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Stefan Zweig
(Vienne, Autriche-Hongire, 22/02/1881 - Petrópolis, Brésil, 22/02/1942)


stefan zweig

Stefan Zweig à Salzburg.

 

"Stefan Zweig, né le 28 novembre 1881 à Vienne, en Autriche-Hongrie, et mort par suicide le 22 février 1942, à Petrópolis au Brésil, est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien.

Ami de Sigmund Freud, d'Arthur Schnitzler, de Romain Rolland, de Richard Strauss et d'Émile Verhaeren, Stefan Zweig fit partie de la fine fleur de l'intelligentsia juive viennoise, avant de quitter son pays natal en 1934 en raison de la montée du nazisme. Réfugié à Londres, il y poursuit une œuvre de biographe (Joseph Fouché, Marie Antoinette, Marie Stuart) et surtout d'auteur de romans et nouvelles qui ont conservé leur attrait près d'un siècle plus tard (Amok, La Pitié dangereuse, La Confusion des sentiments). Dans son livre testament Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen, Zweig se fait chroniqueur de l'« Âge d'or » de l'Europe et analyse avec lucidité ce qu'il considère être l'échec d'une civilisation." (suite à lire sur Wikipedia)

voyage dans le passé

Le Voyage dans le Passé (Widerstand der Wirklichkeit, publication partielle en 1929 ; publication complète en 1976). Traduit par Baptiste Touverey. Le Livre de poche. 177 pages.
Ce livre comporte la nouvelle en français - 70 pages - , suivie de la version originale en allemand, et pour finir "Stefan Zweig et le monde d'hier", un texte d'Isabelle Hausser qui retrace la vie de Zweig, dont voici un extrait :
"La Vienne où naît Stefan Zweig, en 1881, avait connu d'importants changements au cours des vingt années précédentes. [...]
si la culture morale et scientifique de la bourgeoisie libérale autrichienne était analogue à celle du reste de l'Europe, il n'en allait pas de même de sa culture esthétique. Elle adhérait à la Gefühlskultur (la culture des sentiments) issue de l'aristocratie. Contrairement à ce qui se passa dans d'autres pays d'Europe, la bourgeoisie, libérale et puritaine, ne parvenant pas à détruire l'aristocratie, finit par en assimiler les valeurs.
" (page 147).
Un texte intéressant.
L'avant-propos du traducteur, lui, prend un malin plaisir à résumer tout Le Voyage dans le Passé. Est-ce par pur esprit de sadisme ? Si le traducteur veut parler du texte, l'analyser, il n'a qu'à le faire après ! Les postfaces, ça sert à ça. Ou bien a-t-il a peur que le lecteur, une fois le texte de Zweig fini, ne referme le livre et ne lise pas ce qu'il veut nous dire, je ne sais pas.
Bref.

Le Voyage dans le Passé s'ouvre par des retrouvailles entre un homme et une femme. "« Te voilà », dit-il en venant à sa rencontre les bras ouverts, presque déployés." (page 13). L'homme, c'est Louis (mais Ludwig en vo... était-il vraiment nécessaire de franciser le prénom ? parle-t-on "Louis de Beethoven" ? Non, alors...).
Ils prennent le train. En même temps que le voyage géographique, Louis voyage dans le passé.
"C'est vers le passé, vers le passé, que voltigeaient ses pensées : un autre paysage, une autre époque se déployaient comme en rêve, aimantés par le rapide cliquetis cadencé des roues." (page 42).

"Confronté dès son enfance à une pauvreté humiliante, nourri par l'assistance publique, il avait réussi à survivre grâce à des emplois de précepteur et de répétiteur, aigri avant l'heure par les privations et le pain de mauvaise qualité. En mettant de côté, le jour, quelques centimes pour s'acheter des livres, en consacrant ses nuits à l'étude, les nerfs épuisés et tendus jusqu'à se rompre, il avait achevé ses études de chimie sortant premier de sa promotion et, grâce aux vives recommandations de son professeur principal, il avait été introduit auprès du célèbre Conseiller G., directeur de la grande usine de Francfort." (page 16).
Intelligent, travailleur acharné, il va se faire remarquer par le Conseiller et travailler directement avec lui ; il va ainsi faire la connaissance de sa femme, beaucoup plus jeune que son mari, et en tomber amoureux.

"La soudaine explosion des sentiments qu'ils s'étaient avoués, par l'immense puissance de son souffle, avait fait voler en éclats toutes les digues et barrières, toutes les convenances et les précautions : comme des animaux, brûlants et avides, ils tombaient dans les bras l'un de l'autre quand ils se croisaient dans un couloir obscur, derrière une porte, dans un coin, profitant de deux minutes volées ; la main voulait sentir la main, la lèvre la lèvre, le sang inquiet sentir son frère, tout s'enfiévrait de tout, chaque nerf brûlait de sentir contre lui le pied, la main, la robe, une partie vivante, n'importe laquelle, d'un corps qui se languissait de lui." (page 38).

