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Kalidasa

(il vécut sans doute dans le Madhya Pradesh, Inde, vers le IV-V° siècle)

"Kâlidâsa (en écriture devanāgarī : कालिदास, littéralement « serviteur de Kâlî ») est un poète et dramaturge écrivant en sanskrit, qui a vécu sur le sous-continent indien à la fin de la période antique. Réputé pieux adorateur de Shiva, ses écrits s'inspirent largement de la mythologie et de la philosophie hindoues. Son immense célébrité lui a valu le titre de Kavikula-guou « précepteur de tous les poètes ».

On pense généralement qu'il a vécu entre le IVe et le Ve siècle, sans doute au Madhya Pradesh.

Abhijñānaśākuntalam, considéré comme son chef-d'œuvre, a été l'une des premières œuvres sanskrite traduite en anglais puis dans d'autres langues.

Dans ses œuvres, la beauté de la nature est dépeinte avec élégance et dans un langage métaphorique peu comparable avec les littératures du reste du monde. Une légende dit qu'il est mort au Sri Lanka, bien qu'aucune preuve ne le confirme." (Wikipedia).

"L'oeuvre dramatique de Kalidasa marque sans conteste l'apogée du théâtre sanskrit. Urvasi conquise par la vaillance met en scène une passion tellement exclusive, et d'une telle fraîcheur de sentiment, que rien, dans la littérature indienne, ne peut lui être comparé. Quant à Sakuntala, elle est l'oeuvre la plus fameuse de la scène indienne." (Lyne Bansat-Boudon, introduction au Théâtre de l'Inde ancienne, Pléiade, pages XXI-XXII)

 

théâtre de l'inde ancienne

- Sakuntala au signe de reconnaissance. Pièce en sept actes traduite par Lyne Bansat-Boudon. 90 pages (extrait du Théâtre de l'Inde ancienne, Pléiade, 1574 pages)

Commençons par quelques extraits de la préface de Lyne Bansat-Boudon qui nous donne des explications sur le théâtre de l'Inde ancienne :

"Au sanskrit, langue parfaite et l'apanage des hommes de haut rang, s'oppose et se combine la diversité des prâkrits, langues de moindre perfection parce que « naturelles » et « dérivées » du sanskrit, que le théâtre affecte aux hommes de moindre prestige, aux femmes, fussent-elles reines ou déesses, et aux enfants. Il y a là un procédé qui, pour n'être pas ignoré du théâtre occidental, n'en est pas moins exploité différemment. Source de malentendu, le plurilinguisme y est, selon les cas, ressort dramatique ou facteur comique : ainsi le dernier acte d'Il Campiello de Goldoni construit-il une scène d'une drôlerie légère autour du chevalier napolitain qui n'entend rien au vénitien de sa belle. Sur le théâtre indien, en revanche, il se déploie avec aisance et bonheur, reflet d'une réalité linguistique qui vaut encore aujourd'hui, et prétexte à d'autres jeux scéniques qui font de la polyglossie une polyphonie : tous se comprennent et, connaissant également le sanskrit et les prâkrits, peuvent passer de l'un à l'autre au gré des situations dramatiques. [...]
Des passerelles sont jetées, qui autorisent, par exemple, une femme à « recourir au sanskrit » comme le signale la didascalie, si la noblesse du sujet traité l'exige. [...]

La bigarrure linguistique se renforce de la distribution du texte en prose et vers. Car les deux oppositions vers/prose, sanskrit/prâkrit fonctionnent parallèlement, les vers étant pour l'essentiel réservés aux personnes autorisées à parler le sanskrit, comme si les femmes dans leur ensemble, et les hommes de petite condition étaient par essence plus prosaïques que les héros de noble extraction.
" (pages XXXII- XXXIII)

Le théâtre indien "se dote d'une distribution, donc d'une troupe, nombreuse, et, s'incarnant sur la scène, d'une profusion de moyens qui l'apparente à l'opéra [...]" (page XXXIV).
Cependant : "Convention encore que l'absence de décor et le nombre réduit des accessoires : le jeu de l'acteur y supplée. On peut le vérifier dans le Kutiyattam, où un tabouret suffit pour signifier le mont Kailasa, que décrivent longuement la gestuelle et la mimique de l'acteur qui y est juché. [...] Convention toujours que la présence continue de la musique - tambours qui accompagnent et exaltent l'expression des sentiments, cymbales qui marquent la mesure -, laquelle ne s'interrompt, dans le Kutiyattam, qu'au moment de la récitation des strophes." (page LI).

Il existe un traité, "le Traité du théâtre, qui légifère aussi bien sur le texte dramatique que sur tout l'appareil spectaculaire : phénomène unique dans l'histoire des littératures, puisque, à ce traité complet, l'Occident ne peut opposer que des traités de dramaturgie - le terme est à prendre en son sens premier - s'essayant à déterminer les règles de composition du texte dramatique." (page XXXV)

"Pour juger de l'aptitude à la scène du théâtre indien, il faut en avoir compris la singularité, laquelle tient plus encore à la représentation qu'au texte dramatique : c'est l'emphase spectaculaire qui fait pour l'essentiel l'originalité du théâtre indien [...]" (page XXXIX).

