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Alvaro Velho (?)
(XV° siècle -
XVI° siècle )


 

le premier voyage de vasco de gama

- Le Premier voyage de Vasco de Gama aux Indes (1497-1499). Editions Chandeigne. 126 pages. Récit attribué à Alvaro Velho. Traduit et présenté par Paul Teysiser.

"Notre texte a été transmis par un manuscrit provenant du monastère de Santa Cruz de Coimbra." (Introduction, page 21). Il a été découvert au XIX° siècle par le fameux historien Alexandre Herculano.

Claustro do Silêncio
Igreja de Santa Cruz, Claustro do Silêncio, Coimbra. Photographié en mai 2010.

"Deux événements dominent, dans les premières années du XV° siècle, l'histoire des Grandes Découvertes : en 1492, Christophe Colomb, naviguant pour le compte de la reine Isabel de Castille, débarque dans une des îles Bahamas et, croyant aborder en Asie, découvre l'Amérique ; quelques années plus tard, en 1497-1499, Vasco de Gama réalise pour dom Manuel Ier, roi du Portugal, la première liaison maritime entre l'Europe et l'Inde par le cap de Bonne-Espérance." (Introduction, page 5).

"L'auteur de ce texte a participé au premier voyage de Vasco de Gama. C'est un témoin oculaire, qui a directement vécu les événements. Son récit couvre la période allant du départ de la flotte, le 8 juillet 1497, au 25 avril 1499. Il s'interrompt brusquement avant la fin du voyage, lorsque le navire sur lequel se trouve le rédacteur a atteint les rives de l'actuelle Guinée-Bissau." (page 24)

En 1497, donc, quatre navires quittent le Portugal pour aller chercher des épices. "Le capitaine-général de ces navires était Vasco de Gama. L'un des autres était commandé par son frère Paulo de Gama, un autre par Nicolau Coelho.
[...]
Nous partîmes du Restelo un samedi, qui était le 8 juillet de ladite année 1497, pour notre voyage. Veuille Dieu Notre Seigneur faire qu'il s'accomplisse pour son service! Amen.
" (page 25).
Le Restelo, nous apprend une note, est "l'avant-port de Lisbonne, sur la rive nord du Tage, à l'emplacement actuel de la tour de Belém et du Monastère des Hiéronymites."

Belem
La Tour de Belem. Mai 2010.

Dès la page suivante, il y a du brouillard, deux bateaux s'égarent. Mais, connaissant la route, ils finissent par se retrouver. Ainsi, lorsque le capitaine-général est en vue : "Nous avons tiré force coups de bombardes et sonné de la trompette, tout cela pour montrer notre grand bonheur de l'avoir retrouvé." (page 26).

Page 27, en quelques lignes, on passe du 22 août en 27 octobre. Le navire part vers le sud-ouest.
Pourquoi le sud-ouest ?
Voici l'explication : Vasco de Gama fait "une gigantesque boucle qui va le conduire au large des côtes brésiliennes, puis le ramener vers le sud et finalement vers l'est, de façon à atteindre la côte africaine dans la baie de Sainte-Hélène, au nord du Cap. Comme on l'a vu plus haut à propos du traité de Tordesillas, cet itinéraire était imposé aux vaisseaux à voile par le régime des vents qui, dans l'Atlantique Sud, soufflent dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Rien n'est dit à ce sujet dans notre texte. Ce silence escamote ce qui a été un épisode particulièrement glorieux de l'histoire de la marine à voile, car il fallait un singulier courage pour s'aventurer si loin des côtes dans le grand « gouffre » de la « mer ténébreuse ». On en déduit que les marins portugais avaient, dès cette époque, déterminé avec une assez grande précision ce régime des vents, et l'on soupçonne le roi du Portugal d'avoir volontairement gardé secrète cette information, ce qui allait avoir les conséquences que l'on a vues au moment de la fixation du « méridien de Tordesillas » et de la découverte du Brésil." (introduction, pages 14-15)

Petite pause.
On pourra suivre la chronologie du voyage sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Chronologie_de_la_première_expédition_portugaise_aux_Indes, page qui permet également de visualiser le trajet de Vasco de Gama, en noir sur la carte ci-dessous, et de bien admirer la stupéfiante boucle :

carte

Puis, quelques mots sur le fameux Traité de Tordésillas (1494).
"Dans ce traité, il est convenu que le Portugal se limiterait à coloniser les terres jusqu’à 2 000 km à l’ouest des îles du Cap-Vert, laissant à l’Espagne le vaste ensemble des terres américaines. Personne ne sait à l'époque que l'Amérique du Sud forme saillie à l'est de cette ligne, permettant plus tard au Portugal de revendiquer le Brésil." Source : wikipedia, page d'où sont tirées les deux cartes ci-dessous : tout d'abord le planisphère de Cantino (1502), la plus ancienne carte représentant les découvertes portugaises, et qui fut sortie clandestinement du Portugal par un espion du duc de Ferrare - on pourra lire ici son histoire, son influence indirecte sur le très fameux planisphère de Waldseemüller - , et la ligne de partage du traité de Tordesillas (en violet sur la deuxième carte) :

tordesillas     carte traité de Tordésillas

"Quand on trace ce méridien sur une carte actuelle, on constate qu'il traverse l'Amérique du Sud depuis l'embouchure de l'Amazone jusqu'au nord-ouest du Rio de la Plata, attribuant ainsi au Portugal toute la partie orientale de ce qui deviendra le Brésil, un pays qui ne sera officiellement « découvert » que dix ans plus tard, en 1500." (Introduction, page 10).

