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Bohumil Hrabal

(Brno, 28/03/1914 - Prague, 03/02/1997)

bohumil hrabal

"Il est est l'un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle.

Il étudie le droit à l’université Charles de Prague mais doit interrompre ses études, à partir de 1939, à cause de l’occupation allemande et de la fermeture des universités ; il exerce alors des métiers divers : ouvrier sidérurgiste, voyageur de commerce, emballeur de vieux papiers, figurant de théâtre, cheminot...

Ses premières publications datent de 1963 ; il devient rapidement un des écrivains les plus populaires de son pays.
Après l'invasion soviétique de l'été 1968 qui met fin au Printemps de Prague, il connaît des ennuis avec la censure pour « grossièreté et pornographie » et est interdit de publication. Deux de ses livres sont notamment livrés au pilon en 1970. Pour cette raison, nombre de ses ouvrages sont publiés en samizdat.
Il est interdit de publication de 1970 à 1976.

Il compte parmi les signataires de l'Anticharte et lui qui était tombé en disgrâce au moment du Printemps de Prague regagne la faveur du régime qui réenclenche le processus éditorial de ses œuvres.
C'est durant cette période qu'il écrit ses principaux chefs-d'œuvre largement inspirés de sa vie dans un style ou perce l'humour noir, le grotesque, l'ironie, la tendresse aussi et qui mêle le trivial (d'où l'accusation presque fondée s'il ne s'agissait pas ici de licence créative de « grossièreté et pornographie ») et l'argot au raffinement d'une langue extrêmement poétique :
- Moi qui ai servi le roi d'Angleterre
- Une trop bruyante solitude (1976) court et magistral roman dans lequel Hanta évoque son destin de « destructeur » de livres au fond de son atelier.
- La chevelure sacrifiée
- Les noces dans la Maison (trilogie).

Entre 1982 et 1985, il est de nouveau interdit de publication.
Bohumil Hrabal meurt à Prague le 3 février 1997 en tombant – ou en sautant ? – de la fenêtre de l'hôpital de Bulovka où il est soigné.
" (Wikipedia).


la chevelure sacrifiée


- La Chevelure sacrifiée (Postřižiny, 1976). Traduit du tchèque en 1987 par Claudia Ancelot. 165 pages. L'Imaginaire Gallimard.
En exergue : "Madame Bovary c'est moi. Gustave Flaubert".
Et le livre commence ainsi :
"J'aime ces quelques minutes avant sept heures du soir ; armée de chiffons et de papier journal froissé - des vieux numéros de Narodni Politika - je nettoie alors les cylindres de verre des lampes ; je mouche les mèches carbonisées avec une alumette, puis je remets en place les petits chapeaux de laiton et, sur le coup des septs heures, suvient ce beau moment où s'arrêtent les machines de la brasserie, où la dynamo qui propulse le courant électrique dans toutes les ampoules, la dynamo, donc, commence à ralentir ses révolutions ; au fur et à mesure que l'électricité faiblit, faiblit aussi la lumière des ampoules, lentement la lumière blanche vire au rose et la lumière rose à un gris tamisé à travers les voilages et l'organdi ; puis enfin, les filaments de wolfram au plafond montrent des petits doigts cramoisis et rachitiques, une clé de sol rouge." (page 11)

Nous sommes en République tchèque, dans les années 20. Les personnages principaux de ce curieux livre sont Maryška et son mari, Francin, qui a un poste à responsabilité dans une brasserie. Francin est très amoureux de sa femme, et est particulièrement fasciné (comme tout le monde) par ses cheveux très beaux et très longs.

La voici, Maryška, qui vient de conduire en rusant un cochon au charcutier, M. Myclik (elle n'aime pas qu'on attache le pauvre cochon avec une corde). Hop, le bourreau, pardon : le charcutier, a fait son travail, le flot de sang jaillit, vite vite on met la bassine, puis encore une grande cocotte... "[...] et déjà je tournais le sang avec une cuiller de bois pour l'empêcher de se coaguler, puis de l'autre main, des deux mains ensemble, je battais ce beau sang fumant, M. Myclik et son aide, M. Martin, le cocher, jetaient le cochon dans un baquet et déversaient sur lui des brocs d'eau bouillante et moi, je devais retrousser mes manches et, avec les doigts écartés, brasser le sang qui refroidissait ; je lançais aux poules les floches de sang coagulé, les deux bras jusqu'aux coudes dans le sang de plus en plus froid, mes bras faiblissaient, je brassais le sang comme si j'étais en train de rendre l'âme avec le cochon, encore quelques derniers flocons de sang caillé, puis le sang se relâcha, devint froid, je sortis les bras des bassines et des cocottes alors que le treuil montait lentement le cochon ébouillanté et rasé vers la poutre de la resserre ouverte.[...]" (pages 25-26)

Et on prépare les andouillettes et les boudins !

"Je tendis une cuvette et tous ces beaux abats roulèrent dedans, cette symphonie de formes et de couleurs mouillées, pour moi, rien de plus enthousiasmant que des poumons de cochon, rouge clair, merveilleusement gonflés comme du caoutchouc mousse, nulle part ailleurs on ne trouve des couleurs aussi passionnées que le brun foncé du foie, orné de l'émeraude du fiel comme des nuées avant l'orage ; pareil à de doux moutons, le gras grumeleux s'étire le long des intestins, jaune comme un cierge qui coule, comme de la cire d'abeille. Et puis, l'œsophage composé de rondelles bleues et rouge clair comme le tuyau d'un aspirateur multicolore." (pages 26-27).
Miam, le bon goulache qui se prépare !
Les membres du conseil d'administration de la brasserie, qui sont en réunion juste à côté, vont pouvoir se régaler ! Sans compter les saucisses au raifort, les boudin à l'orge et à la mie de pain ! Et la lager coule à flots !

Francin et Maryška forment un drôle de couple : lui, en cravate; elle pleine de vie : elle aime boire, manger. Il aimerait tant que sa femme se conduise convenablement, mais c'est plus fort qu'elle.
"Francin entrait dans la cuisine, il ne mangeait jamais rien, il était incapable de regarder tout cela, alors il se tenait près du poêle et il mangeait du pain sec et buvait du café et il me regardait et il avait honte pour moi et moi, je mangeais avec appétit, je buvais de la bière au goulot d'une bouteille d'un litre [...]" (page 27).

L'histoire, inracontable est, pourrait-on dire, à tendance expressionniste. Elle n'a pas grande importance : les parties sont supérieures au tout. Elle patine un tout petit peu à un moment, mais repart avec des scènes excessives qui tiennent bien la route grâce au style de Hrabal.

On finira en regardant notre ami Francin plancher sur des slogans destinés à augmenter les ventes de bière :
"« Plus de bière, moins de soucis et d'ennuis. - [...] Celui qui ne buvait pas était tout triste, un verre de bière, le voilà rose comme une jouvencelle. - Sans bière, je serais mort de mon vivant [je l'aime bien, celle-là !] - Votre santé ne va pas, la bière vous la rendra. - [...] Une petite bière au bon moment et vous repartez le coeur content. »" (pages 140-141).


Un très bon style, une histoire farfelue, deux bons personnages, un livre parfois incroyable qui donne faim et soif. Que demander de plus ?

 

 


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