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HINO Keizo
(Tôkyô 14/06/1929 - 14/10/2002)


Hino Keizo


Né à Tokyo, il a accompagné ses parents en Corée, alors que le pays était encore sous domination japonaise.Après la guerre, il est retourné au Japon, et est sorti diplomé de l'Université de Tokyo. Il entre alors dans le grand journal Yomiuri Shimbun en 1952.
Il a été correspondant étranger en Corée du Sud et au Vietnam avant de devenir romancier. Bien que souvent décrit comme un auteur environnementtaliste, le sujet de beaucop de ses oeuvres de fiction est est l'environnement urbain.
Les oeuvres de Hino sont originales en ce sens qu'elles sont à la fois autobiographiques et surréalistes.


Il a obtenu de nombreux prix : Akutagawa en 1974 pour Ano yūhi (あの夕陽), Izumi Kyoka en 1982 pour Hōyō (抱擁), Tanizaki en 1986 pour Sakyu ga ugoku yo ni (砂丘が動くように), Noma en 1993 pour Taifu no me (台風の眼), Yomiuri en 1995 pour Hikari (光)" (librement traduit de Wikipedia)

 

 

 

l'île des rêves    isle of dreams   traum insel

Couvertures française (photo de Peter Marlow), anglaise et allemande.

- L'Ile des Rêves (Yume no shima, 夢の島, 1985), traduit en 2011 par Jean-Jacques Tschudin. 182 pages. Editions Philippe Picquier.
Ce livre était annoncé en 2009, et au dernier moment, il n'est pas sorti. Le voici finalement.

L'auteur a remporté de nombreux prix. Bizarrement, le premier roman qui sort en français n'est pas un de ceux qui ont reçu un prix. Cela ne préjuge en rien de sa qualité, bien sûr.
Il débute ainsi :
"Une rue d'un quartier d'affaires du centre, tout près de la baie de Tôkyô, aux alentours de midi par un beau jour ensoleillé aux senteurs de printemps. [...]
Le vent du sud qui balaie la rue injecte un air humide dans les innombrables fissures de l'asphalte durci et desséché.
Des cols blancs, des hommes et des femmes prenant leur pause de midi déambulent sur les trottoirs. [...]
Comme tous les jours, Sakai Shôzo était allé déjeuner au restaurant chinois au sous-sol d'un immeuble situé à quelques pâtés de maisons des bureaux de l'entreprise de construction pour laquelle il travaillait et, le repas terminé, il savourait une petite promenade. Bien qu'il eût plus de cinquante ans, il n'avait pas du tout grossi et ne connaissait aucun problème de digestion, aussi ne se promenait-il pas pour prendre de l'exercice mais par pur plaisir. Il aimait en effet parcourir cette rue bordée d'immeubles de bureau.
Parmi les grands buildings construits à Tôkyô, on trouve d’une part ceux dressés en toute hâte après la guerre, des bâtisses insipides, purement fonctionnelles, et de l’autre des édifices construits avec beaucoup d’ingéniosité et de souci du design, en quelque sorte ceux de la seconde génération d’après-guerre, mais les immeubles qui s’élevaient des deux côtés de cette rue étaient tous neufs, dotés chacun d’une personnalité propre.
" (pages 6-7)

La ville et les buildings ont une place importante dans le roman. On peut voir, dès le début, une sorte de lutte à long terme entre la nature et les créations de l'homme : l'air humide qui s'infiltre dans les fissures de l'asphalte. Les forces de la Nature effectuent un travail de sape.

Shôzô est veuf. Il n'a pas d'ambition particulière, il fait juste son travail correctement.
Et il aime regarder les buildings.

"Examinant une fois de plus le plan des quartiers de Tôkyô qui donnaient sur la baie, Shôzô fut stupéfait de constater que, sans qu’il s’en fût rendu compte, les terre-pleins édifiés dans la baie s’étaient agrandis bien au-delà de ce qu’il avait imaginé. Si, des quais de Harumi, on se tournait vers le centre-ville situé de l’autre côté du plan d’eau, on avait l’impression d’être pratiquement en plein milieu de la baie de Tôkyô, mais en fait cette zone n’en était que les abords. [...]
Si l’on déroulait les cartes qui couvraient l’ensemble de la capitale en y incluant la baie de Tôkyô, on constatait avec étonnement combien la mer mordait profondément dans la ville, presque jusqu’en son cœur même.
" (page 31)


Il en vient à s'intéresser à ces zones aux abords de Tôkyô, qui sont appelées à devenir une partie de la ville quelques années plus tard, grâce aux ordures qui forment des terre-pleins.
Le voici avec un ami, qui s'exclame :
"- Ça alors ! Mais depuis quand est-ce que tu t'es mis à traîner sur les terre-pleins ?
- Tout récemment, mais c'est absolument fascinant. Je ne comprends pas vraiment pourquoi, mais j'ai l'impression que c'est en partie parce que ça m'évoque les champs de ruines de notre enfance. C'est absurde, mais je ressens une sorte de nostalgie, comme si je retournais au pays natal.
" (page 52).