La trame de base est très classique, mais le texte tient vraiment bien grâce au regard rétrospectif, à la conscience que du temps est passé, et à l'incertitude quand au dénouement.
"Il semble que Zweig ait voulu répondre à sa manière à la grande question : l'amour résiste-t-il à tout ? Résiste-t-il à l'usure du temps, à la trahison, à une guerre mondiale ?" (Baptiste Touverey, avant-propos, page 7).

Une bonne nouvelle.

Le film que Patrice Leconte en a tiré a pour titre Une Promesse. Le changement se justifie : la construction n'est plus en flashbacks, il n'y a plus de voyage dans le passé.
Louis/Ludwig, devenu Friedrich (pour faire plus germanique ?), est interprété par Richard Madden, le Robb Stark de Game of Thrones ; le Conseiller est interprété par Alan Rickman (le professeur Severus Snape de Harry Potter), et sa femme est interprétée par Rebecca Hall (vue notamment dans Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen), qui sert ici une cup of tea.
une promesse   une promesse  une promesse     

Tout ce petit monde parle anglais et fait forcément très british. Le film, souvent maladroit, n'est hélas pas très bon. Pour tenter de ne pas sombrer dans l'académisme de la reconstitution trop propre (tout le monde est beau et propre sur soi... Louis/Ludwig n'est vraiment pas marqué pas ses efforts et la misère dont il tente de s'extraire), la caméra bouge un peu de temps en temps, de façon inexplicable (le caméraman avait envie de se gratter ?), ce qui ressemble à un aveu d'impuissance.
On a le droit de changer des éléments d'un livre, mais si c'est pour faire moins bien (la fin est nulle !), à quoi bon ? Franchement ?
D'une bonne nouvelle, Patrice Leconte a fait un film banal.

Bande-annonce (qui en dit beaucoup) :

 

 

le retour de gustav mahler

Le retour de Gustav Mahler. Traduit de l'allemand en 2015 par David Sanson. Introduction de Bertrand Dermoncourt. Actes Sud. 53 pages.
Outre l'introduction de 22 pages, ce livre comporte deux textes : Le Chef d'orchestre (un poème de 6 pages) et Le Retour de Gustav Mahler (un texte de 17 pages).

Commençons par l'introduction.
"En 1910, à l'occasion des cinquante ans du compositeur, il écrit un long poème, “der Dirigent” [“Le chef d'orchestre”], contribution pour un petit livre-hommage imaginé par le musicologue Paul Stephan, qui paraît à l'automne. [...]
En recevant ce petit livre-hommage avant la première de la Huitième Symphonie, Mahler a l'impression, écrit son biographe, “d'être aimé et vénéré par un petit groupe d'élus, ce qui, dans une certaine mesure, le consolera du peu d'intérêt que les associations symphoniques témoignent pour ses oeuvres et de l'incompréhension de la majorité des professionnels et des critiques musicaux”
" (pages 11-13)

"Cependant, dans “Le retour de Gustav Mahler”’, l'auteur de La Confusion des sentiments ne propose pas de commentaires musicologiques à proprement parler. Il s'attache surtout à dresser le portrait psychologique d'un homme et, déjà, à évoquer ses souvenirs (alors que, faut-il le rappeler, il écrit son texte en 1915, quatre ans après la mort du compositeur)." (page 16)
"En romancier, Zweig raconte encore, dans Le Monde d'hier, “ la dernière fois” où il aperçut Mahler : les deux hommes se retrouvent sur le même bateau transatlantique en mai 1911." (page 17).
Bertand Dermoncourt montre bien la différence entre les souvenirs écrits par Zweig et ce qu'écrit Alma Mahler dans son Journal : Zweig ne l'aide pas, il dévisage Mahler à tel point que ce dernier doit se retourner... "Sans doute Zweig veut-il emporter avec lui l'image intacte du malade allongé sur sa chaise longue, caressé par le vent du large, plutôt que de se livrer à des tâches matérielles moins susceptibles de nourrir plus tard ses souvenirs. Indignée, Alma congédie vertement l'écrivain, installé dans le compartiment voisin du leur. “C'était un écrivain et il était surtout prêt à rendre service en paroles”, constate-t-elle encore..." (page 18).

