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Ioury Rythkeou
(Рытхэу Юрий Сергеевич)

(Ouelen, URSS, 08/03/1930 - Saint-Petersbourg, 14/05/2008)

rythkeou


Ioury Rythkeou est "un écrivain tchouktche dont la langue d'écriture était à la fois le tchouktche, sa langue maternelle, et le russe. Il est considéré comme le père de la littérature tchouktche.

Iouri Rytkheou naît le 8 mars 1930 à Ouelen, village de la Tchoukotka, en Extrême-Orient soviétique, dans une famille de chasseurs. Son grand-père est chaman. Il reçoit à la naissance le prénom de Rytkheou, ce qui signifie « inconnu ». Par la suite, afin d'obtenir un passeport, il prend un prénom (Iouri) et un patronyme (Sergueïevitch) russes, tandis que Rytkheou devient son nom de famille.

Après sept ans de scolarité à Ouelen, [...] il décide alors de rejoindre la ville fondée par Pierre le Grand par ses propres moyens pour y poursuivre son éducation. Pendant plusieurs années, il occupe différents boulots afin de s'offrir le voyage et de quoi vivre sur place : il est tour à tour matelot, chasseur et débardeur ; il participe aussi à une expédition géologique. [...]

Rytkheou suit les cours de la faculté de philologie de l'université d'État Jdanov [à Leningrad] de 1949 à 1954. [...] C'est en 1953 qu'est publié son premier recueil de nouvelles en russe [...] intitulé Les gens de notre rive (traduit du tchouktche [...]). [...] .
[En 1956] son recueil de nouvelles intitulé Saga Tchouktche, publié à Magadan, lui octroie la reconnaissance des lecteurs tant en Union soviétique qu'à l'étranger. Il adhère au Parti en 1967.

Une fois son diplôme en poche, il vit quelques années à Magadan. [...] Il retourne ensuite à Leningrad, qu'il ne quittera presque plus jamais. Il voyage cependant beaucoup : il a la chance de se rendre régulièrement dans de nombreux pays du monde au sein de délégations artistiques et culturelles. Grâce à sa maîtrise de la langue anglaise, il est quelquefois invité dans des universités américaines. Il travaille aussi un certain temps pour l'UNESCO.

Après la chute de l'URSS, les œuvres de Rytkheou ne sont plus publiées dans les anciennes républiques soviétiques. En situation difficile, l'écrivain exprime son intention d'émigrer aux États-Unis. Cependant, il fait la rencontre, via Tchinguiz Aïtmatov, de l'éditeur allemand Lucien Leitess, qui devient son agent et signe avec lui un contrat pour l'édition de ses œuvres en allemand. À partir de ce moment-là, ses livres sont traduits dans de nombreux pays (France, Finlande, Pays-Bas, Italie, Allemagne, Espagne, Japon, etc.).
Par contre, la situation en Russie est bien différente : aucun de ses livres n'est publié depuis Путешествие в молодости en 1991. Néanmoins, depuis le début des années 2000, Roman Abramovitch, alors gouverneur du district autonome de Tchoukotka, finance la publication à tirages modestes des œuvres de Rytkheou en Russie, mais elles n'atterrissent finalement jamais en vente libre, du fait qu'elles sont destinées uniquement au district autonome de Tchoukotka.
" (Wikipedia).

 

 

quand partent les baleines

- Quand partent les baleines. Traduit du russe en 1982 par Monique Salzmann Publications Orientalistes de France. 113 pages..
"La première nouvelle publiée par Ioury Rythkeou raconte l'abandon par les Tchouktches de leur demeure traditionnelle, la iarangue, que remplace progressivement la maisonnette en bois russe. Cet abandon douloureux signait l'adhésion des Tchouktches au nouveau mode de vie qui leur était proposé, et prenait valeur de symbole, dans le réel comme dans l'oeuvre de notre auteur.
Très vite, pourtant, Rytkhéou se rendit compte qu'il ne pouvait pas totalement exclure le passé de son oeuvre. [...]
Rythkéou écrit en 1969 un premier roman au passé, c'est-à-dire dont l'action se situe tout entière avant la révolution. Autant dire, il y a des millénaires. Car alors, le temps était encore circulaire, l'avenir n'existait pas, il était réitération du passé pour ce peuple à l'écart du courant du monde où seul comptait le cycle naturel des saisons, particulièrement contraignant dans le Grand Nord. [...]
Intimement mêlés à la vie des Tchouktches, l'animant et lui donnant son sens, les contes et les légendes se transmettaient de génération en génération, mettant en garde contre les dangers qui guettaient le corps et l'âme de ces hommes isolés, leur indiquant comment agir en chaque occasion et leur rappelant l'origine de toute chose. [...]
" (préface, page 9)
L'auteur écrit d'ailleurs, dans le livre : "Les enfants doivent connaître leur passé pour ne pas se sentir isolés au coeur de ce monde immense." (page 27)

iarangue
Iarangue à Ouelen, 1913.

