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Sigismund KRZYZANOWSKI

(Kiev, 11/02/1887 - 28/12/1950 )

krzyzanowski

"Etrange destin que celui de Krzyzanowski, auteur de plus de trois mille pages de récits, notes et essais qui, de son vivant, ne fut jamais publié et que découvrit, cinquante ans après sa mort, Vadim Perelmouter."

Après des études de droit (et d'astronomie, de mathématiques, de littérature européenne, de philosophie, de linguistique), Sigismund fait un voyage en Europe (1912). Puis il devient assistant dans un cabinet d'avocat. Après la première guerre, il vit difficilement en donnant des conférences, enseigne dans un au studio d'art dramatique.

"« Ce qui m'intéresse, ce n'est pas l'arithmétique, c'est l'algèbre de la vie » note Krzyzanowki, et inlassablement, comme il arpente les rues de sa ville-grimoire, il monte et démonte, à travers métaphores, allégories, contes philosophiuqes, paraboles à tête humaine, les passerelles du Temps qu'il s'obstire à penser multiple et porteur de possibles, à l'infini. Utopie. Uchronie." (Le Marque-page, pages 11-12).

"« En mai 1950, écrit Vadim Perelmouter, à la suite d’une attaque de tétanie, la partie du cerveau qui régit le système des signes fut atteinte. Krzyzanowski perdit l’usage non de la parole mais de l’alphabet.[...] On l’enterra au Nouvel An. Ce jour-là, il faisait un froid d’enfer. Peut-être est-ce pour cela que les rares survivants de ce cortège ne se souviennent plus de la route menant au cimetière. La tombe de l’écrivain jusqu’à ce jour est restée introuvable. »" (page 13 de l'introduction d'Hélène Châtelain au Marque-page ; voir également sur le site de l'Editeur).

 


- Le Marque-page. Collection "Slovo". Verdier. 160 pages. Nouvelles traduites du russe par Catherine Perrel et Elena Rolland-Maïski. Introduction d'Hélène Châtelain.
Le recueil comporte 6 nouvelles.
1/ Le Marque-page. 1927. 45 pages.
"L'autre jour, comme j'examinais mes vieux livres et mes manuscrits rangés en piles étroitement ficelées, il se glissa de nouveau sous mes doigts : un corps plat, tendu de soie bleu pâle, piqué de broderies et terminé par une traîne à deux pointes. Nous ne nous étions pas revus depuis longtemps, mon marque-page et moi. Les événements des dernières années avaient été si peu livresques qu'ils m'avaient emporté loin des armoires pleines à craquer de significations jadis herborisées." (p.15).
Quelle lecture partager avec son vieil ami ? Aucun livre ne semblait convenir...
"Je détachai les yeux des rayonnages et tentai de me souvenir : les lourds camions littéraires de ces dernières années roulant à vide traversèrent avec fracas ma mémoire. Encore une fois, pas de place pour mon marque-page. Un peu agacé, de long en large d'abord, puis les mains enfilées dans les manches du manteau : mon habituelle promenade vespérale." (page 17).
Et notre narrateur tombe sur un attrapeur de thème : un bonhomme qui part de n'importe quoi, une corniche, un copeau..., et il en fait une petite histoire vraiment intéressante, ça paraît magique (bien sûr que Sigismung Krzyzanowski a dû y passer plus qu'une seconde, mais l'effet est là : l'histoire semble jaillir spontanément).
Il parle d'un chat qui va rester coincé sur une corniche.
"Le réflexe de la peur le hisse sur l'appui de la fenêtre - grande ouverte - après quoi il se laisse glisser sur ce rebord justement. L'exposition est terminée. D'ailleurs quelques retouches ne seraient pas inutiles. Rien de plus facile. On tire la maison par les cheminées : de quatre à trente étages. On rétrécit les rues, on tisse dans l'air la toile d'araignées des fils électriques, et, en bas, sur l'asphalte de la ville géante lustrée par les pneus, on lâche le tourbillon des centaines de milliers de voitures, et une foule de piétons pressés, le regard rivé au sol : des businessmen." (page 23).
L'objet, la chose vue, donne le titre de la nouvelle que le chasseur de thèmes développe sur-le-champ, et du titre naît l'histoire. "Si je voulais écrire sur celui qui tend sa gorge vers une corde ou une lame tranchante, je donnerais au récit ce titre archi-prosaïque : Arrêt facultatif." (page 30).
L'auteur s'en amuse, d'ailleurs. L'attrapeur de thèmes va raconter une histoire que quelqu'un lui a racontée, et il dit : "Il y a des choses qui ne s'inventent pas." (page 45).
"A nouveau, nous marchions côté à côté dans les rues désertes des banlieues. Un pe plus tard, les parallèles lisses des rails de tramway vinrent à notre rencontre. Et soudain, tout contre mon épaule, un murmure :
- Si deux parallèles se croisent à l'infini... tous les trains qui partent pour l'infini courent à la catastrophe.
" (page 49).
Lorsque le narrateur revient chez lui, il a du mal à dormir : "Ce n'est que vers minuit que le signet noir du sommeil vint se poser entre un jour et un autre." (page 58).
Très bonne nouvelle.

