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Stéphane Audeguy

(Tours, 1964 - )

stéphane audeguy


Stéphane Audeguy vit à Paris. Il enseigne l'histoire du cinéma et des arts dans un établissement public des Hauts-de-seine. (présentation de l'auteur dans La Théorie des Nuages, chez folio).

 

la théorie des nuages
photo de couverture (c) Isabelle Flamigni

- La Théorie des nuages. Folio. 320 pages.
Il s'agit du premier roman de l'auteur.
Il commence par une citation de Lucrèce : "Tout ce qu'on voit encore se développer dans les airs et naître au-dessus de nous, tout ce qui se forme dans les nuages, tout enfin, neige, vents, grêle, gelées, et le gel si puissant qui durcit le cours des eaux et ralentit ou arrête çà et là la marche des fleuves, tout cela peut aisément s'expliquer, ton esprit n'éprouvera aucune peine à en comprendre les causes et à en pénétrer le secret, du moment que tu connais bien les propriétés des atomes."

Puis vient la première partie, l'Etude des ciels, avec une citation de Constable : "What a glorious morning is this for clouds !"

Au début du roman, nous sommes à Paris. "[...] un couturier japonais, nommé Akira Kumo, parle à la bibliothécaire qu'il vient d'engager. Il est assis au troisième étage de son hôtel particulier, rue Lamarck, dans sa bibliothèque personnelle qui fait face au ciel : trente mètres carrés de baie doublement vitrée filtrent tous les bruits de la ville." (page 13)

La bibliothécaire, Virginie Latour, va être chargée de classer l'immense bibliothèque. "Ce n'était pas une collection de bibliophile ; presque aucune édition rare, sauf lorsque l'ouvrage n'était pas disponible dans une édition courante ; en revanche il ne maque à cette collection aucun ouvrage important consacré aux nuages, et d'une façon plus générale à la météorologie, dans les trois derniers siècles, et dans les langues que connaît ou déchiffre leur propriétaire : le japonais, l'allemand et l'anglais, le français." (page 79)

"Il est question de nuages et Virginie Latour commence à comprendre. Elle comprend qu'au début du dix-neuvième siècle quelques hommes anonymes et muets, disséminés dans toute l'Europe, ont levé les yeux vers le ciel; ils ont regardé les nuages avec attention, avec respect même ; et, avec une sorte de piété tranquille, ils les ont aimés. L'Anglais Luke Howard était de ces hommes-là.

Luke Howard est un jeune sujet de l'Empire britannique. Et c'est au coeur de cet Empire, à Londres, qu'il réside, et qu'il exerce la profession d'apothicaire. Il appartient à la Société des Amis ; c'est ce qu'on appelle un Quaker. [...] Une fois la semaine au moins, Luke Howard, participe à l'une de ces réunions religieuses qui, chez les Quakers, font office de messe. [...] Les membres de l'assemblée s'assoient en rond, et gardent le silence ; chacun pourtant a le droit de s'exprimer, mais pour autant qu'il a quelque chose à dire : c'est pourquoi, très souvent, la plupart se taisent. C'est ainsi que se déroule une réunion quaker. Certes, il peut arriver à ces fidèles de converser ; mais jamais ils ne discutent.
" (page 14).

Dans le cadre d'une petite société savante quaker, Luke Howard a prévu une conférence sur les nuages.
"Il est le premier à les contempler activement, et il croit pouvoir constater que les nuages sont formés d'une manière unique, qui ne cesse de se transformer, que tout nuage en somme est la métamorphose d'un autre. Aussi décide-t-il de recenser leurs règles de formation et de baptiser les formes-types qu'il découvre. Et, contrairement à son unique prédécesseur, un Français, Howard donne à ses catégories des noms latins afin que tous les savants d'Europe puissent les adopter.
Et maintenant c'est facile, pour nous, pour tout le monde. Tout semble facile après une invention. [...]
Trouver ce nom qui porte la compréhension de la chose, trouver le nom des nuages, c'est justement ce que réussit Luke Howard, le premier parmi les hommes. Et maintenant nous voyons les nuées avec lui, grâce à lui : les cumulus et les stratus, les cirrus et les nimbus, tout est là désormais, tout est tellement simple.
" (pages 16-17)

eugène boudin
"Nuages blancs, ciel bleu" d'Eugène Boudin (vers 1854-1859)
Honfleur/ Musée Eugène Boudin/ Photo H.Brauner


Virginie Latour va s'intéresser au mystérieux couturier, dont on va découvrir la vie passée.
Mais on apprendra aussi, par fragments, des épisodes de la vie de Luke Howard, sa rencontre possible avec Goethe.

Audeguy (la petite phrase de Constable prend alors tout son sens) parle de la représentation des nuages (représenter permet de classifier) ; il nous relate la vie d'un peintre (inventé) du début du XIX° siècle, un dénommé Carmichael, qui s'était spécialisé dans la représentation des nuages, avec le risque que cela comporte : la folie.
"C'est là le moment périlleux, qui l'exalte et le mine tout ensemble : sait-on jamais quand un ciel est fini ?" (page 65).