Bertrand Dermoncourt continue en parlant des liens de Zweig avec la musique : Max Reger qui a écrit deux lieder sur ses textes (Ein Drängen ist in meinem Herzen - dans l'opus 97 - et Neue Fülle - dans l'opus 104) ; la collaboration avec Richard Strauss comme librettiste... On s'éloigne de Mahler, mais tout cela est intéressant. Et, finalement, on revient au sujet du livre : Mahler.
"Formés par l'ébullition de la “Vienne moderne”, Mahler et Zweig avaient une conscience aiguë du conflit entre la recherche d'originalité et la nécessité de poursuivre la tradition. On perçoit violemment cette ambiguïté dans l'ovure de Mahler, où les sentiments et les genres se heurtent en permanence. La littérature de Zweig était plus sage. Cependant l'auteur d'Amok savait que l'abstraction en peinture, l'atonalité en musique, l'hermétisme en littérature participaient d'un même sentiment de perte de sens. Ainsi remarquait-il encore dans Le Monde d'hier : “Partout on proscrivait l'élément intelligible, la mélodie en musique, la ressemblance dans un portrait, la clarté dans la langue”..." (pages 27-28).
Après cette introduction viennent les deux textes

Puis vient le premier texte : le chef d'orchestre, contribution pour les cinquante ans du Mahler.
En voici le début :
"Une ruche dorée, dont les rayons accueillent
Une cohue bourdonnante, c'est ainsi
Qu'apparaît l'édifice inondé par la lumière
Et par l'attente de tous ces gens réunis
En un essaim d'enthousiasme. [...]
Et toutes ces voix hésitantes qui, à l'instant d'avant,
Luttaient, quêteuses, dans l'espace vacant,
S'y risquaient encore timides et solitaires,
Toutes ces vois à présent s'imbriquent, débordent,
Pour former une mer, une mer dont les vagues bientôt
Comme cheveux d'enfants s'éprennent et coquettement ondulent,
Puis se contractent comme un poing, une mer
Qui veut atteindre les étoiles.
" (page 31-32).
Ce sont six pages pleines de flots, d'obscurité d'émeraude, d'étoiles, de perles enfouies dans les profondeurs, de tempêtes qui font rage, de musique en fusion, jusqu'à ce que, enfin :
"[...] l'allégresse éclate ! Toutes les lumières s'embrasent -
Nous sommes sur le rivage où s'échouent les rêves.
" (page 36).
Je ne suis vraiment pas un spécialiste de poésie, de plus il s'agit d'une traduction (que peut-il rester de la poésie traduite ?), mais ce texte ne me paraît vraiment pas essentiel dans l'oeuvre de Zweig.

Puis vient le deuxième texte : Le Retour de Gustav Mahler (17 pages), qui a donc été écrit en 1915, quatre ans après la mort de Mahler.
Il commence ainsi : "Le voici de retour chez lui, le grand réprouvé de jadis, triomphalement de retour dans la ville dont il avait été chassé il y a quelques années à peine. Dans cette même salle où autrefois sa volonté s'imposait avec une force démonique, son être défunt règne désormais sous sa forme spiritualisée, sa musique résonne." (page 37)
Il y a un point de vue générationnel : "Car pour nous, pour toute une générations, il fut d'avantage qu'un musicien, qu'un maître ou qu'un chef d'orchestre, davantage qu'un simple artiste : il fut la part inoubliable de notre jeunesse." (page 38).
Zweig continue en frisant parfois l'hagiographie :
"Peut-être haïssait-il la vie réelle parce qu'elle était fragile, dure, indolente, parce qu'elle était une masse, avec sa pesanteur et sa résistance, et qu'il voulait atteindre à cette vie réelle qui se cache derrière les choses, aux neiges éternelles de l'art, là où ce monde touche le ciel." (page 43).
C'est l'Artiste envié, jalousé par la meute des médiocres (qui seront prompts à retourner leur veste), gêné par la routine bureaucratique de l'administration...
Puis, du fait que nous avons lu la préface qui présentait aussi le point de vue d'Alma, nous lisons différemment les lignes qui décrivent Mahler gisant comme un mourant, sur un remorqueur. "Ses mains émaciées reposaient, jointes par la fatigue, sur la couverture, c'était la première fois que lui, cet homme fougueux, m'apparaissait faible." (page 48).
Zweig se met en scène : "L'émotion me poussait vers lui, la timidité me retenait, je devais me contenter de le regarder de loin, et le regarder encore, comme si, à travers ces regards, je pouvais encore recevoir quelque chose de lui et lui témoigner ma gratitude." (page 48).
Il est intéressant de voir comment un écrivain reconstruit une scène, la travestit (s'il faut en croire Alma, bien sûr). On est toujours tenté de croire un texte écrit par un témoin, surtout connu... On a tort, sans doute : un écrivain fait un mauvais témoin. Mais, bien sûr, ces petits arrangements peuvent aboutir à des choses plus belles ou plus touchantes que la simple description d'une réalité triviale.

Un texte, et un livre, à réserver aux amateurs de Mahler.


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