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Guy de MAUPASSANT

(Tourville-sur-Arques, 05/08/1850– Paris, 06/07/1893)

maupassant

Maupassant, par Nadar.

Un des grands écrivains français, auteur de contes (notamment fantastiques), de nouvelles et de romans.
Il est mort fou.
Wikipedia parle de sa vie beaucoup mieux que moi.

une vie
La tristesse d'Une Vie dans les feuilles mortes à Metz, le 1er novembre 2009.

Une Vie (publié en 1883). Folio classique. Edition d'André Fermigier.
La quatrième de couverture fait parler Tolstoï (Léon, je suppose) : "Une vie est un roman admirable ; ce n'est pas seulement le meilleur roman de Maupassant, mais peut-être même le meilleur roman français après Les Misérables de Hugo".
Ça place tout de suite la barre très haut.
La première page de la Préface nous remet les pieds sur terre.

A propos de Maupassant, André Fermigier écrit : "On peut trouver, hier comme aujourd'hui, qu'il est assez facilement brutal, un peu gros, un peu court, un peu bas de plafond, plus journaliste qu'écrivain ; on ne conteste pas qu'il a « ramené en France le goût violent du conte et de la nouvelle », comme lui-même le dira plus tard. Invente-t-il ? Guère et d'ailleurs à quoi bon ? La vie a tellement plus d'imagination que les hommes de lettres." (page 9).

Singulière édition. Généralement, la présentation, les notes sont dithyrambiques. Rien de tel ici, André Fermigier mettra en évidence les facilités, les clichés du texte. Rarement, il en dira du bien (et, dans ce cas, le jugement positif n'en ressortira que plus fortement).

Nous sommes en 1819.
"Jeanne, sortie la veille du couvent, libre enfin pour toujours, prête à saisir tous les bonheurs de la vie dont elle rêvait depuis si longtemps, craignait que son père hésitât à partir si le temps ne s'éclaircissait pas ; et pour la centième fois depuis le matin elle interrogeait l'horizon." (page 27).
Son père, justement, le voici : "Le baron Simon-Jacques Le Perthuis des Vauds était un gentilhomme de l'autre siècle, maniaque et bon. Disciple enthousiaste de J.J. Rousseau, il avait des tendresses d'amant pour la nature, les champs, les bois, les bêtes. [...]
Homme de théorie, il méditait tout un plan d'éducation pour sa fille, voulant la faire heureuse, bonne, droite et tendre.
Elle était demeurée jusqu'à douze ans dans la maison, puis, malgré les pleurs de la mère, elle fut mise au Sacré-Coeur.
" (page 28).
On verra que l'éducation en question consiste en vraiment peu de choses... avec des conséquences.
Bien sûr, notre tendre héroïne "se mit à rêver d'amour.
L'amour ! Il l'emplissait depuis deux années de l'anxiété croissante de son approche. Maintenant elle était libre d'aimer ; elle n'avait plus qu'à le rencontrer, lui !
" (page 39).
A un moment, notre héroïne nage admirablement bien. Note : "Les prouesses nautiques de Jeanne ne sont pas très vraisemblables [...] Maupassant évoque ici ses propres expériences d'excellent nageur et il a voulu peut-être insister sur le contraste entre l'exceptionnelle vitalité physique de Jeanne et sa nullité psychologique et intellectuelle". (page 300).
Aïe. Fille cruche, père doux rêveur...

Rapidement, un bellâtre pointe le bout de son nez. "Il possédait une de ces figures heureuses dont rêvent les femmes et qui sont désagréables à tous les hommes. [...]
Le charme langoureux de cet oeil faisait croire à la profondeur de la pensée et donnait de l'importance aux moindres paroles.
" (pages 52-53).

Il y a de bons passages, "à la Flaubert", par exemple une énumération de clichés, lorsque nos deux tourtereaux parlent du monde :
"Alors ils parcoururent l'univers, discutant les agréments de chaque pays, depuis les pôles jusqu'à l'équateur, s'extasiant sur des paysages imaginaires et les moeurs invraisemblables de certains peuples comme les Chinois ou les Lapons : mais ils en arrivèrent à conclure que le plus beau pays du monde, c'était la France, avec son climat tempéré, frais l'été et doux l'hiver, ses riches campagnes, ses vertes forêts, ses grands fleuves calmes et ce culte des beaux-arts qui n'avait existé nulle part ailleurs, depuis les grands siècles d'Athènes." (page 61).
Bon passage immédiatement gâché par le coucher de soleil qui suit :
"[...] tandis que, cambrant sous le ciel son ventre luisant et liquide, la mer, fiancée monstrueuse, attendait l'amant de feu qui descendait vers elle. Il précipitait sa chute, empourpré comme par le désir de leur embrasement. Il la joignit ; et, peu à peu, elle le dévora." (page 62).
Là, Maupassant en fait des tonnes.
Curieusement - et heureusement ! - cela ne se reproduira pas. On aurait pu penser que cet excès correspondait à un état d'esprit de Jeanne, mais même pas. Le style des descriptions ne semble pas suivre son état d'esprit.

