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Heinrich von Kleist
(Francfort-sur-l'Oder, 18/10/1777 - Wannsee, Berlin, 21/11/1811)


kleist

Kleist est issu d'une famille noble de militaires.
Son père, capitaine de régiment, décède en 1788. Kleist a onze ans. La situation financière est difficile. Il étudie à l'école de la communauté réformée française de Berlin.
En 1792, il entre comme caporal au régiment de la Garde de Potsdam et participe au Siège (1793) et au Blocus de Mayence (1794-1795).
En 1799, alors lieutenant, il démissionne de l'armée et s'inscrit à l'université de Francfort-sur-le-Main : il y étudie les mathématiques et les sciences naturelles. En 1800, il se fiance. Refusant de réintégrer l'armée, il travaille comme fonctionnaire à Berlin.
La même année, il fait un mystérieux voyage à Wurzbourg pour se faire opérer d'une anomalie... "A Wurzbourg, Kleist a été guéri d'un phimosis, pense-t-on, ou, peut-être, d'une impuissance d'origine psychologique. Peut-être n'a-t-il pas été guéri, peu importe." (Antonia Fonyi, introduction à La Marquise d'O, GF-Flammarion, page 32).
Peu importe ? Certainement pas, et c'est évident.
Car, comme l'écrit Armel Guerne (L'Âme insurgée, Ecrits sur le Romantisme, page 143) : "[...] on serait tenté notamment de souligner aujourd'hui les rapports complexes et multiformes de l'impuissance avec la violence". Ce n'est pas pour rien qu'il ne se mariera jamais. Et sa cyclothymie vraisemblable n'explique pas tout.
En 1801, il lit Kant, ce qui le plonge dans une profonde dépression. "La reconnaissance fulgurante de l'impossibilité d'accéder à la vérité par la raison prive de leur sens toutes les connaissances scientifiques que le jeune homme a accumulées par de ferventes études." (Antonia Fonyi, introduction à La Marquise d'O, page 14).
Il voyage en France puis s'installe à Berne, où il finit sa première pièce. Il se brouille avec sa fiancée.
On lui diagnostique une « mélancolie morbide ».

En 1803, il voyage à Leipzig, Dresde, Milan, Genève, Paris.
Il cherche sans succès à s'engager dans l'armée française qui s'apprête à envahir l'Angleterre, en espérant y mourir.
Il retourne en Allemagne. Il est malade six mois. Il termine sa pièce Robert Guiscard.
Il obtient une place d'apprenti à l'administration des Domaines à Kœnigsberg, où il arrive en mai 1805, revoit ses premières compositions et écrit Michel Kohlhaas, la Marquise d'O et Amphitryon d'après Molière.
En juin 1806, il renonce à la carrière de fonctionnaire et quitte le service pour raison de santé. Il termine La Cruche Cassée.

En janvier 1807, se rendant à Dresde, il est soupçonné d'espionnage par l'état-major français à Berlin, qui lui a refusé un laissez-passer. Il est envoyé comme prisonnier de guerre en France, où il est notamment incarcéré au fort de Joux. Il est libéré en juillet.
Il s'installe à Dresde et publie sa nouvelle Tremblement de terre au Chili, finit Penthésilée et La Petite Catherine de Heilbronn.
1810 : Le Prince de Hombourg. Il rencontre Henriette Vogel, une femme mariée.
1811 : Publication des Fiancés de Saint Domingue.

Kleist et Henriette (en fait "Adolphine" : elle a changé de prénom pour lui) Vogel se donnent rendez-vous à Wansee, près de Potsdam. Après avoir pris le thé sur une table en plein air (écrit Armel Guerne), ils se donnent la mort : Kleist tue d'abord Henriette, qui était atteinte d'un cancer, d'un coup de pistolet, et se suicide.
La quasi-totalité de son oeuvre a été écrite en cinq ans.

On peut lire sur sa tombe un vers tiré du Prince de Hombourg : « Nun, o Unsterblichkeit, bist du ganz mein » (Maintenant, ô immortalité, tu es toute à moi !)

tombe de Kleist    tombe de Kleist       tombe de Kleist   tombe de Kleist   tombe de Kleist

Photo de gauche : la tombe de Kleist, photographiée le 17 juillet 2011. On voit que celle d'Henriette Vogel est tout à côté.
Sur la stèle de Kleist (deuxième photo), des visiteurs ont déposé de petites choses.
En regardant vers la gauche (troisième photo), on voit que l'on n'est pas loin de l'eau, on est un peu en hauteur. On peut descendre (quatrième photo).
A l'occasion du bicentenaire de sa mort, le lieu a dû être modifié (la dernière photo présente le projet) de telle sorte que cela devienne un lieu très gai, avec couple au grand sourire et petit enfant tout heureux.

