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MARAI Sandor

(Košice, actuelle Slovaquie, 11/04/1900 - suicidé par arme à feu le 22/02/1989 à San Diego)

sandor marai

Il est considéré comme un des grands écrivains hongrois du XX° siècle.
Il a été l'un des premiers à redécouvrir Kafka.
Il vie l'invasion de la Hongrie par les nazis, doit se cacher. "Ecrivain bourgeois", il doit quitter la Hongrie après l'arrivée des communistes : Suisse, Italie, New-York, et finit par s'installer à San Diego, en Californie.
Il continue à écrire en Hongrois, mais ne sera redécouvert que dans les années 1990.

On pourra lire sa biographie mouvementée sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Sandor_Marai.
Extrait de la fin de l'article :
L'œuvre de Sándor Márai est maintenant considérée comme faisant partie du patrimoine littéraire européen et jouit d'une réputation semblable à celles de Stefan Zweig, de Joseph Roth et d'Arthur Schnitzler. Comme eux, il est un des grands écrivains du XXe siècle, l'un des derniers représentants de la culture brillante et cosmopolite de la Mitteleuropa emportée par la défaite de l'Empire austro-hongrois et par les totalitarismes. Cet intellectuel idéaliste écrivait dans "Les Confessions d'un bourgeois" : " Tant qu'on me laissera écrire, je montrerai qu'il fut une époque où l'on croyait en la victoire de la morale sur les instincts, en la force de l'esprit et en sa capacité de maîtriser les pulsions meurtrières de la horde."

 

les braises

- Les Braises (A Gyertyak csonkig Egnek, 1942, traduit du hongrois par Marcelle et Georges Régnier). Albin Michel. 2005. 189 pages.

"À l'aube, le vieux général était allé dans la vigne pour s'occuper, avec le vigneron, de deux fûts en fermentation.
Il avait passé la matinée dans le cellier. Le tirage du vin dans la cave l'avait retenu jusqu'à onze heure, après quoi il était rentré chez lui. Dans la fraîcheur du vestibule à colonnes, le garde-chasse attendait son maître pour lui remettre une lettre.
- Que fais-tu là ? s'écria le général en s'arrêtant interloqué.
En même temps, il fit glisser sur sa nuque son chapeau de paille aux larges bords, ce qui mit son visage rougi en pleine lumière.
Depuis des années, il n'avait ouvert ni lu une seule lettre. À son arrivée, le courrier était remis à l'économat où il était trié par l'intendant.
" (page 7).
Ainsi commence le roman.

Le général, qui vit retiré du monde, va avoir la visite de son plus vieil ami. Ils ont une affaire qui n'est pas réglée, depuis très longtemps. Ils vont se confronter... en quelque sorte. Vu la minceur de l'intrigue, mieux vaut ne pas trop en dire.
On va découvrir leur passé, essentiellement à travers leur conversation. De manière un peu artificielle, le général a besoin de tout raconter, même leurs souvenirs communs, pour vérifier que l'autre vieillard s'en souvient aussi (chacun des deux vieillards cherche à percer les dégâts que le temps a pu faire chez l'autre). Pratique pour le lecteur. Mais la discussion (presque un monologue du général, qui a l'air de jouer au tennis contre un mur) paraît un poil trop littéraire pour être une vraie conversation. Enfin, les vieilles gens s'expriment mieux que les jeunes, c'est bien connu.

De personnages secondaires, il n'y en a presque pas : une grande absente, et puis Nini, la très vieille nourrice.
"C'est dans cette chambre qu'elle avait assisté à la naissance du général. C'est là qu'elle l'avait bercé et choyé. Elle n'avait alors que seize ans et était fort belle : de petite taille, mais robuste, d'un calme et d'une assurance intérieurs, comme si son corps connaissait un secret, comme si en ses os, en sa chair et en son sang, elle recelait l'énigme du temps et de la vie, un secret indicible, incommunicable." (page 11).
Dès les premières pages, le style est donné. J'avoue : à ce moment-là, le livre a failli me tomber des mains. Cela se veut littéraire, mais franchement "elle recelait l'énigme du temps et de la vie", ce "secret indicible, incommunicable"... Aïe. Ce n'est même pas moyen, ça frise la catastrophe.
Plus loin, on a un enfant qui se meurt de ne pas être aimé...
"L'enfant avait besoin d'amour et, lorsque ces étrangers s'étaient penchés sur lui et qu'une odeur insupportable émanait de toutes choses, il avait préféré mourir." (page 28).
Heureusement, la nourrice, prévenue, le rejoint - il était à l'étranger. A la gare, le majordome qui l'attendait ne la reconnaît pas. Qu'à cela ne tienne, elle trouve le chemin toute seule, grâce à son sixième sens. Elle "ne sut jamais expliquer comment elle avait réussi à trouver, dans une ville étrangère, la demeure où se trouvait son protégé." (page 27). Ah bon.

