Livre.gif (217 octets) Littérature Nordique Livre.gif (217 octets)



-
dictées

- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour Nordique <-

retour
page d'accueil

 


August Strindberg

(Stockholm, 22/01/1849 - Stockholm, 14/05/1912)

strindbgerg

August Strindberg "est un écrivain, dramaturge et peintre suédois. Il fait partie des auteurs suédois les plus importants et est un des pères du théâtre moderne. Ses œuvres se classent parmi deux courants littéraires majeurs, le naturalisme et l'expressionnisme." (Wikipedia)

père

- Père (Fadren, 1887). Traduit par Arthur Adamov. L'Arche. 99 pages.
Il s'agit du premier grand succès théâtral de Strindberg.
"Considérée comme le premier chef-d'oeuvre de Strindberg, la pièce est née en quelques semaines. Comme tant d'autres, elle est le fruit amer d'une crise conjugale. Sa femme, ayant eu un souci de santé, avait consulté un médecin mais Strindberg était persuadé qu'elle voulait le faire enfermer dans un asile de fous."
(page 3)

Voici le décor unique des trois actes du drame : "Un salon dans la maison du capitaine. Au fond, à droite, une porte. Près de la porte, un porte-manteau auquel sont accrochés des uniformes. Dans un coin, une porte dérobée. Au milieu de la chambre, une grande table ovale chargée de livres et de journaux. Dessus, une lampe à pétrole allumée. À droite un canapé en cuir et une autre table. À gauche une commode. Au-dessus de la commode une pendule. Aux murs, des sabres, des fusils de chasse, des gibecières." (page 7).

représentation de la Comédie Française
Mise en scène d'Arnaud Desplechin à la Comédie Française. Photo prise le samedi 22 octobre 2016.

Un capitaine discute avec un pasteur lorsqu'arrive l'ordonnance : il y a quelques mois, Nöjd, un soldat de l'escadron, est sorti avec une fille, et est allé avec elle dans une grange... Maintenant, il se refuse à se déclarer le père de l'enfant.
"LE CAPITAINE
Soyons brefs. Es-tu, oui ou non, le père de l'enfant ?

NÖJD
Comment le savoir ?

LE CAPITAINE
Hein, tu ne peux pas savoir ça ?

NÖJD
Non, ça, on ne peut pas le savoir.

LE CAPITAINE
Alors, tu n'étais pas seul avec elle ?

NÖJD
Si, ce jour-là... Mais on ne peut pas non plus savoir si on est le seul...

LE CAPITAINE
Alors, tu voudrais rejeter la faute sur Ludvig ? C'est bien ça ?

NÖJD
Ce n'est pas facile de savoir sur qui rejeter la faute.

LE CAPITAINE
Sans doute, mais tu n'en as pas moins promis à Emma de l'épouser.

NÖJD
Oui, mais voyez-vous, on dit toujours ça, mon capitaine.
" (pages 9-10)

 

1991
Père, mise en scène de Patrice Kerbrat, en 1991, avec Jean-Luc Boutte et Catherine Hiegel © C. Bricage, coll. Comédie-Française (récupéré sur http://www.comedie-francaise.fr/images/telechargements/lagrange_pere1516.pdf )


Nöjd parti, le pasteur et le capitaine reprennent leur conversation. Ils parlent de Bertha, la fille que le capitaine a eue avec sa femme, Laura.
"LE CAPITAINE
[...]
Cette maison est pleine de femmes qui toutes veulent élever mon enfant. Ma belle-mère voudrait faire d'elle une spirite, Laura voudrait en faire une artiste ; la gouvernante n'a qu'une idée en tête : l'initier au méthodisme ; et la vieille Margret rêve d'une Bertha baptiste, et les bonnes veulent qu'elle se fasse salutiste. Ce n'est pas ainsi qu'on forme l'esprit d'une enfant, et c'est pourquoi il faut absolument qu'elle quitte cette maison, d'autant plus qu'on ne cesse d'y contrecarrer mes efforts, et c'est à moi que revient le droit de la former.