la marquise d'O
La Marquise d'O photographiée à Dresde, le 11/07/2011.
"Lorsque, après la « crise kantienne », Kleist part à la recherche d'un but, il découvre à Dresde la beauté, la jouissance qui ne fait pas appel à la raison, mais aux sens et au coeur. C'est là que, raisonneur encore, il demande à un jeune peintre si, à vingt-six ans, il n'est pas trop tard pour se consacrer à l'art : c'est alors, peut-on supposer, que germe sa vocation. Il reste, des heures durant, devant le tableau de Raphaël, « devant cette mère de Dieu, d'une profonde gravité, d'une calme grandeur. »" (introduction à La Marquise d'O, pages 23-24)
Raphaël : madonne sixtine    Raphaël : madonne sixtine, détail
Raphaël, Madonne sixtine (1513-1514), vue générale et détail fameux. Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde.


La Marquise d'O
(Geschichte, 1814). Traduit par M-.L Laureau et G. La Flize. Introduction par Antonia Fonyi. GF Flammarion. 259 pages.

Le recueil comporte sept nouvelles.
"Le thème en est toujours un événement extraordinaire, parfois grotesque ou comique, souvent terrible ; il est traité avec une objectivité logique, sans intentions moralisantes. Du point de vue philosophique, on peut dégager de l'oeuvre de conteur de Kleist, une vision pessimiste du mal, dénuée de la foi de Schiller en une justice supra terrestre ; le seul élément positif est constitué par la confiance qu'il accorde à l'individualité morale et intérieure de ses personnages, qui se transforment au cours de la nouvelle comme dans la vie.
« La Marquise d'O», peut-être inspirée à l'auteur par une anecdote que rapporte Montaigne sans son essai sur l'ivresse, est d'une hardiesse insolite pour l'époque.
" (Dictionnaire des Oeuvres, Robert Laffont.)
On peut le dire !
Ses histoires sont pleines de violence, ça conspire, ça éclate les têtes contre un mur, ça se massacre à tour de bras... On n'est pas là pour plaisanter. C'est stupéfiant.
"Peste, tremblement de terre, protestantisme iconoclaste, révolte des esclaves. Les catastrophes naturelles et sociales ou politiques se valent parce que celles-ci sont aussi destructrices que les forces aveugles de la nature, tandis que celles-là entraînent les mêmes désordres meurtriers en son propre sein." (introduction, page 19).

1/ La Marquise d'O (Die Marquise von O..., 1807). 46 pages.
"A M..., ville importante de la Haute-Italie, la marquise d'O..., une dame veuve d'excellente réputation, mère de plusieurs enfants parfaitement élevés, fit connaître par la voie de la gazette que, sans s'expliquer comment, elle se trouvait enceinte, que le père devait se présenter pour reconnaître l'enfant qu'elle mettrait au monde et que, pour des considérations de famille, elle était résolue à l'épouser. La dame qui, dans l'étau d'une situation implacable, faisait avec une telle tranquillité un geste si étrange, en s'attirant ainsi la risée publique, était la fille du seigneur de G..., gouverneur de la citadelle de M..." (page 45).
Excellente nouvelle, adaptée par Rohmer en 1976.

2/ Le Tremblement de terre du Chili (Der Erdeben in Chili, 1807). 18 pages.
Nous sommes à Santiago, en 1647, juste avant un tremblement de terre qui allait faire des milliers de morts. Dès le début, on voit un jeune Espagnol, Jeronimo Rugera, debout dans une prison, sur le point de se pendre. Il avait eu le tort de conter fleurette à la fille unique d'un des hommes les plus riches de la noblesse de la ville ; la jeune fille avait alors été mise dans un couvent, mais le jeune homme avait insisté "[...] une nuit où tout dormait, le jardin du couvent était devenu le théâtre de sa pleine félicité. On était à la Fête-Dieu et la procession solennelle des nonnes que suivaient les novices se mettait en marche quand, à ce même instant, sous le carillon des cloches, la malheureuse Josephe s'affaissa sur les degrés de la cathédrale, dans les douleurs de l'enfantement." (page 95).
Tout ceci dès la première page de l'histoire. Dans la deuxième page, la malheureuse Josephe est mise en prison, son procès instruit, et "la peine du bûcher à laquelle elle avait été condamnée [fut] commuée en décapitation" (page 96).
"On loua les fenêtres dans les rues par où devait passer le cortège de l'exécution ; on démolit les toits des maisons et les pieuses filles de la ville invitèrent leurs amies à assister à leur côté, comme des soeurs, au spectacle qu'on offrait à la vengeance divine." (page 96).
Mais bientôt va arriver le tremblement de terre du titre... Violence naturelle et violences humaines... Massacres... C'est assez ahurissant ! (on pense parfois, au plus fort de l'action, aux sagas islandaises).