François Ier, pas content, a dit : "Le soleil luit pour moi comme pour les autres. Je voudrais bien voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde".

tordesillas - détail
Détail du planisphère de Cantino, où l'on voit bien le méridien de Tordésillas.

Mais revenons au texte. Pendant que nous regardions les cartes, nos marins sont arrivés - ou plutôt revenus - en Afrique.

Parfois, ils jettent l'ancre, restent quelques jours à réparer les voiles, prendre du bois et de l'eau. "Il y a dans ce pays des hommes basanés, qui ne se nourrissent que de loups marins, de baleines, de viande de gazelle et de racines d'herbes. Ils sont vêtus de peaux et portent des sortes d'étuis sur leurs parties naturelles. Leurs armes sont des cornes passées au feu qu'ils attachent à l'extrémité de branches d'olivier sauvage. Ils ont beaucoup de chiens, faits comme ceux du Portugal, et qui aboient comme eux. Les oiseaux sont comme ceux du Portugal : des corbeaux marins, des mouettes, des alouettes et beaucoup d'autres encore. Le pays est très sain, tempéré, avec de bons pâturages." (pages 28-29).

Les marins utilisent les grelots qu'ils ont emportés avec eux : "nous troquâmes un boeuf noir contre trois bracelets, et nous en fîmes notre dîner du dimanche." (page 33).

Plus tard, une vraie communication avec des indigènes peut enfin se faire lorsqu'ils rencontrent des hommes qui "parlent la langue des maures" (page 44).
Nos aventuriers apprennent que le mythique "Prêtre Jean était d'une région située près de là, qu'il y avait beaucoup de villes le long de la côte, que les habitants de ces villes étaient de grands marchants et qu'ils avaient de gros navires." (page 45). C'était, écrit Michel Le Bris dans son Dictionnaire amoureux des explorateurs, une des missions de Vasco de Gama que de trouver le Prêtre Jean. Ils ne pourront pas tenter de le rencontrer.

Tant que nos navigateurs sont pris pour des musulmans, tout va bien, mais cela ne dure guère.
Parfois encore, des bateaux pleins d'hommes armés d'arcs et de très longues flèches s'approchent, il faut alors tirer des coups de bombarde. Les périls guettent.

Lorsqu'ils se sentent en sécurité :
"Un samedi, qui était le 10 mars, nous sommes partis et sommes allés mouiller à une lieu en mer, près d'une île, pour que l'on pût, le lendemain dimanche, dire la messe et pour permettre à ceux qui le voudraient de se confesser et de communier." (page 46). En effet, une note précise que : "Il était interdit de célébrer la messe complète (avec consécration) à bord des navires".

Pour les guider, nos marins ont capturé un pilote. Mais ce dernier a plutôt envie de s'enfuir à la première occasion...

Se procurer des pilotes pour guider les navires dans ces eaux inconnues est, bien sûr, chose très importante. On ne peut toutefois pas leur faire confiance :
"Les pilotes que nous avions emmenés disaient que dans cette île de Mombasa il y avait des maures et des chrétiens, qu'ils vivaient séparés les uns des autres, qu'ils avaient des seigneurs à part, et que dès que nous arriverions les chrétiens nous feraient très bon accueil et nous conduiraient chez eux. Ils disaient cela parce que c'est ce qu'ils désiraient, et non parce que c'était ainsi. Le soir du même jour, à minuit, une centaine d'hommes arrivèrent dans une zavra [navire de transport arabe], armés de coutelas et de petits boucliers." (page 55).

Michel le Bris, dans son Dictionnaire amoureux des explorateurs, écrit, à propos des pilotes et de Vasco de Gama : "Il ne fallut pas longtemps au Portugais pour soupçonner qu'ils étaient parfaitement incompétents - ce dont il s'assura, par acquit de conscience, en les torturant jusqu'à ce que mort s'ensuive". (page 404).

Les tractations, les revirements, sont parfois difficiles à suivre, d'autant que, pour offrir des cadeaux à un roi, il faut passer par des intermédiaires, et qui sait ce qu'ils disent vraiment....
On ne sait pas qui est un ennemi, qui agit par intérêt, qui est sincère ou fourbe...

