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HORIE Toshiyuki

(Préfecture de Gifu, 1964-)

horie

Outre son activité de professeur de littérature française à l'Université Meiji, il est critique littéraire, auteur de romans, traducteur (Hervé Guibert, Jacques Réda...).
Horie Toshiyuki a appris le français à l'université Waseda. Puis, titulaire d'une bourse, il a fait un D.E.A à Paris III sur Valéry Larbaud. Il a vécu en France de 1989 à 1993.
Il accumule les récompenses : Prix Mishima en 1988 pour son recueil de nouvelles Auparavant (Oparavan) ; prix Akutagawa en 2001 pour Le Pavé de l'ours (Kuma no shiikiishi) ; prix Tanizaki en 2004 pour Le Marais des Neiges (Yukinuma to sono shuhen).
Ces éléments biographiques sont tirés de "Pour un autre roman Japonais", qui contient des conversations avec Horie Toshiuyuki, ainsi qu'une nouvelle de l'auteur (en plus de textes de Furui Yoshikichi, Ikezawa Natsuki, et Tsushima Yûko).

le pavé de l'ours

Le Pavé de l'ours (Kuma no shikiishi, 熊の敷石, 2004, 112 pages, Gallimard, traduction de Anne Bayard-Sakai). Prix Akutagawa.
Un roman japonais qui se passe en France, et plus précisément en Normandie, c'est tout de suite sympathique, on s'attend à de l'exotisme à l'envers (de l'endotisme ?)
Et, effectivement, on a d'abord droit à un peu de couleur locale, en vrac : petit topo sur l'épépinage de groseilles ("Cette manifestation traditionnelle dans un village consistait à retirer en un temps limité le plus grand nombre de pépins de groseilles à l'aide d'une pince à épiler sans faire éclater les fruits [...]", page 17), le lancer de camemberts ("Sur le même principe que le lancer de disque, il faut envoyer le plus loin possible des camemberts dont la date limite de consommation est dépassée", page 18), les petits trucs des paysans du coin ("Sur les flancs des collines s'étendaient les bocages entourés de haies basses destinées à parer les vents, et devant les maisons, des arbres étaient plantés entre des pierres rectangulaires pas très grandes enterrées à intervalles réguliers. Ainsi, les racines pouvaient s'enrouler aux pierres, devenir plus solides et mieux résister aux bourrasques.", page 26), le tout avec plus ou moins d'humour ("Nous roulâmes encore quelque temps, j'écoutai les explications de Yann selon lesquelles si cette région était devenue un centre de production du cidre, c'était parce que la qualité de l'eau était si mauvaise qu'il valait mieux boire de l'alcool [...]", pages 36-37 ; mouais... je préfère tout de même accompagner mes crêpes de cidre plutôt que d'eau).

Mais il n'y a pas que de l'ethnologie normande dans ce petit livre : le lecteur apprend également comment les ancêtres d'Emile Littré, qui étaient Huguenots, se sont convertis au catholicisme (anecdote très amusante) ; plus généralement, il a même droit à une petite biographie d'Emile Littré (6 pages, quand même). Et puis une recette de cuisine (page 110 ; serait-ce par hasard une métaphore du livre ?).

Et puis viennnent des considérations sur Semprun, Primo Levi, Bettelheim, le suicide, les camps, la place du hasard dans le destin de l'homme, enfin des sujets sérieux, quoi.
Ah, et l'histoire, dans tout ça ? Parce que si on retire les recettes de cuisine, les camemberts, les groseilles, Littré, Semprun, se peut-il qu'il reste tout de même un tout petit peu de place ? Alors voilà, l'histoire : c'est un Japonais qui doit faire des fiches de lecture sur un certain nombre de livres français, pour une traduction éventuelle.
Comme le hasard, dans les romans, fait souvent bien les choses (ou mal, ce qui revient au même pour le lecteur : ça fait un roman), il va rejoindre un ami photographe français (qui, comme tous les photographes, cache des fêlures, tout ça...) en Normandie ; il emporte avec lui un peu de travail : une biographie de Littré... dont la famille est orignaire d'Avranches (Normandie).
Trop fort.
Sinon, quoi d'autre ? Un peu de symbolisme (un rêve qui ne prend un peu de sens que vers la fin, car on a droit à un flash-back - au passage, c'est étonnant de voir comme, neuf fois sur dix les digressions sont utilisées dans des oeuvres - livres ou films - qui n'ont pas grand-chose à dire, moyen commode de créer du mystère), une référence à La Fontaine (que l'auteur nous résume, et hop ! encore une page).