Extrait d'une interview de Stéphane Audeguy (à lire en entier sur : http://www.arte.tv/fr/art-musique/selection-livres/Tous-les-livres/Selection-livres/1085570.html ) :
"Ce personnage s’inspire de Constable. Constable a eu deux crises nuagesques au cours de son existence. Deux fois à à Hamsptead, il a peint exactement comme le personnage de Carmichael. Mais sans frôler la folie, ou la mort comme le personnage du roman. D’abord, il est croyant. Il s’autorégule, il voit que c’est trop vertigineux et il ne se penche pas. Il ne meurt pas et après, quasiment, il régresse. Dans la période où il fait des nuages, il arrive presque à des tableaux abstraits comme « Les Nymphéas » de Monet. Mais il arrête et revient à des tableaux plus réalistes, avec un horizon, une cathédrale… Il est régulé par son dieu. Dans le roman, ceux qui ne meurent pas de l’infini, ce sont ceux qui sont en quelque sorte sauvés par leur croyance en un Dieu."

constable - cirrus      yarmouth    etude
John Constable (1776-1837) : Etude de cirrus. 1822 ; Yarmouth Pier, 1822 ; Cloud Study, 1821.

"Chaque année, à la même époque, vers la fin de septembre, le père enrôle ses fils comme guetteurs du temps : il place le meilleur sur le point le plus haut de sa ligne de moulins. [...] Le minotier doit veiller au grain. Car un vent trop puissant, une rafale trop brusque peuvent détruire la voilure, ou même les bras du moulin, et c'est alors une catastrophe économique [...]. la fonction du guetteur est redoutablement simple : au premier signe d'un vent suffisant pour faire tourner les meules, il doit lancer l'opération ; il doit l'arrêter dès que le vent, menaçant de faiblir, compromet le broyage du grain." (page 70)

On apprend comment Napoléon III en est venu à s'intéresser à la météorologie, pour des raisons bien pratiques (la guerre) et comment il a octroyé de l'argent à Urbain Le Verrier (fameux pour sa découverte "mathématique" de Neptune), à l'époque Directeur de l'Observatoire, pour qu'il crée des stations météorologiques sur tout le territoire français.

Mais revenons au présent :
"Il semble que toute collection gravite autour d'une pièce manquante, sorte de moyeu autour duquel peut tourner, indéfiniment, la folie collectionnante de son propriétaire. Soit que la pièce en question passe pour irrémédiablement perdue depuis des lustres ; soit que le propriétaire en garde farouchement la jouissance. Pour la collection d'Akira Kumo, ce document manquant porte lun nom célèbre dans les milieux spécialisés : le protocole Abercrombie." (page 128).

On va ainsi suivre l'étonnant périple de Richard Abercrombie.

Interview de Stéphane Audeguy (à lire en entier sur : http://www.arte.tv/fr/art-musique/selection-livres/Tous-les-livres/Selection-livres/1085570.html )
"Question : Le personnage de Richard Abercrombie a réellement existé. Quelle est la part de fiction ?
Réponse : Pour le personnage d’Abercrombie, je me suis inspiré d’un homme qui s’appelle Ralph Abercrombie qui a fait deux fois le tour du monde pour les nuages comme dans le roman mais qui en est revenu totalement inchangé. Il a shooté lui-même un orang-outang, exploit dont il était très fier. Il a posé avec le cadavre. Cette photographie m’a inspiré pour la scène avec l’orang-outan dans la jungle indonésienne. J’ai fait beaucoup de recherches à Londres sur ce personnage. La British Library est très fournie. Dans la section des manuscrits rares, un ouvrage d’Abercombie est conservé dans lequel, sont collées minutieusement les photographies de ses voyages. Cet ouvrage m’a inspiré pour le protocole d’Abercombie mais la comparaison s’arrête là. Contrairement au personnage de mon roman, le vrai Abercrombie ne s’intéresse pas aux personnes. Quand il va en Indonésie, il parle de la même manière des singes et des indigènes. Il ne comprend rien à une époque où il y a des gens qui commencent à entrevoir autre chose.
"


Le livre est composé de plusieurs histoires qui, bien que disjointes, semblent toutefois faire un tout.
C'est original, très bien documenté sans tomber dans le didactisme.

Alors, bien sûr, on ne fait plus très bien la différence entre les personnages ayant vraiment existé (le méconnu Luke Howard), et les personnages ayant pu exister. On se demande parfois quelle est la part du vrai et faux dans ces histoires incroyables... et on se tourne vers internet.
Et on réalise qu'il y a des questions qu'on a pu se poser à une époque, comme : les nuages dans l'hémisphère sud ont-ils la même forme que dans l'hémisphère nord ? Sans reporters équipés de caméras, comment savoir sans aller y voir ?


Vraiment très bien.



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