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KONO Taeko
(Osaka, 24/02/1926-Tokyo, 29/01/2015)

 

taeko kono

 

Née en 1926 à Osaka, Kono Taeko (de son vrai nom Ichijkawa Taeko) est marquée par la guerre qui a bouleversé son enfance et ruiné sa famille. Elle survit à la tuberculose (thème présent dans plusieurs de ses nouvelles). Elle se consacre à l'écriture à partir de 1960.
Elle a remporté le prix Akutagawa en 1963 pour Les Crabes (disponible en français dans le recueil La Chasse à l'Enfant), le prix Yomiuri pour Une voix soudaine (Fui no Koe, 不意の声, 1969), le Prix Tanizaki pour Un an de pastorale (Ichinen no bokka, 一年の牧歌 ; non traduit en français) en 1980, le Prix Noma pour Miiratori ryōkitan (みいら採り猟奇譚) en 1991.

 


 

la chasse

- La Chasse à l'Enfant (280 pages, traduit par Cécile Sakai, 1990). Ce livre contient les nouvelles suivantes : La Chasse à l'Enfant (1961), Les Crabes (prix Akutagawa 1963), La Neige (1962), Derrière les murs (1962), Théâtre (1962), Derniers Instants (1966, prix de la littérature féminine 1967).

L'univers de ce livre est très malsain : les "héroïnes" sont attirées de manière plus qu'ambigüe par les garçonnets (La Chasse à l'Enfant, Les Crabes...), mais on a droit également à une bonne louche de sado-masochisme et de fétichisme (La Chasse à l'Enfant, Théâtre), ainsi que de phobies diverses (Neige, nouvelle aux forts relents freudiens).
Le malaise que l'on ressent à sa lecture est d'autant plus grand que son style, simple, et le point de vue impersonnel, ne créent pas de barrière monstrueuse entre le lecteur et les pulsions perverses des "héroïnes" - que l'on ne perçoit donc pas comme des monstres, des êtres hors-norme.

Dans un article du World Literature Today, il est fait un rapprochement entre ce livre et les oeuvres de Flannery O'Connor, et c'est vrai qu'il y a beaucoup de rapports entre les deux. Endo Shusaku a dit d'elle : "Kono Taeko est l'auteur féminin que j'admire le plus parmi les auteurs Japonais. Son regard impitoyable pénètre les profondeurs de la nature humaine ; et elle montre ce qu'elle y trouve avec une absolue précision."
(d'après une page du site de l'éditeur WW. Norton qui n'est plus accessible ).

conte cruel d'un chasseur devenu proie

- Conte cruel d'un chasseur devenu proie (Miiratori Ryôkitan, みいら採り猟奇譚, 1990). Traduction de Rose-Marie Makino-Fayolle. Seuil. 335 pages.
Au début du livre, on trouve la présentation de dix personnages principaux.
Hinako Otaka, dix-neuf ans, a épousé Masataka Otaka ; ce dernier a trente-huit ans. Il est médecin.
Le père de Hinako Otaka est directeur d'une clinique. Il est gendre adopté. Le père de Masataka est aussi médecin. L'homme qui aurait dû épouser Hinako Otaka était médecin. La mère de Masataka était à moitié japonaise et à moitié allemande...
Il y a donc beaucoup de personnages, plein de médecins, de gendres adoptés ou qui pourraient l'être, et au début, ce n'est pas très simple de se souvenir de qui est qui. La liste est donc vraiment la bienvenue.

Puis vient le début du roman :
"Hinako épousa Masataka Otaka au cours de la seizième année de l'ère Shôwa, en 1941, à la saison où les arbres reverdissent. Commença alors une vie conjugale hors du commun telle qu'elle n'aurait pu l'imaginer.
Hinako venait tout juste de terminer ses études au lycée supérieur de jeunes filles. Elle avait déjà subi la perte soudaine de l'homme qui aurait dû devenir son mari, et Masataka était en réalité sa première expérience.
Pourtant, elle se rendit compte progressivement, dès le début de leur vie conjugale, que leur situation était peut-être bien différente de celle des gens ordinaires. Quelque part dans son inconscient, elle se doutait que ce genre de vie était possible.
" (page 11).

