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OSTROVSKI Alexandre Nikolaievitch

(Moscou, 31/03/1823 - Chtchelikovo, 02/06/1886)

ostrovski

Portrait par Vassili Perov (1834-1882). 1871.

Alexandre Nikolaïevitch Ostrovksi est né dans une famille de prêtres orthodoxes à Moscou le 31 mars 1823 et mort à Chtchelikovo le 2 juin 1886.
Sa famille, riche, ne voulant pas de la jeune fille "d'humble extraction" qu'il avait choisie, Alexandre ne peut plus compter sur l'aide financière de son père.
Il aura pendant longtemps des problèmes d'argent, qui vont le contraindre à produire énormément. Il traduira également Plaute, Shakespeare et Goldoni.
Il a des problèmes avec la censure, devient rédacteur adjoint, pour la partie littéraire du journal Le Moscovite (1850), mais est très mal payé… quand il l'est.

En 1853, son père meurt… et il ne touche presque rien.
Il continue à produire un nombre conséquent de comédies qui se déroulent généralement dans le milieu des marchands.

En 1856, il participe à une mission ethnographique et économique le long de la Volga. Cette mission sera très importante pour son œuvre : elle fournira nombre de détails, expressions populaires, etc.
Le succès et la reconnaissance arrivent en 1859 avec l'Orage : 4000 représentations entre 1859 et 1917. Ouf !

Ostrovski est un des plus importants dramaturges russes. Il est l'auteur notamment de : Le Failli (1849), apprécié par Gogol et Gontcharov, L'Orage (1859), la Forêt (1871), Sniegourotchka (1874, musique de scène de Tchaïkovski, et base du fameux opéra de Rimski-Korsakov).

l'orage

- L'Orage (1859). Traduction de Françoise Flamant. Edition Folio Théâtre. 240 pages.

Il s'agit d'une des pièces de théâtre les plus connues du répertoire russe, avec Le Malheur d'avoir de l'Esprit (de Griboïedov), Le Révizor (de Gogol) et quelques autres pièces (Pouchkine, Tchekhov).

Cette pièce, qui n'est pas une comédie, a pour cadre une ville de province russe.
Le petit peuple y est exploité par quelques riches propriétaires ; il y a aussi des mendiants errants qui demandent la charité et sont hébergés temporairement, en échange de quoi ils prient pour les donateurs (comme dans La Guerre et la Paix, par exemple) et colportent les nouvelles du vaste monde, nouvelles souvent étoffées et déformées...

Katerina, l'héroïne, est mariée à un marchand, une chiffe molle du nom de Kabanov, qui est sous le joug de sa mère tyrannique (Kabanova), tendance chantage aux sentiments, manipulatrice pseudo-vertueuse.

Extrait, pages 59-60 :

"Kabanov
Mais, maman, nous prions Dieu pour vous nuit et jour qu'Il vous donne santé et bonheur en toute chose et réussite dans vos affaires.

Kabanova
Allons, ça suffit, arrête s'il te plaît. Peut-être bien que tu aimais ta mère, en effet, tant que tu étais célibataire. Qu'as-tu besoin de moi maintenant que tu as une jeune femme.

Kabanov
L'un n'empêche pas l'autre, maman : ma femme c'est une chose, le respect que j'ai pour ma mère en est une autre.

Kabanova
Alors tu préfères ta mère à ta femme ? Jamais de la vie je le croirai.

Kabanov
Enfin, pourquoi devrais-je te préférer ? Je vous aime toutes les deux.

Kabanova
Oui, oui, c'est ça, passe-moi de la pommade ! Je le vois bien assez, que je vous encombre la vie.

Kabanov
Pensez ce que vous voulez, libre à vous, c'est votre droit ; seulement je ne sais pas ce que j'ai fait au bon Dieu pour être incapable de vous donner la moindre satisfaction.

