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SERAGELDIN Samia
(195... - )

 

Samia Serageldin est née au Caire dans les années 50. Elle a fait des études de politique à l'Université de Londres.
Elle vit maintenant aux Etats-Unis. Elle a fini d'écrire son deuxième roman et travaille sur un recueil de nouvelles.
On trouvera plus d'informations (en anglais) sur http://www.thecairohouse.com/author.html.

la maison du caire

- La Maison du Caire (The Cairo House, 2004). Traduit de l'anglais en 2006 par Rose-Marie Makino-Fayolle, Rivages, 315 pages.
La Maison du Caire est un roman semi-autobiographique.
Comme elle l'explique dans une interview (cf http://www.dailystaregypt.com/article.aspx?ArticleID=3526.) : "La Maison du Caire est en grande partie ma propre histoire, et comme on dit en Chine : « J'ai traversé une époque intéressante ». Pour un écrivain, ce n'est pas entièrement une mauvaise chose que de traverser une époque intéressante. [...] Ce qui m'a surprise, c'est que des gens qui pensaient se reconnaître dans le livre se fichaient que leur portrait soit même un peu critique, alors que ceux qui ne figuraient pas du tout en tant que personnages étaient offensés d'avoir été laissés de côté !".

Dans la même interview, lorsqu'on lui dit que le livre semble plutôt adressé à un public occidental, elle répond :
"J'ai été élevée dans un environnement trilingue, mais j'ai vécu en Angleterre ou aux Etats-Unis quasiment sans interruption depuis que j'ai vingt ans, de sorte que l'anglais est maintenant ma langue d'expression écrite dominante. Il est également vrai que chaque écrivain imagine un « lecteur idéal », et que le mien était vaguement anglophone. Cela m'a donné un sentiment d'anonymat et, partant, de liberté du type d'inhibitions - à la fois personnelle et politique - qui m'auraient contraintes si j'avais écrit pour un lectorat égyptien, où le nom de ma famille aurait été immédiatement familier."

Gihan, que tout le monde appelle Gigi, est une femme qui revient en Egypte après de nombreuses années passées aux Etats-Unis. Elle veut y retrouver son fils, resté au pays.
Entre autres sujets, ce roman parle de l'exil, de l'adaptation à d'autres cultures.

Au début du roman, alors qu'elle est encore dans l'avion, Gihan parle avec des Américains, elle agit en Américaine. Mais dès qu'elle atterrit en Egypte, elle s'adapte :
"Mais les véritables caméléons sont ceux qui ont un pied dans chaque univers, qui se déplacent doucement de l'un à l'autre, ajustant leur langue et le langage de leur corps, calibrant le choix des émotions qu'ils étalent,   marchant sur le fil des manières et des coutumes. Fait avec élégance, cela peut paraître désespérément facile, mais il y a toujours un prix à payer. Cela n'implique aucune hypocrisie, seules les bonnes manières universelles sont impératives : faire les choses appropriées, pour que ceux qui se trouvent autour de vous se sentent bien. Pour le caméléon, c'est une question de survie." (pages 9-10).

Un peu plus tard, elle est à la douane :
"On ne distingue ni le noir ni le blanc, seule une infinité de gris parmi cette population des plus mélangées et rétive aux couleurs. Dans quelques heures, je ne le remarquerai plus, comme je ne verrai plus l'inévitable voile de poussière de désert dans le soleil total, comme une couche de cendre sur les bâtiments gris, les véhicules couverts de suie, les feuilles des arbres et les sombres vêtements d'hiver de la population." (page 11).

Les mécanismes du caméléon se mettent en place...

La Maison du Caire, c'est la maison familiale dans laquelle réside le Pacha, qui est le chef du clan et le plus vieil oncle de la narratrice. C'est une famille importante, qui pèse politiquement. Faire partie de cette famille peut être un privilège, mais aussi une source de désagréments.

Les souvenirs constituent les deux premiers tiers du roman et commencent par un sacrifice du mouton qui ne se déroule pas comme il l'aurait fallu, à cause de la petite Gihan. Cet événement annonce des problèmes... et c'est la réforme agraire de 1961. "Nasser faisait son discours, une de ses harangues de trois heures régulièrement diffusées à la radio et à la télévision. La voix hypnotique et familière s'élevait et retombait, faisant écho, à travers les fenêtres ouvertes, aux radios marchant à fond dans les rues." (page 27).

Tout change... l'éducation aussi :

"Le nouveau cours de socialisme arabe semblait se focaliser sur l'identification des « ennemis du peuple », et le professeur éprouvait une satisfaction évidente à l'enseigner. Il nous enfonçait dans la tête les noms du triumvirat du Malin : « Impérialisme, féodalisme et capitalisme. » Chaque fois qu'il répétait les mots « propriétaires terriens », ou « capitalistes », il regardait dans notre direction, à Aleya Bindari, qui était assise un rang derrière moi, et à moi." (page 33).

La situation matérielle se dégrade, les avoirs sont confisqués.

