénus à la fourrure
Titien, Vénus au miroir (ca 1555). Washington, National gallery of art.

Séverin explique, à propos de la copie du Titien :
"[...] tel qu'il est, ce tableau se présente comme la satire la plus mordante de notre amour : Vénus obligée de se glisser dans une ample et lourde fourrure pour ne pas s'enrhumer sous nos latitudes septentrionales, dans ces terres chrétiennes et glacées où règne l'abstraction !" (page 31).

Mais quelle est l'histoire de l'autre tableau, celui sur lequel apparaît Séverin ? C'est ce que le narrateur, et le lecteur avec lui, vont découvrir en lisant les Confessions d'un suprasensuel, le journal que Séverin a tenu.
Séverin avait des tendances assez particulières. Voyons plutôt :
"J'ai pris mon petit-déjeuner sous la tonnelle en lisant le Livre de Judith. J'enviais le terrible païen qu'était Holopherne. Sa fin sanglante, magnifique, et la noble jeune femme qui lui trancha la tête excitaient ma jalousie." (page 40).

Caravaggio, Judith et Holopherne
Caravaggio, Judith décapitant Holopherne (ca 1598). Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome.


Bientôt, il rencontre une très belle femme, une Vénus à la fourrure sans sa fourrure (mais avec des vêtements, précisons). En plus d'être très belle et très riche, elle est également intelligente et cultivée. Séverin et elle échangent des idées sur l'amour. Ecoutons parler cette Vénus, tandis que ses boucles rousses dansent comme des flammes :
" « La sensualité sereine des Grecs, le plaisir sans souffrance, sont pour moi un idéal que je m'efforce de réaliser dans ma vie. Je ne crois pas à cet amour que prêchent les chrétiens, les modernes, les chevaliers de l'esprit. Oui, regardez-moi bien. Je suis pire qu'une hérétique. Je suis une païenne." (page 46).
Ça claque bien. Et encore, pour le moment, c'est sans fouet.

Plus loin dans la conversation, Séverin lui fait remarquer :
"Des êtres beaux, libres, sereins et heureux comme l'étaient les Grecs ne sauraient exister sans les esclaves qui travaillent et accomplissent pour eux les tâches prosaïques de la vie quotidienne.
- Sans doute, répondit-elle, espiègle, mais une déesse de l'Olympe comme moi a besoin de toute une armée d'esclaves. Prenez garde.
- Pourquoi donc ? »
La témérité avec laquelle j'avais lâché ce « pourquoi » me remplit d'effroi. Elle, de son côté, ne s'en effraya nullement. Elle ouvrit les lèvres, découvrit ses petites dents blanches et dit sans réfléchir, comme si la chose n'avait aucune importance : « Voulez-vous être mon esclave ? »
" (pages 51-52)
Est-ce pour plaisanter ?
Séverin, lui, ne plaisante pas : "Si je ne peux goûter pleinement, entièrement, aux joies de l'amour, je veux boire jusqu'à la lie le calice de ses souffrances et de ses supplices. Je veux être trahi et maltraité par la femme que j'aime. Plus elle sera cruelle et plus je serai content. C'est aussi une jouissance !" (page 64).
Et encore : "Si le mariage ne peut reposer que sur la conformité et l'harmonie, les plus grandes passions, elles, naissent des oppositions. C'est parce que nous sommes opposés, presque ennemis, que mon amour est un mélange de haine et de crainte. Dans une relation comme celle-ci, on ne peut être que le marteau ou l'enclume. Je veux être l'enclume. Jamais je ne pourrais être heureux si je dois regarder de haut ma bien-aimée. Il faut qu'elle se montre cruelle envers moi pour que je puisse l'adorer." (page 65).
Séverin a découvert ses pulsions très tôt, en lisant Les Vies des Martyrs (cf page 76), de façon assez similaire à ce que Mishima raconte dans Confession d'un Masque (le passage avec Saint Sébastien).

Nicolas Waquet, dans sa préface parle de la perspective philosophique du livre :
"On en décèle des traces dans les discours libertins de Wanda, dans son questionnement sur le rôle et la place de la femme dans la société, l'éloge du paganisme, les attaques contre le christianisme ou encore la grande place laissée à l'ineffable." (page 16).


Séverin observe ses tendances avec une certaine distance, et on pourrait dire également parfois un certain humour, qui contribuent à rendre le livre vraiment très bon... Ce qui est singulier, et quasiment paradoxal, sous la plume d'un auteur qui partageait tant de ces pulsions (il suffit de lire sa biographie pour voir tant de points communs...).

On pourra trouver le texte en allemand sur : http://gutenberg.spiegel.de/buch/4334/1

 

Le roman a été adapté plusieurs fois au cinéma.
On notera l'existence d'une pièce de David Ives (dramaturge américain né en 1950), dont la première a eu lieu en 2010 : Venus in furs, qui a été adaptée par Roman Polanski (sortie : 2013).
C'est l'histoire d'un écrivain-metteur en scène qui veut adapter le roman de Sacher-Masoch. Il lui faut une actrice à la mesure. Il se plaint au téléphone que les actrices qu'il a auditionnées jusque là ne correspondent pas du tout au personnage. Arrive brusquement une actrice qui semble être aux antipodes du rôle grossière, vulgaire... mais ce qui doit arriver arrivera, semble-t-il.
Comme dans la pièce, il n'y a chez Polanski que deux acteurs pendant toute la durée du film : Emmanuelle Seigner et Matthieu Amalric.
Bon ou pas ? Réponse à Cannes !

Finissons avec Venus in furs, le fameux titre du Velvet Underground, lui aussi inspiré de ce roman (d'où le" Severin, Severin, speak so slightly").

 

 

 

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