"Il était donc dans la logique de l'oeuvre de Rytkheou de retourner aux origines, de retrouver les lettres de noblesse, le mythe de fondation du peuple de la mer, qui célèbre les noces, puis la séparation, de l'homme et de la nature." (préface, page 10).
Le plan du livre est exprimé dans cette dernière phrase. Le livre est composé de trois parties, qui ont un fil conducteur, une logique d'ensemble.
La première relève du mythe. Une jeune femme sortie de nulle part (la première de toutes les femmes ?), Naou, est attirée par un scintillement qui se rapproche du rivage. Elle va y voir de plus près.
"La baleine s'approchait du rivage et les galets crissaient sous son poids. La vague qu'elle soulevait déferlait en brûlant de froid les pieds nus de Naou.
Les premiers jours, quelque chose avait retenu la jeune fille et elle s'était gardée d'approcher. Quelque chose de fort et de puissant l'arrêtait à la limite du ressac sur cette ligne où les coquillages desséchés tombent en poussière au moindre frôlement et où des fragments d'écorce, et parfois même des troncs d'arbres entiers, gisaient imprégnés d'eau salée. Naou regardait la baleine de loin, l'immense corps noir où se reflétaient les rayons du soleil paraissait illuminé de l'intérieur par sa propre lumière.
" (pages 13-14).

La baleine se métamorphose en homme, nommé Rèou. Chaque fin de journée, il repart.
"- Pourquoi ne restes-tu pas avec moi jusqu'au matin ?
- Si je ne repartais pas avec le dernier rayon du soleil, je devrais rester sur la terre pour toujours, répondit-il.
- Et tu ne veux pas ?
- Je ne sais pas, dit-il.
Tout récemment encore, lorsque, jeune et fort, il s'ébattait au printemps dans l'eau souple de l'océan, il aurait pu dire sans hésiter que rien ne le ferait jamais échanger la mer libre pour la terre ferme. Mais à présent... Il ignorait alors qu'il y avait au monde une force capable de transformer une baleine en homme, et de le retenir sur le rivage au mépris du danger terrible d'y demeurer à tout jamais.
" (page 21).

Cette force, celle qui a transformé la baleine en homme, c'est le Grand Amour. Ce terme, pompeux (ça "sonne" un peu comme du Paulo Coelho), reviendra souvent.
La première partie a des passages un peu longuets.

famille tchouktche
Famille tchouktche et son chien husky, vers 1900-1910

Dans la deuxième partie, nous avons quitté le conte fondateur un peu naïf. Il y a une certaine originalité dans cette partie, c'est plus intéressant.
On s'y interroge sur la véracité de l'histoire fondatrice, sur l'intérêt qu'il y a à ressasser ces vieilles histoires, sur ce que doit être un mythe : pour impressionner et avoir un peu de crédibilité, certains disent qu'il devrait être abstrait, flou, et pas farci de détails concrets et terre à terre.
"Pourquoi raconter ce que Rèou aimait manger, ou bien qu'il ronflait la nuit ? [...] Que la parenté des hommes et des baleines soit une vérité ancienne, certes. Mais alors, il faudrait qu'elle soit sublime, grandiose, accessible seulement à un petit nombre et dépourvue de tous ces détails humiliants. Elle devrait resplendir comme la cime lointaine des montagnes." (page 48)
" [...] plus une ancienne légende contient d'obscurités plus elle est authentique et digne de foi !" (page 59).
Il est bien curieux, se disent certains, que les événements surnaturels ne se produisent plus...

Autre intérêt dans cette partie : les détails sur la vie quotidienne. Par exemple, les pêcheurs ne savent pas nager, et il arrive qu'une barque coule : alors, les hommes se raccrochent à des flotteurs.
"Lorsqu'il n'y a plus d'espoir, que le rivage natal n'est plus qu'une ligne embrumée bleuissant à l'horizon, le barreur sort son couteau de chasse, poignarde ses compagnons et se tue lui-même, afin d'épargner à tous des souffrances inutiles." (page 52).
On a aussi des détails culinaires : à un moment, un veau marin est tué, dépecé.
"Les enfants attendaient leur tour en avalant leur salive. Enfin, la mère retira les yeux de la tête moustachue, les entailla et les leur donna. Claquant leurs lèvres et gloussant de plaisir, les garçons les suçaient en en donnant de temps en temps à goûter à leur petite soeur." (page 57).

Dans la troisième partie, on s'éloigne toujours plus de la nature. Le texte paraît alors un peu forcé et semble prendre des accents de conte moderne, négatif.

Quand partent les baleines est souvent trop long, un poil édifiant. La partie centrale du livre est finalement la plus intéressante. L'intérêt fait du yo-yo.

 

On trouvera en ligne (format pdf) un article de Rythkéou dans le numéro de février 1976 de Le Courrier (mensuel publié par l'Unesco), à partir de la page 24 : http://unesdoc.unesco.org/images/0007/000748/074819fo.pdf



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