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Julie Otsuka
(Palo Alto, Californie, 15/05/1962 - )

 julie otsuka


Julie Otsuka est d'origine japonaise par ses deux parents (son père était né au Japon - il était "issei " - ; sa mère était née aux Etats-Unis mais de parents nés au Japon, - elle était donc "nisei", voir les définitions sur wikipedia).
Son père était ingénieur dans l'aérospatiale, sa mère technicienne de labo.
Diplômée d'un Bachelor of Arts à l'université de Yale (1984) puis d'un Master of Fine Arts à l'Université de Columbia (1999), Julie Otsuka publie en 2002 son premier roman, Quand l'Empereur était un Dieu. Son deuxième roman, Certaines n'avaient jamais vu la mer, est publié en 2011 (The Buddha in the Attic ; Prix Fémina Etranger 2012).
(merci Wikipedia)

 

quand l'empereur était un dieu
Couverture : Hiroshige : Soleil du soir, bouquet de pins, oiseaux voyageurs.

- Quand l'Empereur était un Dieu (When the Emperor was Divine, 2002), traduit de l'américain par Bruno Boudard en 2004. Phébus. 181 pages. Egalement disponible en 10/18.
Le livre commence ainsi :
"La pancarte avait fleuri du jour au lendemain. Sur les panneaux d'affichage, sur les arbres, au dos des bancs installés aux arrêts d'autobus. Placardée à la vitrine du bazar Woolworth's. Placardée à côté de l'entrée de la YMCA. Agrafée sur la porte du tribunal d'instance et clouée, à hauteur d'homme, sur chaque poteau téléphonique le long d'University Avenue. La femme se rendait à la bibliothèque pour rapporter un livre lorsqu'elle la remarqua sur la vitre d'un bureau de poste. C'était à Berkeley, par une journée ensoleillée du printemps 1942, et elle portait de nouvelles lunettes grâce auxquelles, pour la première fois depuis des semaines, elle pouvait voir distinctement tout ce qui l'entourait." (page 15).
Il n'est pas précisé que la femme est d'origine japonaise, mais le lecteur connaît le sujet : la mise en camps, aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre Mondiale, des Américains d'origine japonaise. Le principe de précaution, déjà...

Les personnages de cette histoire sont une famille comprenant un père, une mère et deux enfants, un garçon et une fille. Les enfants sont très intégrés : ils ne comprennent pas le japonais, le garçon a son gant de base-ball, lit des comics...
Revenons à la mère. "Elle s'essuya le front avec son mouchoir. Il y avait un soleil radieux et elle n'aimait pas transpirer en public." (page 19). Habitudes japonaises...

Le père a déjà été emmené, un soir. Il est parti en pantoufles.
Maintenant, c'est la mère et les enfants, comme tant d'Américains d'origine japonaise, qui doivent faire leurs cartons et préparer des affaires pour partir pour une destination inconnue, pendant une durée indéterminée. Déjà, on les regarde avec suspicion. Les Américains d'origine chinoise font bien savoir qu'ils sont d'origine chinoise, et surtout pas japonaise.

Quand reviendront-ils ? Que deviendra leur maison pendant ce temps ?

Pour le moment, des problèmes se posent : que faire des animaux ?
"Elle retira le tissu vert et défit la fermeture en fil métallique qui commandait la porte.
- Sors de là, dit-elle.
L'oiseau monta sur sa main d'un air méfiant, puis la regarda.
- C'est moi, le rassura-t-elle.
Le perroquet battit des paupières. Ses yeux étaient noirs, globuleux et dépourvus de pupille.
- Viens ici ! croassa-t-il. Viens ici tout de suite !
Il avait exactement les mêmes intonations que son mari. Si elle fermait les yeux, elle pouvait facilement s'imaginer que son époux se trouvait dans la même pièce.
La femme ne ferma pas les yeux. Elle savait très bien où se trouvait son époux. Il dormait sur un lit pliant - un lit pliant ou peut-être un lit superposé -, dans quelque tente du fort Sam Houston, où il faisait toujours beau.
" (page 32).

Le poulet, lui, passe à la casserole.

Puis vient le départ, le trajet en train, interminable : des pierres qui sont parfois lancées sur le train, brisant des vitres... Il faut donc baisser les stores lorsque l'on traverse les villes, et les remonter après.
"La fille tira sur le cordon suspendu au bas du rideau et la voiture se retrouva inondée de soleil.
- Tu crois qu'on verra des chevaux ? lui demanda son frère.
- Je n'en sais rien, répondit la fille.
Puis elle se souvint de l'histoire qu'elle avait lue dans National Geographic à propos des mustangs. C'étaient les Espagnols qui les avaient amenés ici, il y avait plusieurs siècles de cela, et des milliers de ces animaux erraient à présent en toute liberté. Chaque automne, ils descendaient des collines pour aller paître dans les hautes plaines du désert.
" (pages 45-46).

Puis, c'est la longue détention, dans des conditions déplorables, pour dire le moins.

"Si Julie Otsuka a choisi la fiction, elle avoue volontiers que l'histoire qu'elle raconte évoque de très près celle de ses grands-parents, paisibles Californiens qui n'avaient aucune raison de cacher leur ascendance japonaise, arrêtés et déportés par le F.B.I. en décembre 1941, au lendemain de l'attaque de Pearl Harbor, et qui furent maintenus derrière les barbelés, dans des conditions inimaginables, jusqu'à l'été de 1945" (dit la quatrième de couverture).
Oui, enfin, les conditions inimaginables ont été quand même, semble-t-il, plus inimaginables encore pour ceux qui ont été faits prisonniers par les Japonais pendant la guerre, ce que Julie Otsuka ne cache pas (mais les Etats-Unis étaient une démocratie qui a mis en camp ses propres citoyens, c'est vrai). Les récits que les survivants font à la radio sont édifiants (humiliations, tortures...), et montés en épingle par les journaux qui en font leurs choux gras... Cela ne facilitera pas la vie des Américains d'origine japonaise dans l'immédiate après-guerre.
"Nous écoutions les interviews à la radio. Dis-moi, soldat, est-ce que cela vous a fait quelque chose de perdre votre jambe ? Nous nous regardions dans le miroir et nous n'aimions pas l'image qu'il nous renvoyait : cheveux noirs, peau jaune, yeux bridés. Le visage cruel de l'ennemi. [...]
Nous ignorions les regards furtifs que nous lançaient les inconnus croisés sur les trottoirs. Vous êtes quoi ? Japonais ou Chinois ?" (pages 152-153).

Je ne pense pas gâcher trop le suspens (il n'y en a pas vraiment, et ce n'est pas ce qui constitue l'intérêt du livre) avec ce qui suit.
"Le Service du transfert des populations avait renvoyé les gens chez eux en donnant à chaque personne de quoi payer son billet de train, ainsi que vingt-cinq dollars en espèces.
- C'est absurde, avait dit notre mère.
Trois ans, cinq mois. Vingt-cinq dollars. Pourquoi pas trente-cinq ou quarante ? Pourquoi pas cent ? Pourquoi même se donner la peine de nous verser de l'argent ? Nous apprîmes plus tard que vingt-cinq dollars était la même somme que celle qui était allouée aux criminels à leur sortie de prison.
" (page 150).

Un roman bien écrit, au sujet très fort, renforcé par la sobriété du style. En le lisant, on pense plus à un document qu'à un roman.
Très bon.

 

 

 

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