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Alexandre Soljenitsyne (Александр Исаевич Солженицын)

(Kislovodsk, nord du Caucase, 11/09/1918- Moscou, Russie, 03/08/2008)

soljenitsyne

Tôt orphelin de père, il est confié à la famille de sa mère, puis vit avec elle dans un logement minuscule.
"Épris très jeune de littérature, ayant fait ses premiers essais littéraires alors qu'il était collégien, Alexandre Soljenitsyne choisit néanmoins de poursuivre des études universitaires de mathématiques et de physique. À la fois parce qu'il n'y avait pas de chaire de littérature à l'université de Rostov11 et pour des raisons alimentaires. Il suit des cours de philosophie et de littérature par correspondance ; il s'inscrit à un cours d'anglais et suit également des cours de latin. Comme il le reconnaissait volontiers, à l'époque il adhère encore à l’idéologie communiste dans laquelle il a grandi".

soljenitsyne en 1938
Soljenitsyne en 1938.

Il épouse une étudiante et, après des examens de mathématiques, il passait des examens de littérature lorsqu'a éclaté la guerre contre le Troisième Reich (22 juin 1941).

Soljenitsyne et Natalia Reshetovskaya en 1941
Soljenistyne et Natalia Reshetovskaya, 1941.

Il combat : fin 1942, il est commandant de batterie ; il est décoré de l'Etoile Rouge en 1944.

soljenitsyne

"En 1945, il est condamné à huit ans de prison dans les camps de travail pour « activité contre-révolutionnaire », après avoir critiqué dans sa correspondance privée la politique de Staline ainsi que ses compétences militaires. Dans une lettre interceptée par la censure militaire, Soljénitsyne reprochait au « génialissime maréchal, meilleur ami de tous les soldats » (selon les qualificatifs officiels) d'avoir décapité l'Armée rouge lors des « purges », d'avoir fait alliance avec Hitler et refusé d'écouter les voix qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande, puis d'avoir mené la guerre sans aucun égard pour ses hommes et pour les souffrances de la Russie « Nous étions deux qui échangions nos pensées en secret : c'est-à-dire un embryon d'organisation, c'est-à-dire une organisation ! » "
Sa femme est renvoyée de l'université. Elle divorce.

 

soljenitsyne en 1946   Soljenistyne matricule 262    soljenistryne
A gauche : 1946 ; milieu : 1953

"À sa sortie du camp en février 1953, quelques semaines avant la mort de Staline, Soljenitsyne – matricule CH-262 (anciennement matricule CH-232) – est envoyé en « exil perpétuel » au Kazakhstan. Il est réhabilité le 9 avril 1956 et s'installe à Riazan, à 200 km au sud de Moscou, où il enseigne les sciences physiques. Il se remarie avec Natalia le 2 février 1957, divorce à nouveau en 1972 pour épouser, l'année suivante, Natalia Dmitrievna Svetlova, une mathématicienne.

C'est Une journée d'Ivan Denissovitch publié en 1962 dans la revue soviétique Novy Mir grâce à l'autorisation de Nikita Khrouchtchev en personne, qui lui acquiert une renommée tant dans son pays que dans le monde. Le roman décrit les conditions de vie dans un camp de travail forcé soviétique du début des années 1950 à travers les yeux d'un zek, Ivan Denissovitch Choukhov.

Il est reçu au Kremlin par Khrouchtchev. Cependant, deux ans plus tard, sous Léonid Brejnev, il lui est de plus en plus difficile de publier ses textes en Union soviétique. En 1967, dans une lettre au Congrès des écrivains soviétiques, il exige « la suppression de toute censure – ouverte ou cachée – sur la production artistique ».
Ses romans Le Premier Cercle et Le Pavillon des Cancéreux, ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue rouge, paraissent en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970, récompense qu'il ne pourra recevoir que quatre ans plus tard, après avoir été expulsé d'URSS. [...]
Sa vie devient une conspiration permanente pour voler le droit d’écrire en dépit de la surveillance de plus en plus assidue du KGB. Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en septembre 1965. En 1969, alors qu'il est persécuté par les autorités et ne sait plus où vivre, il est hébergé par Mstislav Rostropovitch.
"

1973 : publication de l'Archipel du Goulag. Il est expulsé d'URSS en 1974.

soljenistyne 1974
1974, réception du Prix Nobel à Stockholm.

"Grâce à l'aide de l'écrivain allemand Heinrich Böll, il s'installe d'abord à Zurich en Suisse, puis émigre aux États-Unis.

Soljenitsyne et Heinrich Böll
Soljenitsyne et Heinrich Böll en 1974.