Il y a d'autres bons passages : une noce, bien écrite, vivante, et surtout un voyage en Corse - pour moi, le meilleur morceau du livre, même s'il y a des invraisemblances : le Corse qui parle un "patois corse, bouillie de français et d'italien" (page 99), mais qui, juste après, s'exprime en un français impeccable.

Très vite, après des pages ensoleillée et où certaines personnalités se dessinent de manière très évidentes, on a : "Alors elle s'aperçut qu'elle n'avait plus rien à faire, plus jamais rien à faire." (page 104). Note d'André Fermigier : "C'est une phrase clef du roman : elle définit le mariage, la situation personnelle de Jeanne et résume la nullité d'une classe sociale." (page 304).
Le roman est centré sur Jeanne. On sait ce qu'elle pense, ce qu'elle ressent. Les pensées des autres, nous ne les pénétrons pas vraiment.


Quant à l'histoire dans ses grandes lignes, André Fermigier en explique le sens historique, elle épouse l'histoire.
"Il y a d'abord l'ancien régime, ceux qui l'ont connu ou lui ont survécu." On dépense sans compter. "On s'entend bien avec ses paysans et ses domestiques dont on ne conçoit pas qu'ils puissent espérer, en fait et en droit, un sort différent du leur [...] On lit les philosophes, on se moque des prêtres. [...]
La Révolution arrive, on émigre, ou l'on meurt (pas tellement), ou l'on se bat (moins encore), ou l'on fait le gros dos, ou l'on se rallie à l'Empire. En 1815, on revient [...]. On sait en particulier que l'argent et le pouvoir sont des biens qu'il convient de ne pas gaspiller, de ne pas laisser passer en d'autres mains, et que cela implique quelques sacrifices par rapport à la frivolité d'antan. [...]
Arrive 1845, les chemins de fer, les Rotschild, les saint-simoniens, les parvenus de l'Empire, les délices de la banque
[...]" (pages 19-20)


Pour finir, le roman, qui a bien sûr des qualités, est globalement énervant. Car Jeanne, il faut bien le dire, est une chiffe molle. Elle peut être très, très énervante.
Franchement. On a envie de la secouer (Madame Bovary, au moins, agit, tente quelque chose). Et on en arrive à penser que s'il lui arrive des misères, c'est bien de sa faute. Difficile de compatir. Quand on cherche les emmerdes et qu'on les récolte, il ne faut pas venir se plaindre.
On peut considérer que le livre est une critique d'une certaine éducation (en fait : d'une quasi absence d'éducation) et de J-J Rousseau.
Peut-être.
Mais plus, j'ai des gros doutes.
Maupassant aurait pu prendre une fille intelligente et volontaire. Il a préféré prendre une bécasse.
Sa vision de la femme ?

 

contes normands

Trois nouvelles extraites des Contes Normands : Boule de Suif, Mademoiselle Fifi et la Maison Tellier. La Pochothèque.

- Boule de Suif (1880).
Nous sommes pendant la guerre de 1870.
"Les Prussiens allaient entrer à Rouen, disait-on.
La Garde nationale qui, depuis deux mois, faisait des reconnaissances très prudentes dans les bois voisins, fusillant parfois ses propres sentinelles, et se préparant au combat quand un petit lapin remuait sous des broussailles, était rentrée dans ses foyers. Ses armes, ses uniformes, tout son attirail meurtrier, dont elle épouvantait naguère les bornes des routes nationales à trois lieues à la ronde, avaient subitement disparu.
" (pages 81-82).
C'est la débandade de l'armée française...
"La vie semblait arrêtée ; les boutiques étaient closes, la rue muette. Quelquefois un habitant, intimidé par ce silence, filait rapidement le long des murs.
L'angoisse de l'attente faisait désirer la venue de l'ennemi.
" (page 82).

