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SALIH Tayeb
(Markaz Marawi, 1929 - 18/02/2009)


tayeb salih 

Ecrivain soudanais, d'une famille de petits fermiers et de professeurs religieux, Tayeb Salih a fait des études à luniversité de Khartoum avant de partir pour Londres.
Il connaît très bien les littératures et philosophies occidentale et arabe.

Journaliste, écrivain de nouvelles, il est surtout connu pour Saison de la migration vers le nord, parfois considéré comme le roman en langue arabe le plus important du XX° siècle (Académie littéraire Arabe de Damas). Il figure également dans la liste des Cent meilleures oeuvres de tous les temps.

Il a notamment écrit trois autres romans, et un recueil de nouvelles. Il a travaillé pour le service arabe de la BBC ainsi que pour l'Unesco...

 

saison

Saison de la Migration vers le Nord (1969). Traduit de l'arabe par Abdelwahab Meddeb et Fady Noun. Babel. 172 pages.

"C'est à la suite d'une longue absence, messieurs, que je revins dans ma famille : sept années au cours desquelles j'étudiais en Europe. J'avais beaucoup appris, et bien des choses m'échappèrent. Mais cela est une autre histoire. L'essentiel, c'est que je fus de retour. Et c'est l'immense désir de revoir les miens qui m'avait reconduit dans mon village sur une courbe du Nil. L'absence, la nostalgie et les songes, tels que ce fut merveilleux de me trouver réellement parmi eux. Ils en firent une fête d'interjections et m'entourèrent. [...]
A travers la fenêtre, j'aperçus dans la cour notre vieux palmier au tronc robuste, élancé, ses racines plongeant dans la glèbe et ses palmes nonchalantes dont le bouquet vert débordait la cime. Je fus pénétré d'une profonde sécurité. Ainsi ne suis-je pas plume au vent, mais créature, pareille à ce palmier, de haut lignage et de sûre destinée." (pages 9-10).

"A Londres, en été, après l'orage, je pouvais sentir l'odeur de mon village. Dans des instants dérobés, juste avant le crépuscule, tel village s'imposait à ma vision. Des bruits étrangers, des voix, les soirs de fatigue ou bien au petit matin, me parvenaient comme des voix familières." (pages 54-55)

Comme on peut le lire, le style est singulier, et souvent intéressant.
Deux autres exemples :
"La couleur de ses yeux était semblable à la couleur du Caire en pensée, cendrée et verte, se transformant la nuit en scintillement de luciole." (page 32).
"Soudain, le soleil couchant perdit son sang en ouest, on aurait dit le flot de victimes innombrables dans une guerre sans merci entre le ciel et la terre." (page 93).

Parfois, les traducteurs s'emportent. Ainsi, un paysan emploie un imparfait du subjonctif ("il eût été plus naturel qu'il accordât la tutelle à ton grand-père ou à moi-même", page 106). Je ne suis même pas sûr que les agrégés parlent ainsi dans la vie...

Mais revenons au roman.
Les choses ont changé dans le village, pendant que le narrateur était en Angleterre : "J'écoutais le grincement des roues à eau, le cri des hommes à travers champs, le mugissement d'un boeuf, le braiment d'un âne et, la chance aidant, le voyais parfois le vapeur qui remontait ou descendait le fleuve. Là, je perçus, à mesure, les transformations qui avaient affecté le village. Les nouvelles pompes électriques équivalaient chacune à une centaine des anciennes roues hydrauliques." (page 12).

Il y a un autre changement : un étranger est venu s'installer dans le village : Moustafa Saïd. Qui est cet homme mystérieux, qui semble cacher quelque chose, une culture venue d'ailleurs ?
Cet homme lui dit : "- Ton grand-père détient le secret" (page 18). Que veut-il dire ?

Moustafa Saïd se raconte. C'est l'avant-guerre, les années 20 et 30. Mais qu'omet-il ? A Londres, il drague les filles. "Je lui racontai des histoires invraisemblables de déserts aux sables d'or, de forêts vierges retentissant aux cris d'animaux imaginaires, de capitales fabuleuses dont les rues s'animaient au passage des lions et des éléphants et où les crocodiles sortaient à l'heure de la sieste. Elle m'écoutait à moitié crédule. Elle riait, fermait les yeux, les pommettes colorées." (page 44).

Mais il ne fait pas que draguer. Il est économiste, penseur... C'est un homme très intelligent, et très froid. Qui est-il exactement ?

Ce récit de Moustafa est en pointillés dans le livre. C'est parfois un peu agaçant (outre le fait que Moustafa n'est pas vraiment sympathique... et que le narrateur est parfois un peu naïf) : le narrateur nous délivre des bouts de l'histoire... pourquoi pas tout d'un coup ? Moustafa est un personnage mystérieux dont l'ombre surgit encore et encore dans le roman...

Les rapports du Nord et du Sud sont abordés, bien sûr, le colonialisme, l'apport des cultures. Mais aussi l'évolution des coutumes, des modes de pensées au Soudan. Les femmes, l'excision, les vieilles coutumes... La ville (Kartoum) et les campagnes, ce n'est pas toujours le même monde. Modernité et traditions...
"Ta tribu ne vaut rien. Vous êtes des hommes d'une seule femme. Seul ton oncle Abd el-Karim est un mâle véritable." (page 83).

Le Soudan a-t-il évolué dans ses "traditions" ? Peut-il /veut-il évoluer ?

On boit étonnamment beaucoup d'alcool, même les plus religieux : "Nous avons appris à boire le whisky et la bière au lieu de l'arak et de la marissa." (page 103).

Un livre intéressant, curieux de par la psychologie des personnages et sa construction, dans l'espace et le temps : on ne voit pas bien où l'on va. Parfois même, on a l'impression de lire une conclusion, comme page 73 :
"Nombre de choses trouvent ici une origine et une fin. Une zone de vent humide et frais émane du fleuve comme une demi-vérité traversant la canicule du désert. Les bruits, les voix, les cris d'animaux, parviennent à l'oreille amortis comme des inquiétudes, et le cliquetis de la pompe à eau renforce l'irréalité. Et le fleuve, sans lequel il n'y aurait ni commencement ni fin, coule, invariable, vers le Nord ; et rien ne peut le dévier : une montagne le plie vers l'est, une dépression l'attire à l'ouest, mais, tôt ou tard, il est ramené à son irrévocable destinées, vers la mer, vers le Nord."

A noter, un personnage féminin qui rappelle, dans sa psychologie tordue, Tours et détours de la vilaine fille de Mario Vargas Llosa.

Alors, est-ce vraiment un chef-d'oeuvre, un des plus grands livres en Arabe du XX° siècle ?
Qui suis-je pour en juger ? Il y a certainement des choses qui m'ont échappé, des profondeurs que je n'ai pas scrutées.

En tout cas, il a un intérêt indéniable, une étrangeté durable. Pas banal, donc.





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