Soljénitsyne devient alors la « figure de proue » des dissidents soviétiques, mais déjà apparaît, à travers ses interviews, un clivage avec certains de ses interlocuteurs qui le soupçonnent d'être réactionnaire ; il se montre en effet méfiant vis-à-vis du « matérialisme occidental » et attaché à l'identité russe traditionnelle, où le christianisme orthodoxe joue un grand rôle. [...]
Il se retire avec sa famille à Cavendish, dans le Vermont, pour écrire l'œuvre dont il rêvait depuis sa jeunesse, La Roue rouge, une épopée historique comptant des milliers de pages, qui retrace l'embourbement de la Russie dans la violence révolutionnaire.
"
1989 : c'est la Glasnost. La nationalité Soviétique est redonnée à Soljenitsyne ; l'Archipel du Goulag est publiée en URSS.
Il rentre en Russie en 1994.

Le retour
1994, le retour.

"Jusqu'en 1998, il conserve une activité sociale intense, il a sa propre émission de télévision, voyage à travers la Russie, rencontre une multitude de personnes et d'anciens déportés. La maladie interrompt cette activité.

soljenitsyne, 1998
A Moscou en 1998.

Soljenitsyne vit ensuite retiré près de Moscou, au milieu de sa famille. Le Fonds Soljenitsyne aide les anciens zeks et leurs familles démunies en leur versant des pensions, en payant des médicaments. Après avoir pensé pouvoir jouer un rôle cathartique dans la Russie post-communiste, Soljenitsyne réalise que la nomenklatura a simplement changé d'idéologie, passant du communisme au nationalisme, mais qu'elle s'est maintenue aux affaires et que les démocrates, s'ils veulent convaincre, ne peuvent agir que sur les plans associatif et culturel, le plan politique étant entièrement verrouillé par Boris Eltsine, puis par Vladimir Poutine, seuls interlocuteurs agréés par l'Occident. [...]
Il meurt à son domicile de Moscou à 89 ans dans la nuit du 3 au 4 août 2008 d'une insuffisance cardiaque aiguë. [...] Ses funérailles sont retransmises en direct à la télévision russe.
" (grand merci à Wikipedia)


5 août 2008.


 

une journee d'Ivan Denissovitch

- Une journée d'Ivan Denissovitch (Один день Ивана Денисовича, 1962). Traduction de Jean Cathala. 189 pages 10/18.

Dans sa préface, Jean Cathala explique comment ce texte a pu être publié en URSS, "la seule liberté vraiment respectée en U.R.S.S. étant celle d'interdire." (page 11) Il dit à quel point ce texte a marqué : en effet, les survivants des camps ne parlaient quasiment pas de ce qui leur était arrivé. "De toutes les expériences, en effet, l'expérience concentrationnaire est la moins communicable." (page 11).
"Ivan Dennissovitch déchire d'un coup ces ténèbres. À travers le camp de la steppe kazakhe où Choukhov vit sa journée, c'est la vie de tous les camps qui devient, pour tous, réalité concrète.Parce que l'un d'eux a osé en parler, les réchappés savent qu'il n'y a plus désormais d'innommable. Parce qu'ils sentent que les autres peuvent maintenant comprendre, les langues se délient." (pages 14-15).

Le livre n'est pas écrit comme un règlement de comptes.
"L'auteur y repousse la tentation de l'autobiographie comme celle de la revanche. Le vécu de onze ans de captivité, qui lui a permis de raconter dix-sept heures de la vie d'un captif, il le projette dans un « autrui » fabriqué de toutes pièces : le bagnard Ivan Denissovitch Choukhov, meneur de jeu qui ne garde aucune trace de son créateur, ni par le milieu social, ni par son passé, et dont la vision des choses, les réflexions, la langue même restent, d'un bout à l'autre du livre, sans une seule fausse note, celles d'un paysan de la Russie centrale. Derrière ce truchement, Soljenitsyne disparaît. Totalement. [...]
De surcroît, Soljenitsyne s'est imposé d'éliminer tout ce qui pourrait distraire de l'essentiel. Le cachot qui tue, les évadés qu'on abat, le fouet du lieutenant sadique fourniraient matière à des développements percutants : ils ne sont évoqués que par allusions. L'horreur du camp, telle que l'a conçue l'auteur, c'est un interminable quotidien ; il faut donc retrancher toute horreur, même vraie, qui accroche ; il faut qu'il ne se passe rien dans une journée sans histoire et « presque de bonheur ».
" (page 16)
Pour raconter l'histoire, Soljenitsyne a recouru au skaz "le récit à la troisième personne, mais tout entier conté dans le langage propre au protagoniste". (page 18)