3/ Les Fiancés de Saint-Domingue (Die Verlobung in St. Domingo, 1811). 40 pages.
"Kleist est prisonnier en 1807 au fort de Joux où est mort en 1804 Toussaint-Louverture" (introduction, page 19).
"Au début de ce siècle, à l'époque où les Noirs massacrèrent les Blancs, vivait un terrible vieux Nègre, du nom de Congo Hoango, dans la plantation du sieur Guillaume de Villeneuve, à Port-au-Prince, dans la partie française de l'île de Saint-Domingue." (page 117).
"[...] Congo Hoango fut l'un des premiers qui saisit la carabine et, se souvenant de la tyrannie qui l'avait arraché à sa patrie, envoya sa première balle dans la tête de son maître. Il incendia la maison dans laquelle Mme de Villeneuve s'était réfugiée avec ses trois enfants et les autres Blancs de la colonie [...]" (page 118).
Un jour que Hoango est parti transporter de la poudre, alors que la tempête et la nuit arrivent, on frappe à sa maison. "La vieille Babekan, qui était déjà couchée, se leva, ouvrit [...]" (page 119).
C'est un Blanc qui demande l'hospitalité, sans savoir où il est tombé.... Que fait-il là ?
Encore une nouvelle où ça se massacre bien, avec toutefois une très bonne louche de suspens !

4/ La Mendiante de Locarno (Das Bettelweib von Locarno, 1810). 4 pages.
Une histoire de spectre et de folie. Pas mauvais, mais cette nouvelle n'a pas l'ampleur des autres du recueil. Elle a "un style résolument impersonnel, impassible, où le récit se veut indifférent, étranger même à l'histoire qu'il raconte" (Armel Guerne, L'Âme insurgée, page 140)

5/ L'Enfant trouvé (Der Findling, 1811). 19 pages. C'est l'histoire d'un riche marchand de biens de Rome qui va à Raguse avec son fils Paolo. Mais "une maladie du genre de la peste venait de s'y déclarer". (page 169). On s'apprête à fermer les portes de la ville ; le marchand se dépêche, "le souci de son fils fit taire tous les intérêts commerciaux : il prit des chevaux et repartit.
Lorsqu'il fut dans la campagne, il remarqua près de sa voiture un enfant qui, dans une attitude suppliante, tendait vers lui les mains et semblait être en proie à une grande agitation.
" (page 169).
On sent le drame arriver. Ça va être pire que ce qu'on peut imaginer. Largement.
"La honte, la volupté et la vengeance s'unirent désormais pour faire éclore le plan de l'action la plus abominable qui ait jamais été accomplie." (page 183). Si ça ne donne pas envie...

6/ Sainte Cécile ou La Puissance de la Musique (Die Heilige Cäcilie oder die Gewalt der Musik, 1810). 13 pages. "Vers la fin du XVI° siècle, à l'époque où sévissait dans les Pays-Bas la rage de saccager les images sacrées, trois frères, jeunes étudiants de Wittenberg, retrouvèrent dans la ville d'Aix-la-Chapelle un quatrième frère qui exerçait les fonctions de pasteur. [...] les quatre frères, échauffés par le fanatisme, la jeunesse et l'exemple des Néerlandais, décidèrent de donner aussi à la ville d'Aix-la-Chapelle le spectacle d'un massacre d'images sacrées." (page 193).
Mais, comme le dit le titre, c'est compter sans la Puissance de la Musique... sacrée, puisque Sainte Cécile est aux commandes ! Très bonne nouvelle fantastique.

7/ Le Duel (Der Zweikampf, 1811). 37 pages. Nous sommes au XIV° siècle. L'histoire et les raisons d'un jugement de Dieu, un duel assez tordu. Un petit peu long et peut-être un petit peu trop tordu. Pas la meilleure nouvelle du recueil, mais il ne faut pas faire la fine bouche.