LE PASTEUR
Oui, il y a trop de femmes qui commandent dans ta maison.
" (page 12).
Le Capitaine, un scientifique, veut que sa fille soit éduquée chez une personne que Laura qualifie de "libre-penseur" et qu'elle devienne institutrice.
Laura n'est pas d'accord, puisqu'elle veut que sa fille reste et devienne artiste. Elle s'étonne :
"LAURA
Et la mère n'a pas son mot à dire ?

LE CAPITAINE
Non. Elle a légalement vendu son droit d'aînesse, moyennant quoi le mari la prend en charge ainsi que son enfant.
" (page 20).

Laura reparle alors d'un sujet abordé juste avant :
"LAURA
[...] Ainsi, on ne peut pas savoir qui est le père d'un enfant ?

LE CAPITAINE
Il paraît que non.

LAURA
Voilà qui est extraordinaire ! Et dans ce cas, comment le père peut-il avoir tant de droits sur l'enfant ?
" (page 21)

Desplechin
Laura (Anne Kessler) et le Capitaine (Michel Vuillermoz), dans la mise en scène d'Arnaud Desplechin (photo extraite de http://www.comedie-francaise.fr/images/telechargements/programme_pere1516.pdf ).

Plus tard, Laura plante la graine du doute.
"LE CAPITAINE
Qu'entends-tu par là ?

LAURA
Que tu ne sais pas si tu es le père de Bertha.

LE CAPITAINE
Je ne le sais pas ?

LAURA
Non. Ce que personne ne sait, tu ne peux pas le savoir non plus.

LE CAPITAINE
Tu plaisantes ?

LAURA
Non, je ne fais que suivre tes leçons. Et du reste, qu'est-ce qui te prouve que je ne t'ai pas été infidèle ?
" (pages 39-40).

La guerre est déclarée. Mais un des deux camps l'avait mieux préparée que l'autre...

A propos de la série d'oeuvres que Strindberg a écrites en deux ans, et qui commence par Le Père, voici ce qu'écrit Régis Boyer dans son Histoire des littératures scandinaves (Fayard, page 166) :
"Ce que nous voyons se perpétrer sous nos yeux, c'est la « lutte des cerveaux » (hjänornas kamp), c'est-à-dire l'assassinat méthodiquement conduit, par des moyens qui ne relèvent pas, d'abord, du criminel communément conçu, mais du mental (suggestion, insinuations perfides, mise en place savante et progressive d'un doute fondamental, dérision, abaissement) et qui établissent que la Femme est bien plus forte que l'Homme en l'amenant, par exemple, à douter de sa paternité, de sa virilité ; le médiocre bien plus puissant que le génie, en sapant la confiance que ce dernier a en sa valeur ; la majorité compacte bien plus méchante que l'individu d'exception dans sa naïveté."

C'est donc une bonne pièce, mais la guerre des cerveaux m'a quand même paru un tout petit peu longue (la représentation dure deux heures).
Concernant la représentation de la Comédie Française : bonne mise en scène de Desplechin, au service du texte ; et bons acteurs, même si Alexandre Pavloff, qui interprétait le docteur OEstermark, n'était pas toujours audible.

Pour finir, voici un extrait d'une lettre que Zola, écrivit à Strindberg à propos de la pièce Père qu'il lui avait envoyée à lire :
"Vous savez peut-être que je ne suis pas pour l'abstraction. J'aime que les personnages aient un état civil complet, qu'on les coudoie, qu'ils trempent dans notre air. Et votre capitaine qui n'a pas même de nom, vos autres personnages qui sont presque des êtres de raison, ne me donnent pas de la vie la sensation complète que j'en demande. Mais il y a certainement là, entre vous et moi, une question de race. Telle qu'elle est, je le répète, votre pièce est une des rares oeuvres dramatiques qui m'aient profondément remué." (Strindberg, Théâtre complet, volume 2, l'Arche, page 557).





- Retour à la page de Littérature Nordique -

 

Toutequestion, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)