A un moment, on lit : "Le capitaine envoya deux hommes au roi de cette ville, pour mieux lui confirmer sa volonté de paix." (page 56).
Une note précise qui sont ces deux hommes : "Il s'agissait vraisemblablement de deux déportés (degredados), c'est-à-dire de condamnés de droit commun embarqués dans les voyages d'exploration pour être utilisés dans des missions de grand risque". Gloups.

Parfois, le péril est immense, les ennemis menacent. "Mais Notre Seigneur ne leur permit pas de réussir, puisqu'ils ne croyaient pas en lui." (page 57).

On arrive ainsi à destination : Calicut (ou Kozhikode).

calicut

Et là, on lit : "Cette ville de Calicut est habitée par des chrétiens." (page 67). Une note précise : "Pendant tout son séjour à Calicut l'auteur de notre texte va prendre les hindouistes pour des chrétiens."
C'est difficilement croyable.
Mais apprenons déjà comment nos vaillants marins voient les autochtones :
"Les femmes de ce pays, en général, sont laides et de petite taille. Elles portent au cou beaucoup de bijoux d'or, et beaucoup de bracelets aux bras. Elles ont aux doigts de pied des bagues ornées de pierres précieuses.
Tous ces gens sont d'un bon naturel et, à ce qu'il semble, délicats. Ce sont des hommes qui, à première vue, savent peu de choses, et ils sont très cupides.
" (page 67).
Plus loin : "Ils nous conduisirent dans une grande église [...]" (page 70). Note : "C'est évidemment un temple hindou, sans doute une pagode Kâli. Mais l'auteur de notre relation le prend pour une église chrétienne."

"Cette énorme erreur est, pour nous, aujourd'hui, proprement stupéfiante. Certes Vasco de Gama a dû assez vite être détrompé. Mais beaucoup de Portugais, abusés par l'existence en Inde de véritables et très anciennes communautés chrétiennes (évangélisées, disait-on, par l'apôtre saint Thomas), ont sincèrement vu dans les hindouistes autant de chrétiens." (Introduction, page 15). Des chrétiens qui n'ont pas tout à fait la vraie doctrine, certes.

Stylistiquement parlant, le texte est factuel. Il ne verse absolument pas dans le pathétique, le suspens.
Exemple : "Le capitaine ne voulait pas faire entrer les navires plus avant dans le port, car il pensait, et nous pensions nous aussi comme lui, qu'une fois qu'ils seraient à l'intérieur on pourrait les prendre et qu'ensuite on nous mettrait à mort, lui d'abord, et ensuite nous qui étions retenus entre leurs mains.
Toute cette journée nous fûmes ainsi plongés dans l'angoisse, comme vous l'avez vu.
" (page 84)

A Calicut, la situation est particulièrement complexe. Les marchands maures trament pour faire tuer les Portugais, qui risquent de les concurrencer dans leur commerce. De plus, les cadeaux que Vasco de Gama apportait étaient assez minables. Il était dans une ville riche, lui qui s'attendait à arriver dans un lieu peuplé de sauvages qui auraient été impressionnés par des colifichets...
Finalement, il est jugé prudent de quitter Calicut. Il y a des épices, et la route a été reconnue, la mission est accomplie.

En partant : "nous vîmes venir vers nous près de soixante-dix embarcation montées par une quantité infinie d'hommes. Ils avaient la poitrine protégée d'un drap rouge doublé, comme d'un plastron très fort. Ce sont là leurs armures pour le corps, les mains et la tête." (page 95). Se trouve une jolie note : "Ici le texte porte, de la main d'un copiste : « L'auteur de ce livre a oublié de nous dire comment ces armures sont faites, cela lui est resté au bout de la plume »."

Le retour est très dur, car les vents sont contraires.
Le trajet Malindi-Calicut fut effectué en 23 jours ; le retour en prendra cent trente-deux. Nombreux sont les morts dus (notamment) au scorbut.
"Le capitaine envoya un homme à terre, qui accompagna ceux qui étaient venus, pour nous rapporter des oranges le lendemain [8 janvier], car nos malades en avaient grande envie. Il en rapporta effectivement bientôt, ainsi que beaucoup d'autres fruits. Mais les malades n'en tirèrent aucun profit : ce pays leur fut fatal et nous en perdîmes beaucoup." (page 107).
Paulo de Gama, le frère de Vasco, ne survécut pas.
Dans l'introduction, Paul Teyssier se demande si l'auteur de la relation n'a pas passé sous silence une tentative de mutinerie qui aurait eût lieu selon certaines sources.



La route maritime vers les épices était tracée, et le commerce pouvait se développer.
Vasco de Gama retournera à Calicut en 1502-1503. "Il mène la guerre contre les maures et contre le Samorin de Calicut avec une extrême brutalité." (Introduction, page 19).

La découverte du chemin par voie maritime de Vasco de Gama est le sujet central des Lusiades, de Luis de Camões, en 1572.

tombeau   tombeau
Tombeau de Vasco de Gama (XIX° siècle). On pourra voir la page de photos consacrée à Lisbonne, et notamment au magnifique Mosteiro dos Jerónimos.

 


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