Un recueil plus qu'excellent, des nouvelles énormes, violentes, pleines de passions, de bruit et de fureur. C'est parfois carrément sidérant.


michael kohlhaas

- Michael Kohlhaas. (Michael Kohlhaas, 1810 ; 169 pages). Texte français par Armel Guerne, Jane et Robert Strick. Phébus, 1983. Le recueil, de 269 pages, contient également La Mendiante de Locano, Sainte Cécile et Le Duel.
Armel Guerne est mort avant d'avoir pu achever la traduction, il s'est arrêté en plein milieu d'une phrase : "[...] alors ce que tu réclames est juste ; et si" (page 84).

"La « vieille chronique » d'où est tirée le personnage historique ensuite transformé par Kleist, est le Mikrochrornologikum de Peter Hafftiz, de la seconde moitié du XVI° siècle. " (Dictionnaire des Oeuvres, Bouquins).

Texte original
Armel Guerne (1980)
M.L Koch (1887)
An den Ufern der Havel lebte, um die Mitte des sechzehnten Jahrhunderts, ein Roßhändler, namens Michael Kohlhaas, Sohn eines Schulmeisters, einer der rechtschaffensten zugleich und entsetzlichsten Menschen seiner Zeit. — Dieser außerordentliche Mann würde, bis in sein dreißigstes Jahr für das Muster eines guten Staatsbürgers haben gelten können. Er besaß in einem Dorfe, das noch von ihm den Namen führt, einen Meierhof, auf welchem er sich durch sein Gewerbe ruhig ernährte; die Kinder, die ihm sein Weib schenkte, erzog er, in der Furcht Gottes, zur Arbeitsamkeit und Treue;[...] ; kurz, die Welt würde sein Andenken haben segnen müssen, wenn er in einer Tugend nicht ausgeschweift hätte. Das Rechtgefühl aber machte ihn zum Räuber und Mörder. "Au bord de la Havel, vers le milieu eu XVI° siècle, demeurait un marchand de chevaux appelé Michael Kohlhaas ; fils d'un maître d'école, il fut l'un des hommes les plus justes de son époque, et en même temps l'un des plus terribles. Jusqu'à la trentième année de son âge, on aurait pu prendre cet homme extraordinaire comme modèle du bon citoyen. Il possédait, dans un village qui lui doit encore son nom, un domaine agricole où il vivait tranquillement de commerce, élevant dans la crainte de Dieu les enfants que sa femme lui avait donnés, en leur inculquant le goût du travail et la loyauté. [...] bref, si cet homme n'avait pas abusé d'une vertu, le monde n'aurait pu que bénir sa mémoire. Mais son sentiment de la justice devait faire de lui un brigand et un meurtrier." (page 13). "Sur les bords de l'Havel, vivait, vers le milieu du seizième siècle, un marchand de chevaux, nommé Michael Kohlhaas, fils d'un maître d'école. Ce fut un des hommes les plus intègres et en même temps l'un des plus redoutables de son époque.
Jusqu'à sa trentième année, cet homme extraordinaire aurait pu passer pour le modèle du bon citoyen. Il possédait un bien dans un village qui porte encore aujourd'hui son nom, et y vivait paisiblement du produit de son métier, élevant pieusement les enfants que sa femme lui donnait, et les instruisant dans l'amour du travail et de la probité.[...] En un mot, le monde aurait béni sa mémoire sans les circonstances qui l'amenèrent à pousser à l'excès une seule vertu, le sentiment de la justice, et en firent un brigand et un meurtrier.
"


Michael Kohlhaas va donc être victime d'une injustice, et va tenter d'obtenir une juste réparation par les voies légales. Mais la justice est ce qu'elle est, surtout quand ceux qui jugent font plus ou moins partie de la même famille que celui qui a commis l'injustice en question. Michael Kohlhaas ira jusqu'au bout, c'est-à-dire très, très loin... Mais c'est un homme de principe !

On retrouve la démesure, la violence qu'on avait déjà pu trouver dans ses autres nouvelles. Ici, le texte est plus long et s'affaiblit parfois un peu par moments, du fait du très grand nombre d'événements (et de quelques coïncidences tirant finalement le texte vers le conte) qui se succèdent à un rythme parfois effréné.
Mais on est dans le très bon.

Grâce à la sortie (le 4 août 2013) du film français d'Arnaud des Pallières (2013), avec Mads Mikkelsen...

le film

... le texte est ressorti (chez Mille et Une Nuits, dans la traduction libre de droits de M.L. Koch). Je suppose (et espère) que les adaptateurs ont enlevé un certain nombre de rebondissements...

 

Apparemment, Ragtime (Milos Forman, 1981) est une adaptation non déclarée de Michael Kohlhaas.

 

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