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Ferenc Karinthy

(Budapest, 2/06/1921 - Budapest, 29/02/1982)

ferenc karinthy

"Ferenc Karinthy est un écrivain hongrois né à Budapest le 2 juin 1921 et mort à Budapest le 29 février 1992.
Il est le fils du célèbre écrivain et journaliste hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938).

Linguiste de formation, il est l'auteur d’Epépé, roman à la tonalité kafkaïenne, dans lequel un linguiste se rendant à un congrès à Helsinki se trompe d'avion, et se retrouve dans un pays dont il ne comprend ni le langage, ni l'écriture, malgré ses compétences évidentes dans ces domaines.
" (merci Wikipedia).

Il était également un joueur de water-polo de haut niveau.


l'age d'or

- L'Age d'or (Aranyido, 1972). Roman traduit du hongrois par Judith et Pierre Karinthy. Denoël et d'ailleurs. 104 pages.
"Déserteur pendant la guerre, Karinthy a connu en 1944 cette atmosphère des abris à laquelle il donne, dans la longue nouvelle [...] une tournure étrangement fictive. S'il est toujours un observateur distant, cynique, ironique, plaisantin et mordant, il s'amuse ici d'une situation irréaliste : la vie de Joseph Beregi, jeune Juif hongrois, à Budapest, au mois de décembre 1944. C'est Noël, la Hongrie est occupée par les Allemands depuis le mois de mars, le mouvement fasciste des croix-fléchées vient d'être porté au pouvoir par un coup d'Etat, les Juifs sont envoyés vers les camps d'extermination. Parce qu'il est à la fois jeune, hongrois et juif, Joseph Beregi ne se trouve là que par un miracle dont Karinthy ne donne pas la clé. À l'époque où L'Âge d'or se déroule, les jeunes Hongrois ont été envoyés sur le front pour se battre contre les Soviétiques, en guerre avec la Hongrie depuis juin 1941 ; les jeunes Juifs, eux, jugés indésirables dans l'armée depuis les lois raciales de 1940, ont été astreins au STO en Ukraine, déportés dans les usines allemandes ou à Auschwitz." (postface de Marion van Renterghem, page 103).
Voici notre héros, Joseph, qui arrive. Il achète le journal au coin de la rue, lit en diagonal les nouvelles de guerre et tourne les pages jusqu'à la rubrique sportive, qui semble beaucoup plus l'intéresser.
Puis, il entre dans un immeuble.
"Il ne rencontra personne dans la cage d'escalier, pourtant Nelly devait l'attendre derrière la porte de l'appartement, car au coup de sonnette elle ouvrit immédiatement.
« Mon grand chou ! » Elle le tira jusqu'à l'antichambre. « Quand je pense ! Te voilà enfin ! J'ai tant tremblé pour toi. Montre-toi un peu !... Tu as maigri, tu sais ! C'est comme ça que cette ordure de Caroline s'est occupée de toi ? [...]
Moi, je vais te cacher, mon petit coeur, le bon Dieu lui-même ne te retrouvera pas ; fallait vraiment qu'il te crée dans cette confession maudite... [...] Avant tout, tu te fais pousser des moustaches, de longues moustaches qui pendouillent. Personnellement, je déteste ça, mais ta physionomie sera complètement transformée, tu auras l'air d'un bouseux. Nous n'aurons qu'à dire que tu es un réfugié de Transylvanie, un régisseur ou un instituteur ou un boucher ou quelque chose comme ça...
" (page 8).
Joseph est un bourreau des coeurs. Toutes les femmes semblent l'aimer, et cela est encore plus vrai dans la situation présente, où les hommes se font rares... Au beau discours de Nelly, il ne répond pas grand-chose ; toutefois, il pose une question :
"- Qu'est-ce qu'il y a pour dîner ?" (page 9).
Plus que tout, il est insouciant, "miraculé et jouisseur" (Marion van Renterghem, préface, page 104). Il ne laisse pas échapper une occasion de manger, boire, fume et puis coucher (pour le plaisir ou pour obtenir de quoi manger, boire et fumer).

Budapest est assiégé par les Soviétiques. Ils vont commencer à bombarder, il faudra alors se réfugier dans les abris.
La famine va menacer, sans compter les milices des croix-fléchées...

Le décalage entre le comportement d'apparence très cool de Joseph et les événements dramatiques qu'il vit font de ce texte quelque chose d'assez étonnant (bien sûr, on peut se dire que la mort pouvant survenir à n'importe quel moment, point n'est besoin de trop penser à l'avenir, et qu'il vaut mieux saisir toute bonne chose à portée de main : jouissons de la vie tant qu'il en est temps...), qui devient quasiment surréaliste, à la limite de l'absurde.
Un très bon texte.

