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Hermann UNGAR
( Boskovice, Moravie, 20/04/1893 - Prague, 28/10/1929)


hermann ungar


"Mort à 36 ans, en pleine maturité créatrice, Ungar laisse une oeuvre peu abondante mais dense, composée de deux romans, quatre longues nouvelles, huit courts récits, un long compte rendu de procès [...], trois pièces de théâtre, et un certain nombre d'écrits de circonstances (dont une étude intitulée « Ce que révèlent les manuscrits du poète, regard sur l'atelier de Thomas Mann ») parus dans des journaux ou des revues de Prague et de Berlin." (François Rey, introduction au Voyage de Colbert).
Le père de Hermann était cultivé (il a étudié le sanscrit et lisait Homère et Shakespeare dans le texte). Il était bourgmestre de la communauté juive de la ville. Au lieu de devenir rabbin, il a repris la petite distillerie familiale. La mère mourra en déportation.
Le frère de Hermann (né en 1895), Félix, mourra également en déportation avec toute sa famille.
Sa soeur, Gerta (née en 1897), émigrera à temps en Palestine, où elle sera pédiatre. Elle se suicidera en 1946, après avoir appris ce qu'il était advenu de ses proches.

Tout jeune, Hermann joue et monte des pièces de théâtre qui sont jouées par toute la famille.
Il fait des études de philosophie, d'économie et de droit à Munich, Berlin et Prague. Il participe à des mouvements d'étudiants juifs.
Première guerre mondiale : il est engagé volontaire et se bat pendant trois ans sur le front russe.
Après différents emplois - tout en écrivant et publiant ses premiers récits -, il devient secrétaire de légation à l'ambassade de Tchécoslovaquie, quasiment jusqu'à sa mort.
1922 : il publie le Voyage de Colbert. La même année, il se marie. "Margarete, une grande et belle femme douée d'un puissant charme, aux dires de leurs amis, ne s'intéressera jamais à la création littéraire de son mari, qui lui écrit un jour : « Ce qui te fait défaut sur le plan intellectuel, tu le remplaces parfaitement par ton instinct terrien. » Ils auront deux fils, l'un en 1923, l'autre en 1929."
A Berlin, il fait la connaissance de Stefan Zweig, Alfred Döblin...
Il est reconnu comme un écrivain important.
1926-1927 : plusieurs crises d'appendicite, sans que les médecins jugent nécessaire d'opérer : Ungar était un hypocondriaque notoire.
Il publie La Classe en 1927.
1929 : Il veut se consacrer à la littérature. Il démissionne le 10 octobre. Cinq jours plus tard, son deuxième fils naît. Le 28 octobre, crise d'appendicite, une vraie ce coup-ci. Les médecins, habitués à son hypocondrie, ne le prennent apparemment pas au sérieux (source : http://www.twistedspoon.com/ungar.html ). C'est trop tard. Il décède.
Il est enterré le à Prague 30 octobre.
1930 : publication de nouvelles, dont certaines inédites, avec une préface de Thomas Mann.
(informations reprises de la Chronologie de la vie de Hermann Ungar, en fin de volume du Voyage de Colbert)



levoyage de colbert
En couverture : photo de August Sander (1906).


Le Voyage de Colbert
(Colberts Reise. Erzählungen, 1930). Nouvelles et récits traduits de l'allemand par François Rey. Editions Ombres. 115 pages.

1/ Le Voyage de Colbert (21 pages).
"Colbert commença son voyage en 1910. Il mourrut en 1911 des suites des émotions que ce voyage lui occasionna. Modlizki l'avait trop gravement déçu.
[...]
La déception de Colbert fut d'autant plus grave que Modlizki avait grandi dès sa prime jeunesse dans sa propre maison. Modlizki, en effet, était de basse extraction - son père, un ivrogne, avait quitté la vie de manière peu glorieuse. Surpris au cours d'un vol, il était tombé du haut d'une échelle et était mort dans l'heure, sans avoir reçu l'absolution pour son dernier péché. [...]
Colbert, en revanche, s'enorgueillissait de sang français. [...] Ainsi portait-il la barbe coupée à la française et de fines moustaches retroussées en pointes.
" (page 7).
Colbert est un peu ridicule, un peu pathétique, mais quand même touchant. Pris dans son obsession de voyage, il ne se rend pas compte qu'il a en quelque sorte élevé un serpent en son sein.

La méchanceté (qui vient d'une forme de revanche ? d'un sentiment de supériorité non assumée ?) de Modlizki est bien rendue. C'est une bonne nouvelle, mais on ne peut pas dire qu'elle soit agréable à lire : Ungar vise autre chose.

2/ La Raison d'être (5 pages)
Lepopold est un homme pauvre. Il vient de sortir d'une maison. "Il avait l'impression d'avoir oublié quelque chose là-haut. Il fit lentement demi-tour et remonta les trois étages d'escalier raide qui menaient chez le musicien.
« Excusez ! » dit-il, et il entra.
Dans la pièce il vit immédiatement le tableau. Il l'avait à peine vu tout à l'heure. Il savait à présent que c'était le souvenir du tableau qu'il avait oublié.
" (page 29).
"On voyait un dessus de table. Un homme aux mains osseuses déployées sur la table comptait des pièces d'argent. Les mains étaient étroites et avaient de longs doigts. A côté de lui était assise une femme dont la blouse dénouée laissait voir des seins pendants plus qu'elle ne les cachait." (page 30).
La faim, la misère. C'est horrible.