Kabanova
Pourquoi prends-tu ces airs de victime ! Ça ressemble à quoi, ces pleurnicheries ? Le beau mari que tu fais là ! Regarde-moi un peu ! Crois-tu que ta femme te craindra, après ça ?

Kabanov
Mais pourquoi faut-il qu'elle me craigne ? Tout ce que je demande, c'est qu'elle m'aime.

Kabanova
Que dis-tu ? Pourquoi faut-il qu'elle te craigne ? Pourquoi faut-il qu'elle te craigne ? Non mais tu perds la tête ou quoi ? Si elle ne te craint pas, moi elle me craindra encore moins. Quel ordre est-ce que ça nous promet dans la maison ?
"


Dur, dur…
Evidemment, Katerina tombe rapidement amoureuse d'un autre, Boris, le neveu d'un marchand particulièrement cupide et tyrannique (qui va sans doute le spolier de son héritage), et dont le mode de communication réside essentiellement dans l'injure, la menace, et le mépris en bloc de tout ce qui est nouveau (la nouveauté risquant de remettre en cause ses affaires).
Entre Boris et Kabakov, il n'y a pas photo. Le premier est gentil, bien fait de sa personne, et a de l'éducation ; d'ailleurs, il ne se sent pas à sa place :

"Elles sont barbares, monsieur, oui, barbares, les mœurs de notre ville ! Dans le petit peuple, monsieur, vous ne verrez rien d'autre que rustrerie et misère noire. Et de ça, monsieur, nous ne pourrons jamais nous désencroûter ! Parce qu'un travail honnête ne nous fera jamais gagner plus que notre pain quotidien. Quant à celui qui a de l'argent, monsieur, celui-là il ne pense qu'à esclavager le pauvre pour se faire encore plus d'argent sur son dos sans que ça ne lui coûte rien."
(pages 50-51).

Kabanov doit partir quelques jours pour affaires (ce qui lui permet, loin de sa mère, de se prendre des cuites monumentales)…
Et ce qui doit arriver arrivera , car on n'est pas dans une comédie.

On trouve dans la pièce l'hypocrisie religieuse des deux riches chefs de famille (Kabakova - la fausse dévote manipulatrice - et l'oncle tyrannique) ; chez les pêcheurs, c'est la peur panique de l'enfer qui domine.
Comme l'écrit Françoise Flamant dans son introduction à propos de la foi orthodoxe : "Dans l'Orage elle n'est pas ébranlée, mais elle est comme vidée de cette part essentielle de son contenu qui est d'enrichir la vie et de résister au mal par l'amour et le pardon." (page 26).

Le personnage de l'héroïne anticipe sur une autre adultère célèbre de la littérature russe, Lady Macbeth du district de Mtsensk, de Nikolaï Leskov (dans l'introduction, on apprend - enfin, moi, en tout cas - que Chostakovitch, lorsqu'il fut obligé d'édulcorer son opéra, se servit de l'héroïne de l'Orage comme modèle).

Katerina est hautement symbolique, mais reste à savoir de quoi… et là, les avis divergent. Globalement, la pièce est suffisamment bien écrite (ambiguïté, complexité) pour que toutes les tendances de la Russie de l'époque - et d'après - aient pu l'apprécier, chacune y voyant ce qu'elle voulait, les progressistes, les radicaux, jusques et y compris les Soviétiques.
Selon l'axe d'analyse, on peut en effet y voir une apologie de la culture russe traditionnelle, ou bien une remise en cause de ces mêmes traditions.

La langue est importante dans l'œuvre. Ostrovski, passionné de dialectes, différencie très fortement les personnages ; la traductrice a, dit-elle dans sa préface, tenté de conserver à l'Orage "au prix sans doute de quelques anachronismes la couleur de son oralité et de son style familier." (page 17).

Très bonne pièce, un classique de la littérature russe.


L'Orage a servi de base au fameux opéra de Janacek, Katia Kabanova (1921).



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