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VANN David
(
Adak, Alaska, 1966 - )


david vann

 

Ecrivain américain. Il connaît un grand succès en France avec Sukkwan Island, Prix Médicis Etranger.
Il est enseignant à l'Université de San Francisco.

sukkwan island

- Sukkwan Island (Sukkwan Island, 2008). Traduit en 2010 par Laura Derajinski. Gallmeister. 192 pages.
Il y a un fort caractère autobiographique (ou uchronico-biographique) dans ce livre, qui est inspiré de l'histoire du père de l'auteur, avec bien sûr des modifications d'importance (une, en particulier, d'où l'uchronie).

Le livre est dédié "A mon père, James Edwin Vann, 1940-1980".

Il y a deux personnages principaux : Jim et son fils, Roy. Laissons l'auteur résumer la situation mieux que moi :

"Roy avait treize ans cet été-là, l'été suivant son année de cinquième à Santa Rosa, en Californie, où il avait vécu chez sa mère, avait pris des cours de trombone et de foot, était allé au cinéma et à l'école en centre-ville. Son père avait été dentiste à Fairbanks. Ils s'installaient à présent dans une petite cabane en cèdre au toit pentu en forme de A. Elle était blottie dans un fjord, une minuscule baie du Sud-Est de l'Alaska au large du détroit de Tlevak, au nord-ouest du parc national de South Prince of Wales et à environ quatre-vingts kilomètres de Ketchikan. Le seul accès se faisait par la mer, en hydravion ou en bateau. Il n'y avait aucun voisin. Une montagne de six cents mètres se dressait juste derrière eux en un immense tertre relié par des cols de basse altitude à d'autres sommets jusqu'à l'embouchure de la baie et au-delà. L'île où ils s'installaient, Sukkwan Island, s'étirait sur plusieurs kilomètres derrière eux, mais c'étaient des kilomètres d'épaisse forêt vierge, sans route ni sentier, où fougères, sapins épicéas, champignons, fleurs des champs, mousse et bois pourrissant abritaient quantité d'ours, d'élans, de cerfs, de mouflons de Dall, de chèvres de montagne et de gloutons. Un endroit semblable à Ketchikan, où Roy avait vécu jusqu'à l'âge de cinq ans, mais en plus sauvage et en plus effrayant maintenant qu'il n'y était plus habitué." (pages 12-13).

Jim, séparé de sa femme, a donc proposé à son fils Roy de passer une année dans un endroit perdu et froid. Une expérience, de quoi se forger plein de souvenirs, vivre en pleine nature comme des pionniers, apprendre à se connaître...
Ils emportent des livres de classe, quelques provisions, mais aussi de quoi survivre en chassant et en pêchant.
Malheureusement, on découvre vite que Jim n'est pas très intelligent. Il emporte deux carabines, un fusil et un pistolet, par exemple, c'est très bien. Mais, il n'emporte qu'une seule scie... étrange.
Cherche-t-il les problèmes ? Sachant qu'ils débarquent leur matériel d'un hydravion, il avait un peu de marge. Quand on est deux, qu'on va dans un coin paumé avec plein d'arbres et où il fait froid, on emporte deux scies, pas une. Bon, dans le bouquin, il n'aura pas de problème à cause de ça, mais c'est déjà un peu limite.
Ensuite, faute plus grave, Jim n'a pas lu Jorn Riel, ni sans doute d'autres livres instructifs qui auraient pu lui donner deux ou trois idées sur les problèmes auxquels il risquait d'être confronté.