3/ Mellon, l'« acteur ». (4 pages)
"Si l'on considère les choses d'un point de vue plus élevé, les vainqueurs, dans la vie, sont généralement les vaincus. La mort de ceux qui n'ont pas réussi rayonne parfois de l'éclat de la victoire." (page 35).
Le narrateur nous raconte la vie tragique d'un camarade de classe, qui voulait devenir acteur.
Là encore, il y a du pathétique.

4/ Dans La Guerre secrète, le narrateur est pris dans une position délicate et a peur d'être dénoncé. (5 pages)

5/ Dans Alexandre (6 pages), le narrateur du même nom se sent mis à l'écart, rien que du fait du prénom qu'il porte, tellement différent des "Josef, Franz, Wenzel, Lasidslas. J'étais le seul à porter ce nom particulier. Je crois que tout est lié à ce nom. Si je m'étais appelé Procope ou Cyrille, je serais devenu paysan, artisan, journalier, ou même curé du pays, comme Josef Chlup. Wenzel Svatek s'est pendu, c'est vrai, et c'est moi-même qui l'ai trouvé pendu à un jeune arbre dans la forêt. Il avait quatorze ans. Mais son geste avait des causes particulières, et ce n'est pas de cela que je voulais parler." (page 45). Une histoire malheureuse, pleine de regrets.

6/ Les Frères (4 pages) : deux frères rentrent chez eux. "Ils ne s'étaient pas vus depuis deux ans". (page 51). Ils n'arrivent toujours pas à communiquer. Finalement, comme dans la nouvelle précédente, ils se disent : "Oh, pourquoi avons-nous quitté la maison ? - Que cherchions-nous, qui nous a faits partir ?" (page 53).

7/ Tulpe (5 pages). Une nouvelle drôle, pour changer. Enfin, drôle... Tulpe est conseiller supérieur d'enregistrement. Il vit une vie très réglée. "Comme chaque jour, Tulpe avait commencé par défaire les deux derniers boutons de son gilet, qui se tendait sur son ventre lorsqu'il s'asseyait, puis, ayant lissé ses moustaches et les deux pointes de sa barbe, il avait allumé son cigare." (page 55). Nouvelle caustique sur les milieux administratifs, la vie réglée au millimètre, les convenances.

8/ Le Voyageur en vins (32 pages). Un homme prend la suite de son père. Profession : voyageur en vins. Il visite les clients, achète et vend du vin. "Je ne cherche sans doute rien d'autre qu'à refaire en esprit, pas à pas, le chemin que j'ai parcouru, parce qu'il y a un secret plaisir dans le tourment que le coeur conçoit de son impuissance à faire que les choses telles qu'elles se sont passées se repassent autrement. Je vais revivre les stations du chemin et, en les revivant, je connaîtrai l'inéluctable fin." (pages 68-69). C'est une nouvelle de dimensions plus importantes que les précédentes. Il y a une succession d'événements parfois singuliers, la tentation de s'inventer une vie plus intéressante, comme l'avait fait son père avant lui. "[...] j'ai moi-même souvent ri de lui. Aujourd'hui je ne le fais plus." (page 71).

9/ L'Employé de Banque (10 pages). Des espoirs qui se noient sans qu'on n'y prenne vraiment garde dans un quotidien plein de petites tâches sans intérêt, mais qui absorbent... comme notre vie ?
"On m'avait prédit qu'avec mes dispositions et à force de travail et de persévérance, je pourrais parvenir à un poste de direction dans ma profession." (page 94).
Petite vie, petites gens, maniaqueries, mesquinerie, sens des apparences.

10/ Bobeck se marie (8 pages).
"Le gros Oncle Bobeck multipliait les singes à l'adresse de ses invités, il riait, il buvait, il posait sa main dodue sur la main de sa nouvelle épouse, la veuve Mathilde Kosterhoun, qui baissait les yeux en-souriant." (page 103). Ça mange, ça boit, sa déboutonne les gilets, ça reboit, ça remange à s'en faire péter la sous-ventrière, ça parle nourriture. Et ça laisse une impression de tristesse en arrière-bouche.


Des nouvelles souvent dérangeantes, pleines de misères et de drames, aux personnages médiocres broyés par la vie, sa misère, sa petite routine, les apparences à sauver. Personne n'est heureux. Personne n'a pu accomplir son rêve. Tout juste s'il est permis d'essayer, mais il y a tant de raisons d'échouer : la méchanceté, la pauvreté, et parfois le quotidien bureaucratique qui fait de la vie un grand vide.

Hermann Ungar a un très grand talent pour rendre tout ça, avec un fond tordu. Il n'y a pas vraiment d'empathie, l'histoire est généralement objective, factuelle. Et en même temps un peu tordue.
A ne pas lire pour se remonter le moral.

 

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