La dernière phrase est très étrange. Elle sous-entend une certaine prédisposition... En même temps, la deuxième phrase dit qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Elle, et pas son inconscient.
Prédisposition que l'on entrevoit mieux quelques pages plus loin : Hinako est alors assise dans une pièce, en présence d'un oiseau dans une cage.
"Heureusement, elle ne voyait pas le petit oiseau qui ne cessait de voleter en tous sens. Elle n'aimait pas l'agitation continuelle de ces volatiles. Elle ne supportait pas ce déséquilibre entre leur corps et leur mouvement. Il lui semblait qu'à l'origine c'étaient d'autres animaux qui, par châtiment, avaient été transformés de cette horrible manière. Leurs ailes donnaient l'impression d'avoir poussé à la place de bras et de jambes manquants. Leur bec ainsi que leurs deux pattes qui pointaient hors des plumes étaient grotesques, comme si eux aussi avaient été modifiés sous l'effet d'un quelconque châtiment. Quant aux yeux, incrustés, toujours en mouvement, ils n'avaient aucune lueur de gentillesse. Ils lui paraissaient lancer des éclairs de cruauté. Elle sentait même qu'ils seraient capables de la rendre cruelle contre sa volonté. Leur mouvement incessant ajouté à l'indécision qu'elle éprouvait vis-à-vis de ses propres sentiments faisaient qu'elle avait peur des oiseaux et qu'elle ne pouvait s'empêcher de les détester." (page 37).

Masataka Otaka, on le découvre rapidement, a des tendances de soumission masochistes. Sa femme répond à ses désirs.
"Ils constituaient avant tout un couple obstinément tourné vers le jeu de la soumission et et de la domination." (page 246). On retrouve donc ici le fantasme de l'enfant (qui se prend une fessée).

"Sobre dans son style et sophistiquée dans sa pensée, l'oeuvre de Kôno est une quête sans fin des désirs humains et des perversions intimes ; le remarquable essai qu'elle a écrit sur son auteur de prédilection, Tanizaki bungaku to kôtei no yokubô, 1976 (Tanizaki ou Le Désir affirmé), en est la preuve la plus éclatante." (Dictionnaire de littérature japonaise, sous la direction de Jean-Jacques Origas, notice de Cécile Sakai, Puf Quadrige).

Nous sommes pendant la seconde guerre mondiale, les choses ne tournent pas très bien pour le Japon.
Faut-il donc voir dans la trajectoire du couple un parallèle facile avec la situation du Japon ? La défaite du Japon et l'aspiration à la mort de Masataka Otaka peuvent-elles être comparées ? Certainement pas, ça n'est pas une pensée bien sophistiquée. Est-ce plutôt l'éducation japonaise de cette époque qui amène à la mort et à l'auto-destruction ? Ou bien le livre veut-il dire que des gens peuvent être amenés à être cruels malgré eux ? Qu'ils ont une prédisposition que certains ont su mettre en valeur, grâce à l'éducation appropriée ?
Le sens n'est vraiment pas clair.

Le roman, lui, est long, très long.
Pourtant, la description du quotidien n'est pas inintéressante : on voit empirer la situation économique, et le quotidien en général : fermeture des restaurants, des théâtres, mise en place du ravitaillement ; exercices d'alertes incendie ; et puis les bombardements...
De façon plus anecdotique, on découvre l'existence d'un impôt qui frappe ceux qui sont sans enfants, ainsi qu'une taxe sur les couples mariés sans enfants, supposés encourager la natalité.
"C'était une politique très curieuse. Car beaucoup d'hommes étaient partis sur les champs de bataille et ceux qui restaient étaient appelés les uns après les autres..." (page 189).

Mais tout est très, très détaillé : il y a par exemple quasiment une page grand format pour énumérer les données à remplir sur un formulaire :
"Il fallait d'abord remplir les rubriques suivantes : période de scolarité et nom de la dernière classe, nom, prénom, date de naissance, âge domicile légal, adresse actuelle, numéro de téléphone, nom du propriétaire. Puis il y avait quatre cases différentes elles-mêmes divisées en petites rubriques, concernant le mariage, la profession, les études et autres. Pour chacune des rubriques, il fallait inscrire la date de déclaration pour le mariage, celle du commencement du travail pour la profession, [...]" (page 187). Etc, etc.

Là, on peut se demander : à quoi bon ? pourquoi tous ces détails, toutes ces précisions ? Il doit y avoir une raison, mais laquelle ? La domination de l'auteur sur le lecteur qui souffre, dans une fusion parfaite entre la forme et le fond ?

De plus, les petites scènes de domination sont évoquées de temps en temps, sans crier gare. On ne voit pas vraiment l'évolution de la relation du couple : pendant plusieurs dizaines de pages, on ne sait rien de ce qui se passe dans la chambre conjugale, et puis brusquement on a pour ainsi dire une session de rattrapage. C'est vraiment étrange, comme volontairement bancal.

Autant le quotidien de Bruine de Neige, de Tanizaki, fait de quasiment rien, était passionnant, autant ici, je dois dire que l'ennui m'a gagné.
J'ai sans doute un problème d'affinités avec Kôno Taeko.

 

Egalement disponibles en français :
- Sang et Coquillage (roman, 235 pages)
- Une voix soudaine (roman, 188 pages).


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