Autre caractéristique : le théâtre indien n'est pas tragique, il a une "intrigue à laquelle la théorie assigne par avance un terme heureux" (page XLIII). "[...] le héros indien n'a pas vocation à la catastrophe, mais au succès. L'un des principes susceptibles d'expliquer que la catégorie du tragique soit étrangère à l'Inde serait donc l'absence de conflit, soit extérieur, opposant les hommes aux dieux, soit intérieur, divisant le coeur du héros. Le théâtre indien, en effet, ignore cette figure fondamentale de la tragédie grecque qu'est le dilemme. [...] Encore moins est-il le héros occupé de l'orgueilleux soin de sa gloire, concept essentiel à la tragédie classique, dont l'excès le porte à lui sacrifier tout, y compris son amour. Dans Phèdre, il n'est pas un personnage qui ne s'en réclame." (page XLVI)

Après ces explications, venons-en à notre pièce, Sakuntala.
Sa publication, dans la traduction anglaise de William Jones en 1789, a eu un très grand retentissement en Europe. Goethe, notamment, est impressionné :

Goethe
Traduction extraite du Dictionnaire des oeuvres, Robert Laffont
Willst du die Blüthe des frühen, die Früchte des späteren Jahres,
Willst du, was reizt und entzückt, willst du was sättigt und nährt,
Willst du den Himmel, die Erde, mit Einem Namen begreifen;
Nenn’ ich, Sakuntala, Dich, and so ist Alles gesagt.

Veux-tu les fleurs du printemps et les fruits de l'automne,
veux-tu ce qui séduit et ce qui charme, ce qui nourrit et ce qui rassasie,
veux-tu exprimer le ciel et la terre, par un seul mot ?
Je dis Sakuntalâ et j'ai tout dit.

Goethe au début de son Faust, met en scène un directeur de théâtre... il s'agit très vraisemblablement d'une influence de Sakuntala, qui commence avec un dispositif similaire.

Schubert, lui, écrit un opéra (inachevé) en 1820. Lamartine consacre deux entretiens du Cours familier de littérature (1856-1869) à Sakuntala, etc..

sakuntala
Camille Claudel, "Sakountala", sculpture (Marbre), 1905, Musée Rodin, Paris.
Cette oeuvre s'est ensuite appelée
Vertumne et Pomone - voir : http://www.musee-rodin.fr/fr/collections/sculptures/vertumne-et-pomone )


Le texte d'origine est en sanskrit ; dans les extraits qui suivent (et il en est ainsi dans La Pléiade) l'italique correspond au prâkrit.

Au début du texte, un roi chasse.
"LE ROI : Cocher, cette gazelle nous a entraînés bien loin !" (page 353).

Le roi se retrouve ainsi près d'un ermitage. Il voit une bien belle jeune fille qui est occupée à arroser des arbres. Une telle beauté employée aux tâches de l'ermitage !

"Ce corps à la beauté dépourvue d'artifice,
Le sage qui voudrait le plier à l'ascèse
S'évertuerait sans trêve à couper l'acacia
D'un lotus à la feuille au rebord délicat.

Eh bien ! caché derrière ces arbres, observons-la tout à loisir.
" (page 357)

"LE ROI : Plût au ciel que celle dont elle est née fût d'une autre caste que le maître de la communauté ! Trêve de crainte, cependant !
Il faut qu'elle mérite un prince pour époux,
Si mon noble coeur la désire.
Quand au doute ils inclinent,
Les gens de bien se fient à l'élan de leur âme.

Cependant, il faut qu'à son sujet je sache la vérité.

SAKUNTALA, en proie au trouble : Ah ! dérangée par les aspersions d'eau, une abeille jaillie du jasmin assaille mon visage !
                                    L'abeille la harcèle : jeu de l'actrice.
" (page 358)

Une note explique que cette situation, qui est un topos de la poésie sanskrite, "signifie implicitement que le visage de Sakuntala a la beauté du lotus et que son souffle en a le parfum." (page 1304)

Le Roi l'aime ; Sakuntala, elle, n'est pas indifférente. Tout va donc pour le mieux... Mais, patatras ! À cause d'une malédiction, le Roi va oublier l'existence de la belle !

"LE ROI, à part : [...] pourquoi cette mélancolie profonde quand je ne suis séparé d'aucun être chéri ? Cependant,
Quand, à la vue d'objets charmants,
À l'écoute de sons suaves,
Un être, heureux pourtant, est saisi de tristesse,
Il faut qu'à son insu son esprit se souvienne,
Arrêtées en son coeur,
Des tendres passions de ses vies antérieures.
" (page 398).
Il s'agit, dit une note, d'une strophe célèbre. "Elle donne l'essentiel de la doctrine psychologique indienne fondée sur la théorie des renaissances et, parallèlement, de la théorie esthétique." (pages 1311-1312).

Comment tout ceci va-t-il se finir ? Bien car, on le sait, le théâtre indien n'est pas tragique !


Sakuntala est une pièce intéressante, à l'histoire simple... mais à la lecture pas toujours aisée : 90 pages de texte... et 20 pages de notes, qui elles-mêmes font souvent référence à un Répertoire recensant de nombreux mots et thèmes dans lesquels il faut encore aller piocher...
A travers toutes ces notes, le lecteur moyen (moi) perçoit un peu mieux l'étrangeté de ce monde, et prend mieux conscience de sa méconnaissance de tant de concepts et codes...

 

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