 

épépé

- Epépé (Epépé, 1970). Roman traduit du hongrois par Judith & Pierre Karinthy. Editions Denoël, 283 pages.
"Où la science cohabite avec le fantastique ! Cette étrange et envoûtante histoire d'un savant égaré dans un monde indéchiffrable peut être lue comme un message : celui qui ignore la langue d'un pays où le hasard le transporte s'expose au péril d'y cheminer comme dans un univers peuplé d'énigmes, où s'estompe la frontière entre le réel et le mythique. [....] C'est une histoire qui tient sans cesse en haleine." (Claude Hagège, préface, pages 7-8).

Le roman commence ainsi :
"En y repensant, ce qui a dû se passer, c'est que dans la cohue de la correspondance, Budaï s'est trompé de sortie, il est probablement monté dans un avion pour une autre destination et les employés de l'aéroport n'ont pas remarqué l'erreur." (page 9).
Budaï devait se rendre à Helsinki pour prononcer une conférence à un congrès de linguistes. Très fatigué, il s'est endormi dans l'avion. Une fois arrivé (mais où ?), toujours fatigué, il a pris le bus depuis l'aéroport jusqu'en ville. Pendant le trajet, quelque chose lui est parut étrange : il n'était visiblement pas à Helsinki. Comme tout le monde, il est descendu et s'est retrouvé devant un hôtel.
"
Un colosse en fourrure à casquette galonnée d'or le salue respectueusement et pousse devant lui la porte battante, mais lorsque Budaï lui adresse la parole en finnois, celui-ci ne le comprend manifestement pas et répond dans une langue inconnue, tout en l'invitant à pénétrer dans le hall ; le temps manque, de nouveaux clients se pressent vers l'entrée de l'hôtel." (page 10).
Il y a foule car comme, on le verra, il y aura toujours du monde partout dans la ville, jour et nuit : une population extrêmement mélangée, des gens de toutes origines, à tel point qu'il est impossible de savoir sur quel continent on se trouve. Budaï, qui connaît un grand nombre de langues, est pourtant incapable de communiquer, et ne comprend pas non plus ce qu'on lui dit. Même lorsqu'on lui répète une phrase, il a l'impression que les mots ne sont pas exactement les mêmes.
La langue écrite est composée de mystérieux signes de type runique. Budaï n'est même pas sûr du sens de lecture, et les livres qu'il se procure le laissent perplexe...
Il est installé à l'hôtel, mais veut en repartir le plus vite possible pour assister à son congrès. Comment faire ? Pour lui qui connaît tant de langues, cela ne devrait a priori pas être trop difficile de faire comprendre qu'il veut aller à l'aéroport...

I
l y a du bruit et du monde partout (les gens se poussent, s'écrasent)... et pourtant, personne ne fait attention à lui. Les gens sont totalement indifférents à notre héros, qui parle une langue bizarre : serait-il fou ? se moquerait-il des autres ? Ils n'ont pas le temps ou la volonté, ou encore l'intérêt de creuser la question, de s'occuper de lui, alors-même que tout le monde passe des heures à faire la queue. Car, pour la moindre chose, le moindre renseignement, il faut faire la queue.
Tant de temps passé à attendre ! Cela lui est insupportable.
Et pourtant...
"Pendant qu'il ingurgite la boisson trop sucrée, il prend conscience avec frayeur qu'à l'instant, en commandant son petit déjeuner il s'est à peine aperçu qu'il devait faire la queue pour tout, il en a pour ainsi pris l'habitude. Pourtant c'est précisément l'aspect des choses auquel il ne doit absolument pas s'habituer, il en a des palpitations. L'enregistrer, ne serait-ce que machinalement, dans ses neurones, c'est déjà une façon de l'accepter, d'abandonner le combat, autrement dit de quitter son unique espérance : il est différent des gens de cet endroit, un étranger venu d'ailleurs ne faisant pas partie de ce monde, on ne pourra de toute évidence pas le retenir ici." (pages 93-94).

Budai, en vrai virtuose des langues et de l'étymologie, va se creuser les méninges, il est confiant dans ses capacités de raisonnement...
"Tant qu'il n'arrivera pas à vaincre sa modestie pusillanime, sa crainte d'importuner, il n'arrivera jamais à partir d'ici, ni même à donner de ses nouvelles afin que que l'un puisse lui porter secours. Il doit livrer combat lui-même, il n'y a pas d'autre issue. Il doit se transformer des pieds à la tête, c'est l'unique façon de recouvrer son ancienne, sa véritable vie, sa personnalité." (page 77).

Budaï arrivera-t-il à repartir pour retrouver sa famille ?

Epépé est un excellent roman, curieusement prenant, qui parle bien sûr du problème de la communication dans les sociétés contemporaines, de l'anonymat de l'individu dans la foule, de la perte des certitudes, de la capacité de l'homme à s'adapter (pour accepter ou se révolter) à des situations absurdes et a priori intolérables.

 


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