"Enfin, comme les envahisseurs, bien qu'assujettissant la ville à leur inflexible discipline, n'avaient accompli aucune des horreurs que la renommée leur faisait commettre tout le long de leur marche triomphale, on s'enhardit, et le besoin du négoce travailla de nouveau le coeur des commerçants du pays. Quelques-uns avaient de gros intérêts engagés au Havre que l'armée française occupait, et ils voulurent tenter de gagner ce port en allant par terre à Dieppe où ils s'embarqueraient.
On employa l'influence des officiers allemands dont on avait fait la connaissance, et une autorisation de départ fut obtenue du général en chef.
Donc, une grande diligence à quatre chevaux ayant été retenue pour ce voyage, et dix personnes s'étant fait inscrire chez le voiturier, on résolut de partir un mardi matin, avant le jour, pour éviter tout rassemblement.
" (page 85)
Parmi les voyageurs se trouvent de nombreuses personnes respectables : marchand de vins, propriétaire de filatures, comte et comtesse, deux religieuses... et un certain Cornudet, "le démoc, la terreur des gens respectables. Depuis vingt ans, il trempait sa barbe rousse dans les bocs de tous les cafés démocratiques."
Et voici Boule de Suif : "La femme, une de celles appelées galantes, était célèbre par son embonpoint précoce qui lui avait valu le surnom de Boule de suif. Petite, ronde de partout, grasse à lard, avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareils à des chapelets de courtes saucisses, avec une peau luisante et tendue, une gorge énorme qui saillait sous sa robe, elle restait cependant appétissante et courue, tant sa fraîcheur faisait plaisir à voir. Sa figure était une pomme rouge, un bouton de pivoine prêt à fleurir; et là-dedans s'ouvraient, en haut, deux yeux noirs magnifiques, ombragés de grands cils épais qui mettaient une ombre dedans ; en bas, une bouche charmante, étroite, humide pour le baiser, meublée de quenottes luisantes et microscopiques.
Elle était de plus, disait-on, pleine de qualités inappréciables.
Aussitôt qu'elle fut reconnue, des chuchotements coururent parmi les femmes honnêtes, et les mots de "prostituée", de "honte publique" furent chuchotés si haut qu'elle leva la tête. Alors elle promena sur ses voisins un regard tellement provocant et hardi qu'un grand silence aussitôt régna, et tout le monde baissa les yeux à l'exception de Loiseau, qui la guettait d'un air émoustillé.
" (page 93).

boule de suif
Boule de Suif (1945), de Christian-Jacque. A gauche, Cornudet (inénarrable Alfred Adam) et à droite, Boule de Suif (Micheline Presle, qui a perdu la graisse du rôle).

Le voyage ne va bien sûr pas se passer comme prévu. Les passagers respectables qui fanfaronnent loin du danger s'aplatiront devant les Allemands, leur patriotisme sera à géométrie variable ou, plus exactement, ils auront le patriotisme de leur argent. Des hypocrites.

Cette excellente nouvelle a fait l'objet de très nombreuses adaptations au cinéma, dans de nombreux pays : Sternberg (Shanghaï Express, 1932), Mizoguchi (Oyuki la Vierge, 1935), John Ford (La Chevauchée Fantastique, 1939), Christian-Jacque (Boule de Suif, 1945)...

Dans la version de Christian-Jacque, les dialogues signés Henri Jeanson sont extrêmement savoureux.
Voici la scène du départ de la calèche :

 

Très bon film, qui fait un habile mélange de Boule de Suif et d'une autre nouvelle de Maupassant, Mademoiselle Fifi. Le film date de 1945, et cela se sent parfois, par exemple dans la méchanceté vicieuse de l'officier alllemand surnommé "Mademoiselle Fifi", qui fait très officier SS :

fifi
"Mademoiselle Fifi" - il s'agit du surnom d'un officier Prussien - remarquablement intérprété par Louis Salou. Ici, il fête une ignominie.