La partie concernant l'utilisation des ordures pour créer un sol qui gagne sur la mer est intéressante.

Bientôt, les choses deviennent étranges. Il y a déjà une mystérieuse motarde, mais aussi une décoratrice singulière qui crée des devantures de magasins.
"La décoratrice avait utilisé les mannequins comme des êtres humains, ce qui signifiait, se rendit alors compte Shôzô, qu'elle voyait ces derniers comme des mannequins. Et probablement elle-même pour commencer.
S'étant fait cette remarque, Shôzô se sentit très proche de la femme ; avec l'attirance qu'il continuait d'éprouver pour les hauts buildings, il appartenait probablement à la même famille que cette décoratrice et, si on jugeait cela anormal, ils étaient sans aucun doute atteints de la même maladie.
" (page 60).
Plus loin : "Cette façon particulière de rendre les mannequins encore plus vivants que les personnes réelles, de rendre les objets en plastique encore plus vrais que les produits de la nature ne laissait aucun doute : c'était bien là le travail de cette femme." (page 90).

Quels sont les liens entre la fille à moto et la décoratrice ?

De façon plus générale, que veut dire le livre ? Que Tôkyô, ville de verre et de béton, amène les gens à se transformer en mannequins et à se comporter comme tels, alors que la vraie vie existe en dehors de la civilisation (un des sujets serait donc l'aliénation de l'Homme) ?
Il y a apparemment plus que cela. Les buildings qui se dressent, immenses, sont montrés comme voués aussi à vieillir, à se fissurer, à disparaître : à suivre la loi de la nature, même s'ils semblent devoir s'y soustraire lorsqu'on les regarde.
D'ailleurs, les bâtiments sont présentés comme des entités vivantes, qui respirent et meurent, vivent d'une vie finalement similaire à celle de l'homme : "Ces murs pouvaient être pénétrés par n'importe quoi et recrachaient toutes sortes de choses" (page 157). Même la durée de vie d'un building, nous dit-on, est celle d'un homme.

Les détritus qui proviennent de la civilisation de consommation deviennent le sol sur lequel la ville s'agrandit... Donc, plus les hommes consomment et jettent, plus la ville gagnera sur la mer... Mais ces terre-pleins permettent aussi à la nature de se développer, du moins pour un temps.

On me dira que tout ça n'est pas très neuf.
C'est vrai. Mais il y a une atmosphère étrange bien rendue (à un moment, on aperçoit Tôkyô depuis le large, on a l'impression d'être dans un autre monde, une bulle hors du temps... ), des symboles pas toujours clairs et un peu appuyés, qui laissent deviner l'existence d'un autre niveau de compréhension. On oscille entre réel et illusion, jour et nuit, béton et nature (on a presque envie de dire : nature citadine et nature naturelle), motarde et décoratrice.

Curieux roman, donc. Pas enthousiasmant, mais pas mauvais non plus, et finalement assez original, avec l'impression que quelque chose nous échappe.

 


Trois remarques sur le texte français :
* La fille fonce "en moto" (page 68), au lieu de foncer à moto.
* On a des "billions" (page 126) : quand on rencontre ce mot, que personne ne dit dans la vie courante mais qu'on rencontre dans les livres, on ne sait jamais si le traducteur s'est trompé et veut en fait parler de milliard (vu que c'est sa signification en anglais...), ou s'il s'agit de mille milliards (signification française de billions, donc).
* Il manque un "que" dans la phrase "Il se rendit compte avec plus de surprise de tristesse qu'une sorte de sérénité radieuse venait graduellement se couler en lui." (page 171).

 

 

On pourra lire les quatre premiers chapitres (47 pages) sur le site de Philippe Picquier : http://www.editions-picquier.fr/catalogue/fiche.donut?id=837&cid=
Par contre, on évitera comme d'habitude de lire la quatrième de couverture qui, finalement, raconte à peu près tout ce qui se passe dans le livre, en très résumé il est vrai. C'est sûr qu'il est difficile de "vendre" un livre sans en parler, mais quand même, il y a des limites...

 

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