La quatrième de couverture précise "Le pavé de l'ours, livre inclassable s'il en est, nous offre un moment de grâce littéraire absolue". Ah non, pitié ! Rien n'est absolu en ce bas monde, à part peut-être la Vodka du même nom, et le zéro degré Kelvin... et "inclassable", c'est vite dit : pourquoi pas post-moderne ? Le "absolu" est à la vente de livres ce que le "lave plus blanc" est à la vente de lessives, au mieux, ça fait rire, au pire, c'est désagréable.

Au bout du compte, un livre sympathique, vite lu et... vite oublié, je le crains.
Alors, oui, il a reçu le Prix Akutagawa. Et alors ? Peut-être ce roman est-il plus marquant pour un Japonais que pour un Français. A noter que Hirano Keiichirô avait lui aussi obtenu le Prix Akutagawa avec un récit situé en France.

Auparavant (Oparaban), nouvelle traduite par Jacques Lévy (dans Pour un autre roman japonais, Editions Cécile Defaut, pages 75-90) : le narrateur est un étudiant Japonais qui vit dans un foyer pour étudiants à Paris dans les années quatre-vingt-dix. Il raconte ses relations, ou plutôt ses non-relations, du fait de ses difficultés à communiquer avec les étudiants Chinois ; il fait également oeuvre historique en nous racontant comment s'est formée la Chinatown du XIII° arrondissement de Paris, et agrémente son histoire d'un intéressant professeur Chinois dont la psychologie s'éclaire un peu lors d'une partie de tennis de table. Petite mais très bonne nouvelle, largement supérieure au Pavé de l'ours.

 

le marais des neiges    Salon du livre - Horie Toshiyuki
A droite, Horie Toshiyuki dédicaçant en français Le Marais des Neiges.

Le Marais des Neiges (Yukinuma to sono shûhen, 雪沼とその周辺, 2003). Traduit par Anne Bayard-Sakai. NRF-Gallimard. 2012. 194 pages.

La parution de ce recueil, Prix Tanizaki 2004, est arrivée pile pour le Salon du livre de Paris... 2012 . Aurait-il été publié par Gallimard sans cette occasion ?
Dommage que le Salon du livre ne puisse pas être consacré au Japon tous les ans...

Le livre est composé de sept nouvelles. Elles se situent toutes dans, ou près de la discrète petite ville qui porte l'étrange nom (mélancolique ?) de "Marais des Neiges".
1/ Les Points de repère. 27 pages.
Cette première nouvelle a pour cadre un vieux bowling. C'est le dernier soir avant sa fermeture. Il commence à se faire tard, il n'y a personne, quand un couple de jeunes arrive. Ils ne cherchent pas à jouer, ils veulent juste utiliser les toilettes.
Le vieil homme qui tient le bowling va repenser à sa vie, et nous allons partager ses souvenirs.
Au passage, on apprend quelques petites choses sur la différence entre les boules du tout venant et celles des professionnels qui parviennent à imprimer des trajectoires courbes à leurs boules.
"Les trous percés dans les boules à la disposition des clients étaient disposés de manière à convenir aussi bien aux droitiers qu'aux gauchers, et le centre de gravité était placé juste au milieu. Leur axe était donc stable, en vertu du même principe qui permet à une toupie de bien tourner, et du coup leur trajectoire ne connaissait jamais de crochet très marqué. À la différence des boules faites sur mesure, dont le centre de gravité était décalé, de sorte que si on leur donnait un mouvement de rotation, elles s'inclinaient soit sur la droite, soit sur la gauche, jusqu'au moment précis où elles atteignaient le point de rupture où la piste cessait d'être huilée et où, accrochant sur le sec, elles décrochaient brutalement à la manière d'un serpent redressant la tête." (pages 27-28).
Ni The Big Lebowski ni Kingpin (film des frères Farelly, 1996) ne nous en avaient parlé. On apprend toujours des infos utiles en lisant Horie.
Une nouvelle de facture classique, pas mal du tout dans la catégorie "nostalgie".

2/ Au Jardin d'orties. 23 pages.
Madame Oruchi, une femme qui tenait une école de cuisine, vient de décéder.
"Madame Sayenama continuait à s'en vouloir de ne pas avoir été capable de distinguer les paroles de Madame Oruchi, alors même que, l'ayant côtoyée si longtemps, sa manière de parler n'avait pas de secret pour elle, à tel point d'ailleurs qu'elle lui avait quasiment servi d'interprète depuis l'automne dernier, quand son état de santé l'avait contrainte à de fréquents séjours à l'hôpital." (page 43).
Les amis de la défunte font des supputations et rassemblent leurs souvenirs.
Pas mal.