2/ La superficine. 1926. 14 pages.
Notre héros, Soutouline, vit dans une boîte d'allumettes, ou quasiment : huit mètres carrés. Une petite pièce d'un appartement communautaire. Un jour, on frappe à sa porte. Le visiteur propose à notre héros un tube de superficine. Mais qu'est-ce donc ? "Alors voilà on a inventé (c'est encore un secret), un procédé pour faire grandir les pièces. Intéressant, n'est-ce pas ?" (page 62).
Pas de pacte satanique ici : "Le prix ? Voyons, gratis ! Juste pour la réclame." (page 62).
On ne dira bien sûr pas ce qu'il va arriver, à part que, bien sûr, le tube est très efficace !

3/ Dans la pupille. 1927. 39 pages.
Notre héros et sa copine se regardent dans les yeux... "Et c'est à ce moment-là qu'est apparue une troisième personne : il s'agissait d'un bonhomme minuscule qui me fixait depuis sa pupille, de mon doble miniaturisé qui s'était glissé là-bas. Le peti homme a répondu poliment Mais les yeux se sont détournées [...]" (page 76).
Comme dans Le Marque-page - et on se rend compte que c'est une caractéristique de quasiment toutes les nouvelles de ce recueil - , il y a en somme plusieurs histoires. Une nouvelle originale (on ne sait jamais ce qui va se passer), bien qu'un petit peu longue.

4/ La treizième catégorie de la raison. 1927. 10 pages.
"C'est toujours la même chose : on commence par rendre visite à ses amis puis, quand le corbillard les emmène, on rend visite à leurs tombe." (page 115).
Le narrateur se rend donc au cimetière, et il discute avec le fossoyeur, qui a des histoires très curieuses à raconter.
Une petite nouvelle. Souvent, les dernière phrases des nouvelles de Krzyzanowski sont bien. Ici (je ne gâche rien, je crois) : "Puis, j'ai franchi le portail en pensant que le grand Léonard avait raison quand il disait que les taches de moisissure sont parfois plus riches en enseignement que les oeuvres d'un grand maître." (page 124).

5/ La métaphysique articulaire. 1935. 15 pages.
Sur un formulaire, à la question : "En quoi consiste le but de votre vie", quelqu'un répond "me mordre le cou".
C'est le début de cette histoire délirante, basée sur un proverbe russe (c'est expliqué par l'une des traductrices) : "Ton coude est tout près, mais le mordre tu ne pourras jamais".
"Le questionnaire fut transmis pour éclaircissements au secrétaire ; puis le secrétaire le soumit aux lunettes rondes à mouture noire du rédacteur." (pages 125-126). On dépêche un reporter pour comprendre ce que signifie ce formulaire, le n°11 111.
Le lecteur assiste à la montée du coudisme, à un spectacle de cirque, à la gloire du n°11 111, et à tant de choses encore... Un bon délire très réjouissant.

6/ La houille jaune. 1939. 20 pages.
Une nouvelle qui tombe bien (en 2011). "Sous l'action conjuguée des guerres et des éléments la planète s'était mise à dilapider toutes ses énergies. Les puits de pétrole avaient tari. La puissance énergétique des houilles noire, blanche, bleue et verte diminuait de jour en jour. Une sécheresse sans précédent, multipliant les équateurs par dix, avait, semblait-il, désorienté la terre exténuée." (page 141).
Il faut trouver une nouvelle source d'énergie. Le professeur Lekr, observant la mauvaise humeur générale, a une idée géniale. "
Mon projet est simple : je propose d'utiliser l'énergie de la haine partagée entre un grand nombre d'individus." (page 145).
Comme dans la nouvelle précédente, Sigismund Krzyzanowski (à force d'écrire son nom, peut-être un jour n'aurai-je pas besoin de le recopier) va jusqu'au bout des implications de son idée.

Un excellent recueil de nouvelles, très bien écrites, originales, loufoques, étonnantes, burlesques ou poétiques.

Film d'après son oeuvre :
- une adaptation de la nouvelle "La superficine" (Kvadraturin), par Valeri Kojine (2010). 6 minutes.



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