Puis, pour Gigi, vient le baccalauréat, mais elle préfère de loin lire Stendhal plutôt que de la littérature arabe. Shamel, son père, lui dit :
"Alors, tu peux certainement arriver à lire une douzaine de pages par jour de Naguib Mafouz.
- Ses livres sont tellement... déprimants, dit-elle en feuilletant un volume intitulé Passage des Miracles.
Gigi avait déjà emprunté au cours d'un trajet en voiture quelques-unes de ces ruelles décrites par Naguib Mahfouz, le nez résolument plongé dans un roman français, évitant de regarder les mendiants, les carcasses de viande pendues à des crochets aux devantures des bouchers, les mouches sur le visage des enfants, la paysanne assise jambes croisées sur un quai de gare, la poitrine nue, un bébé tétant l'un de ses seins gonflés.[...]
- Un jour, tu apprécieras l'écriture de Mahfouz. Mais ce n'est pas important pour l'instant.
" (pages 63-64).

Avant Gigi, son avait fait un mariage arrangé : "On admit de mauvaise grâce que le choix de Shamel était parfaitement approprié de bien des façons, et que sa fiancée avait la meilleure des réputations, c'est-à-dire aucune" (page 52).

Coup d'état, assassinat... la situation de la famille dépend étroitement de la situation politique.
"Les partis politiques étant bannis en Egypte - il n'y en avait qu'un, le Parti national socialiste du régime - la manie du football était un substitut." (pages 80-81). Du coup, Gigi, qui conduit une Simca rouge, a peur qu'elle se retrouve repeinte aux couleurs rouge et blanc d'une équipe. Heureusement, le minadi est là. Le minadi, c'est "l'un de ces hommes qui s'étaient élevés eux-mêmes au rang de préposé au parking et qui offraient de surveiller les voitures garées en triple file. En échange d'un petit pourboire, ils les mettaient à l'abri des rondes de police, ainsi on n'avait pas de contravention et la voiture n'était pas remorquée" (pages 79-80).
Un système intéressant, un vrai "gisement d'emplois" à proposer au gouvernement !

Puis vient Sadate, les Soviétiques sont jetés dehors et les Américains gagnent en influence... Les choses changent... un peu. De son côté, Gigi se marie, mais ce n'est pas une réussite.

Il y a quelques passages amusants dans le roman, par exemple :
"La route des Pyramides était maintenant bordée d'arbres taillés en forme de pyramides, ce qui était certainement dû à une initiative mal inspirée de quelque officiel du tourisme." (page 156).
Ou encore :
"La conversation s'orienta vers la politique, comme toujours en Egypte, peut-être parce que le temps était trop stable pour offrir un autre sujet." (page 251)

Gigi n'est pas la seule exilée... il y a aussi les exilés de l'intérieur :
"Les portiers nubiens du Caire forment une caste à part. Ils émigrent au nord de leurs villages très étendus en Nubie et au Soudan, laissant femmes et enfants derrière eux, pour s'engager dans la vie monastique des sous-sols, cages d'escalier, garages des villas et des immeubles partout dans la cité. Deux fois par an ils rentrent chez eux en Haute-Egypte, sans doute pour produire la nouvelle génération de leur profession. Cette entière confrérie semble entretenir des liens qui en font un formidable réseau souterrain courant à travers les rues de la capitale." (page 290-291).

Lorsque l'exil dure trop longtemps, on a du mal à trouver sa place : les souvenirs emmènent vers un ailleurs, et lorsque l'on y retourne, c'est pour s'apercevoir que le temps a passé, emportant irrémédiablement ce que l'on a connu, pour laisser quelque chose de différent à sa place. La société évolue sans nous.

"Si vous deviez caractériser le Caire de votre enfance en une phrase, quelle serait celle-ci ?" lui demande-t-on dans l'interview déjà mentionnée plus haut.
"Gone with the wind", répond Samia Serageldin.


Contrairement à tant d'autres romans, il n'y a pas ici une grande histoire d'amour, pas d'exotisme de pacotille. C'est l'histoire d'une forte tête, qui fait ce qu'elle pense devoir faire sur le moment, mais qui ne maîtrise jamais son destin. Les choses se font... Gigi peut juste faire des choix, qui l'amènent à chaque fois beaucoup plus loin qu'elle ne l'avait pensé.


Concernant la traduction française, il est étonnant de trouver quelques petites fautes, y compris dans la non-traduction, si je puis dire :
"Eric Clapton se mit à gémir « Layla, you've got me on my kneens, Layla.»" (page 235). Pourquoi avoir ajouté un "n" à "knees" ? une mouche se serait-elle coincée dans la rotative ?

On trouve également "deux décades de « socialisme » de Nasser" (page 103), ce qui ne fait guère que vingt jours ; et deux-trois petites choses ("Shamel suivi le couloir", page 45 ; " elle savait que son père vagait dans la maison quand il n'arrivait pas à dormir ", page 102 ; "le volume mis fin à la conversation", page 255).

C'est là un mystère : il n'y a pas de fautes de français dans les magnifiques traductions de Rose-Marie Makino-Fayolle chez Actes Sud (Ogawa Yoko, Yoshimura Akira...). Par contre, ce texte, chez Rivages, en comporte... Etrange !


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