3/ Les berges en terrasse. 22 pages.
"Ces derniers jours, il avait le sentiment que son corps s'était mis à pencher légèrement sur la droite." (page 67). C'est ainsi que commence cette nouvelle (qui fait penser à L'enfant penchée, de Schuiten et Peeter, mais le propos est totalement différent, ici la nouvelle n'est pas fantastique - sans jeu de mots). C'est dimanche, le patron d'une petite entreprise de fabrication d'emballages en carton travaille à une commande qu'il doit livrer lundi.
Un peu anecdotique et un peu trop longue. Ce n'est vraiment pas la meilleure nouvelle du recueil.

4/ Les feux. 22 pages.
Un homme, qui parle très lentement (le rythme de sa parole suivant celle de son pouls - qu'il a lent) loue une grande pièce à une femme célibataire qui vit avec sa vieille mère, pour donner des cours de calligraphie.
Très bonne nouvelle, finalement un peu à part dans le recueil : elle est plus forte, moins en demi-teinte que les autres.

5/ Empiler des briques. 24 pages.
Un homme reprend un petit magasin de disques.
"Il avait mémorisé les gestes qu'accomplissaient les gens en fouillant dans les rayons, la courbure de leur dos, la ligne de leur menton, il synthétisait toutes ces impressions puis choisissait, en fonction du temps qu'il faisait, de la forme physique ou de l'humeur supposées du client, le disque qu'il allait passer en le choisissant dans les nouvelles arrivées, mais parfois aussi dans le stock. [...] Souvent bien sûr il tombait à côté, mais voir les réactions des clients quand il avait vu juste lui procurait une joie incomparable. Un léger décalage se produisait entre le mouvement des yeux lisant l'étiquette et la jaquette et celui des oreilles suivant la musique, ou plutôt les oreilles tressaillaient, les doigts se mettaient à bouger en rythme, et les muscles des joues se détendaient." (pages 127-128).
Le client, alors, jette un oeil du côté de la caisse, où se trouve la jaquette du disque en train de passer.
"S'il avait le moindre amour-propre, le client s'arrangeait pour la regarder à la dérobée, avant d'aller lui-même chercher le disque dans les bacs comme si c'était justement celui-là qu'il cherchait depuis le début." (page 128). C'est bien vu.
Au fil des pages, le lecteur va connaître la vie de cet homme.
Bonne nouvelle, à laquelle il manque un petit quelque chose pour être très bonne. Mais il se peut que ce petit quelque chose aurait relevé de la facilité (l'auteur aurait pu ajouter du drame...). Comme l'annonce le bandeau rouge (à quoi sert-il au juste ?) sur la couverture : "Des vies apparemment sans histoires". C'est bien le cas de cette nouvelle et de quasiment toutes les autres, mais c'est faux pour la précédente.

6/ Le piranha. 25 pages.
Un homme tient un petit restaurant. Il fait de la cuisine banale, sans grand ambition. Un autre homme, qui travaille dans une caisse de crédit, vient souvent y manger.
Pas la meilleure nouvelle du recueil.

7/ Le versant en pente douce. 26 pages.
Grâce à un ami d'enfance, un homme, qui travaillait dans une entreprise de matériel de cuisine ayant fait faillite, entre dans une entreprise qui vend des "produits de prévention des sinistres" (extincteurs...). Cet ami d'enfance décède. Il va évoquer des souvenirs avec le jeune fils de son ami.
Petite nouvelle.

Toutes ces nouvelles, de tailles sensiblement similaires, ont un cadre commun : la petite ville du Marais des Neiges.
L'auteur fait parfois allusion à un personnage qu'on aura vu précédemment dans une autre nouvelle, donnant une impression que l'on a entr'aperçu quelques vies d'un ensemble plus grand, et qu'il y en a beaucoup d'autres qui leur ressemblent.
C'est un recueil globalement pas mauvais, avec comme souvent des nouvelles meilleures que d'autres.
Les petites vies sans histoire, faites de bilans, de regrets ou de résignation, d'interrogations sur l'orientation à donner à son existence, font qu'il n'y a quasiment rien de vraiment saillant...
C'est courageux de la part de l'auteur, mais du coup, ces nouvelles se dissolvent rapidement dans la mémoire du lecteur, ne laissant que des impressions : un bowling désert sur le point de fermer, les cours de calligraphie, un homme qui a l'impression que le monde penche.
Mais n'est-ce pas aussi souvent le cas des nouvelles de Carver ou de Cheever ?



Autres livres non traduits
:
- Kogai He (1995), son premier livre.
- Oparavan (オパラバン, 1999). Prix Mishima.
- Itsuka Ojieki de (Un jour, à la gare de Oji , 2003).
- Kaganbojitsusho (2006). Prix Yomiuri


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