Dans le même ordre d'idée, la révolution éclate en Russie... "La nouvelle en parvint à Londres le même jour que l'apprirent les coolies dans les marais entourés de forêts. Je trouvai cela incompréhensible, inconcevable. Plus tard, je suis arrivé cependant à la comprendre que les hommes apprennent d'instinct ce qui a de l'importance pour eux." (page 76).
Hum. C'est sans doute très poétique. Ou alors, l'ami du général a attrapé quelque chose dans les marais.


Il y a souvent du flou, la conversation (peut-être comme une vraie conversation ?) tourne sur elle-même, se répète... parce qu'il ne faut pas tout nous dire trop tôt, il faut que la conversation dure, s'étire...

Parfois, il y a des phrases curieuses.
Par exemple : "Cet hiver-là, le carnaval fit rage à Vienne, à l'égal d'une épidémie bénigne" (page 49). Faire rage, c'est violent. Epidémie donne aussi une idée de phénomène grave. Mais bénigne... ça doit être de la littérature.
Tout comme la description des liens qui unissent la veille nourrice, Nini, et le général : "Sans doute cette consonance profonde et intime avait-elle été formée par les soixante-quinze ans années vécues sous le même toit, avec la même nourriture, peut-être aussi par cette odeur de renfermé dans la maison et par les arbres devant leurs fenêtres ; en un mot, par tout ce qu'ils avaient en commun." (page 15). Là, c'est puissant. Consonance, est-ce que cela ne veut pas justement dire "ce qu'ils ont en commun, ce qui fait qu'ils s'accordent ?" Marai justifie alors quelque chose par sa définition même : ce qu'ils ont en commun s'explique par ce qu'ils ont en commun. Bref, il s'écoute écrire. Ou bien est-ce la traduction ?

On note aussi des réflexions qui donnent à réfléchir. Le narrateur parle de tout ce qui sépare les deux amis, puis : "Pourtant, au-delà des femmes et du monde, s'était affirmé en eux un sentiment plus fort que tous les autres. Seuls les hommes connaissent ce sentiment. Il se nomme amitié." (page 55).
Pardon ? Homme... par opposition à quoi ? Animaux ? Femmes ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Grosse perplexité...

Donc, on est censé lire des pensées un peu profondes. Nous lisons un livre qui est supposé être le chef-d'oeuvre d'un grand auteur, et dans ce livre, nous lisons une discussion tant attendue de deux hommes qui ont vécu. Et tout ce qu'ils trouvent à se dire, avec des variantes, c'est : "Quand nous avons bien compris par exemple qu'une coupe n'est qu'une coupe et que les pauvres humains - quoi qu'ils fassent - ne sont que des créatures éphémères, c'est que nous sommes alors vraiment bien vieux." (page 174). Cela fait des années que je suis vieux, à ce compte-là ! Tout n'est que vanité, bien sûr !

Au delà du contenu et du style de Marai, voyons la traduction...
Page 21, on fait venir un clavecin de Paris... page 22, une jeune femme est assise devant un... piano !
Bigre. La traduction date de 1958. Le temps a dû manquer pour corriger cette coquille (à moins que ce ne soit très subtil, pour montrer que du temps est passé ?)

On a aussi : "Dans le vague de cristal bleu, il y avait des dahlias" (page 61), "après que nous eumes quitté" (dommage pour l'accent circonflexe, page 116), "Comment ? demande Conrad vexé!..." (bizarre, ce "!" page 172), "sommes nous ridicules" (page 186, manque le trait d'union).
Tout de même ! Pour une traduction qui date de 1958, publiée dans la collection appelée Grandes Traductions... Albin Michel n'a pas été fichu de payer un correcteur ou même un relecteur ?


En conclusion : pas de pensées plus profondes que le sens commun, une histoire assez banale, digne des films de série des années 1930, un style qui n'a rien d'extraordinaire.
Mais la grande leçon de ce livre, pour moi, c'est que 189 pages, cela peut être très long.
Je n'oserais finir avec un jeu de mots foireux : avec Marai, le lecteur Sandor.

Je sais néanmoins que des gens estimables trouvent ce livre profond, grand. D'autres le trouvent très ennuyeux, les avis semblant généralement tranchés.
Sans doute quelque chose m'a-t-il échappé.


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