La journée commence.
"A cinq heures du matin, comme tous les matins, on sonne le réveil : à coups de marteau contre le rail devant la baraque de l'administration. De l'autre côté du carreau tartiné de deux doigts de glace, ça tintait à peine et s'arrêta vite : par des froids pareils, le surveillant n'avait pas le coeur à carillonner. [...]
Il ne dormait jamais une seconde de trop, Choukhov : toujours debout, sitôt le réveil sonné, ce qui lui donnait une heure et demie de temps devant soi d'ici au rassemblement, du temps à soi, pas à l'administration, et, au camp, qui connaît la vie peut toujours profiter de ce répit : pour coudre à quelqu'un un étui à mitaines dans de la vieille doublure ; pour apporter ses valienki [bottes de feutre] - secs et au lit - à un riche de votre brigade, histoire que le gars n'ait pas à tournailler nu-pieds tant qu'il ne les a point retrouvés dans le tas ; pour trotter d'un magasinier l'autre, voir s'ils n'ont pas besoin d'un coup de main ou de balai
[...]" (page 25)
Choukhov ne quémande pas, il tâche de rendre des services. Il ne sera pas perdant.
Il se souvient de la leçon de son premier brigadier :
"- Ici, les gars, c'est la loi de la taïga. N'empêche que, même ici, on peut vivre. Ce qui ne fait jamais de vieux os au camp, c'est le licheur d'écuelles, le pilier d'infirmerie et celui qui va moucharder chez le Parrain." (page 26).
Il faut sans cesse faire attention. Il suffit d'un rien, de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, et c'est la corvée, ou bien pire. Là, Choukhov a échappé au pire et ne doit que laver des planchers. Il va chercher de l'eau.
"La margelle avait un si beau manteau de glace que le seau se coulait à peine dans le trou, et la corde était raide comme un piquet.
Le seau fumait quand Choukhov rentra au corps de garde. Il ne sentait plus ses mains. Pour les réchauffer, il les plongea dans l'eau froide.
" (pages 32-33).

On découvre donc la vie quotidienne au camp, l'organisation, les rapports de force, et l'obsession pour la nourriture, la débrouillardise dont il faut faire preuve pour pouvoir manger du solide.
"A cause qu'il ne fait pas chaud dans le réfectoire, la plupart mangent le bonnet sur la tête, mais posément, en cherchant, sous les feuilles de chou noir, la bouillie de petits poissons pourrissants dont on recrache les arêtes sur la table. Lorsque ça fait un gros tas et que la brigade suivante va s'attabler, on les balaie d'un revers de sa main, et elles s'en vont craquer sous les bottes.
Mais on ne crache jamais les arêtes directement sur le plancher : c'est malpoli.
" (page 36).
"La soupe ne varie pas d'un jour à l'autre : tout dépend du légume stocké pour l'hiver. L'année d'avant, c'était de la carotte salée, et de septembre à juin, on s'était tapé de la soupe aux carottes. Cette saison, on a du chou noir. Le bon temps pour le ventre, c'est juin : les légumes finis, vous avez du gruau à la place. Le pire, c'est juillet : le hachis d'orties bouilli." (page 37).

Les riches reçoivent des colis de nourriture. Mais il faut donner à tant de monde pour pouvoir en profiter, et obtenir des avantages, comme celui de rester au chaud pendant que les autres travaillent...

Ivan Denissovitch est en camp depuis si longtemps qu'il ne comprend plus les lettres qu'il reçoit : la société soviétique évolue, et lui-même n'a rien à dire... "A l'heure qu'il est, on trouve plus à causer avec Kildigs le Letton qu'avec sa famille." (page 63).

Retrouvons Ivan Denissovitch au travail, avec sa brigade.
"À ce moment, on apporta un baquet de neige à fondre pour le mortier, et quelqu'un annonça qu'il était déjà midi.
- Pour sûr, fit Choukhov : le soleil est d'aplomb.
- Si le soleil est d'aplomb, fit le commandant, il n'est pas midi, mais une heure.
Ça épata Choukhov :
- Pourquoi ? Tous les vieux te le diront : c'est à midi que le soleil est à son plus haut.
- Oui, fit le commandant. Mais, depuis, il y a eu un décret ; le soleil, maintenant, atteint sa hauteur maximum à une heure.
- Pas possible ? De qui qu'il est ce décret ?
- Du pouvoir soviétique.
" (page 85).

On va donc suivre Ivan Denissovitch Choukhov tout le long de sa journée. Il devra faire preuve d'une attention constante, de débrouillardise, toujours bien surveiller ce qui se passe, anticiper.
Il est condamné à dix ans. Mais qui sait si on ne va pas lui rajouter dix ans de rab, une fois arrivé à la fin de sa peine ?
"Des journées, comme ça, dans sa peine, il y en avait, d'un bout à l'autre, trois mille six cent cinquante-trois.
Les trois de rallonge, c'était la faute aux années bissextiles.
" (page 189).

Un livre très fort.

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