- Mademoiselle Fifi (1882)
Il s'agit du marquis Wilhem d'Eyrik, "un tout petit blondin fier et brutal avec les hommes, dur aux vaincus, et violent comme une arme à feu.
Depuis son entrée en France, ses camarades ne l'appelaient plus que Mlle Fifi. Ce surnom lui venait de sa tournure coquette, de sa taille fine qu’on aurait dit tenue en un corset, de sa figure pâle où sa naissante moustache apparaissait à peine, et aussi de l’habitude qu’il avait prise, pour exprimer son souverain mépris des êtres et des choses, d’employer à tout moment la locution française - fi, fi donc, qu’il prononçait avec un léger sifflement.
La salle à manger du château d’Uville était une longue et royale pièce dont les glaces de cristal ancien, étoilées de balles, et les hautes tapisseries des Flandres, tailladées à coups de sabre et pendantes par endroits, disaient les occupations de Mlle Fifi, en ses heures de désœuvrement.
" (page 223).
Nous sommes quelque part à l'est de Rouen. Un groupe d'officiers prussiens s'est installé dans une riche demeure, et s'ennuie. On joue du piano, on dégrade des oeuvres d'art, on boit...

mademoiselle fifi

L'armée française est en déroute... Mais certains Français résistent comme ils le peuvent : le prêtre, par exemple, se refuse à faire sonner la cloche de l'église.
"Le commandant et ses officiers riaient ensemble de ce courage inoffensif ; et comme le pays entier se montrait obligeant et souple à leur égard, ils toléraient volontiers son patriotisme muet.
Seul, le petit marquis Wilhem aurait bien voulu forcer la cloche à sonner.
" (page 228).

Pour passer agréablement le temps, les officiers décident d'organiser une petite fête et vont se procurer des dames.
Bonne nouvelle, mais beaucoup plus simple (il y a moins de personnages) que Boule de Suif.


- La Maison Tellier (1881)
Nous sommes en Normandie. La Maison Tellier est une maison close. La nouvelle commence ainsi :
"On allait là, chaque soir, vers onze heures, comme au café, simplement.
Ils s’y retrouvaient à six ou huit, toujours les mêmes, non pas des noceurs, mais des hommes honorables, des commerçants, des jeunes gens de la ville ; et l’on prenait sa chartreuse en lutinant quelque peu les filles, ou bien on causait sérieusement avec Madame, que tout le monde respectait.

Puis on rentrait se coucher avant minuit. Les jeunes gens quelquefois restaient." (pages 153-154).

"L’établissement, unique dans la petite ville, était assidûment fréquenté. Madame avait su lui donner une tenue si comme il faut ; elle se montrait si aimable, si prévenante envers tout le monde ; son bon cœur était si connu, qu’une sorte de considération l’entourait. Les habitués faisaient des frais pour elle, triomphaient quand elle leur témoignait une amitié plus marquée ; et lorsqu’ils se rencontraient dans le jour pour leurs affaires, ils se disaient : « À ce soir, où vous savez », comme on se dit : « Au café, n’est-ce pas ? après dîner. »
Enfin la maison Tellier était une ressource, et rarement quelqu’un manquait au rendez-vous quotidien." (page 160)

Un beau jour - ou plutôt un soir - la porte est comme la maison : close.
"La petite lanterne, derrière son treillage, ne brillait point ; aucun bruit ne sortait du logis, qui semblait mort." (page 160).
Le marchand de bois, qui était le premier arrivé, s'éloigne et rencontre l'armateur. Ils reviennent ensemble, mais la porte est toujours fermée.
"Mais un grand bruit éclata soudain tout près d'eux, et, ayant tourné la maison, ils aperçurent un rassemblement de matelots anglais et français qui heurtaient à coups de poings les volets fermés du café. Les deux bourgeois aussitôt s'enfuirent pour n'être pas compromis, mais un léger « pss't » les arrêta: c'était M. Tournevau, le saleur de poisson, qui, les ayant reconnus, les hélait. Ils lui dirent la chose, dont il fut d'autant plus affecté que lui, marié, père de famille et fort surveillé, ne venait là que le samedi, « securitatis causa », disait-il, faisant allusion à une mesure de police sanitaire dont le docteur Borde, son ami, lui avait révélé les périodiques retours. C'était justement son soir et il allait se trouver ainsi privé pour toute la semaine." (page 160).
C'est la consternation générale, quasiment l'émeute. Que faire ? Comment occuper la soirée ?

Plus tard, on remarquera une pancarte qui indiquait "Fermé pour cause de première communion".
Toute la maisonnée est partie très loin (il a fallu prendre le train !), jusque dans le village natal de Madame, pour assister à la première communion de sa nièce.
Les pensionnaires de la Maison vont y faire sensation.

Une bonne nouvelle, qui a connu plusieurs adaptations cinématographiques (notamment le segment central du film "Le Plaisir", de Max Ophuls, 1952, avec Madeleine Renaud, Ginette Leclerc, Danielle Darrieux, Jean Gabin, Pierre Brasseur...).

ophuls
Max Ophuls : le Plaisir - La Maison Tellier.


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