Et puis, il pleure toutes les nuits, c'est très beau, c'est vachement profond psychologiquement. On ne sait pas trop pourquoi il pleure (enfin si, sans doute : sur sa vie), mais ce n'est pas vraiment grave. C'est ça, l'ambiguïté. On met un truc qu'on ne peut pas vraiment expliquer, et le tour est joué. La poésie, c'est le mystère, et tout ce qui est mystérieux, c'est forcément profond et poétique. Un peu facile, quoi.
Que se passe-t-il jusqu'à la fameuse 113ème page, dont il a été fait mention dans une émission du Masque et la Plume, notamment ? Eh bien, pas grand chose. Le père et le fils chassent un peu, il pêchent. Le temps passe.
Ils font à manger. Le lecteur bâille.
"Roy mit deux gros filets à frire dans une poêle avec de l'huile, puisqu'ils n'avaient plus de beurre, et quand son père rentra enfin, il était fatigué et ne disait pas grand-chose, il se contentait de manger le poisson, les yeux baissés sur son assiette. Roy ne se sentait pas plus proche de lui qu'il ne l'avait été au cours de leurs vacances occasionnelles. Il se demandait si son sentiment changerait." (page 51).
Etc.
Ah, il pleut, aussi. C'est ce que la quatrième de couverture appelle "une histoire au suspense insoutenable".
Ce qui est à la limite du soutenable, c'est l'interrogation : est-ce que je laisse tomber ce bouquin ? Est-ce que j'arriverai à la fameuse page 113 ? Rhâââ.

Pour qu'il y ait de la tension, du suspens, il faut que le lecteur ait de l'empathie pour les personnages. Il faut qu'ils paraissent vivants, psychologiquement vrais, que le lecteur ait peur pour eux. Malheureusement, tout sonne faux, le père et le fils ne sont pas vraiment là, ils ne sont qu'une idée de l'auteur, pour ainsi dire.
Et, ce qui est encore pire (on peut ne pas être doué pour le psychologique), c'est que ces paysages, l'auteur les connaît bien... mais ses descriptions sont quelconques, d'une grande banalité. Et cette situation un peu inspirée de l'histoire de son père, elle devrait sonner vrai. Eh bien non.

Tant bien que mal, on arrive à la page 113. Et là, oui, c'est une surprise.
Mais on se dit : "ce n'est pas possible ! c'est vraiment c[censuré]". Car voilà l'astuce ultime : faire survenir un événement qui, psychologiquement parlant, n'a aucun sens, est vraiment idiot, absurde, stupide, va à l'encontre de tout ce qui était dit auparavant. Là, c'est sûr, ça surprend.

Après ça, il se passe encore un tas de choses vraiment idiotes ("mais il est débile, ou quoi ?"), jusqu'à la fin que le lecteur voit bien arriver. C'est carrément stupide (il faudrait que je varie mes qualificatifs).
L'auteur voudrait faire passer le père pour un looser, mais c'est juste un imbécile, ce qui n'est pas la même chose : dans un cas, il y est pour quelque chose, dans l'autre pas vraiment, ou bien rien qu'un peu.

"Le truc, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche chez moi. Je ne peux jamais faire ce qu'il faut, jamais être celui que je suis censé être. Il y a quelque chose en moi qui m'en empêche." (page 57).
S'il fait des bêtises (pour ne pas dire plus), c'est donc consciemment, mais quand même à l'insu de son plein gré. Il est donc tout excusé.

A un moment (page 140), il y a une pensée profonde : "Pourquoi passer ne serait-ce qu'une partie de sa vie dans une région si froide ? Ça n'avait aucun sens." (page 140).


Le problème principal est celui-ci : pourquoi ce roman a-t-il connu le succès ? Pourquoi a-t-il eu le Médicis Etranger ? Pourquoi y a-t-il des lecteurs qui l'ont aimé ?

Le Point a même écrit, sous la plume de Marine de Tilly (24/02/2010) : "Sukkwan Island, de David Vann, le grand roman américain qu'on attendait. "
Là, ça confine au délire total ! Ce soi-disant grand roman fait 192 pages écrites pas trop petit et a été publié à l'origine dans un recueil de nouvelles ! De plus, il n'y a quasiment que deux personnes. Ce n'est pas ça, le Grand Roman américain auquel tout grand écrivain américain aspire, non ? Allons voir du côté de Richard Powers, Jonathan Franzen, Jeffrey Eugenides, Brady Udall, enfin d'écrivains qui ont d'autres ambitions !

Plus perturbant, Dominique Fernandez lui-même a écrit : "Il y avait longtemps que je n'avais lu un livre aussi fort dans son dépouillement, aussi limpide dans son mystère, aussi étranger à toute mode, écrit avec une simplicité qui met à nu les âmes dans la blancheur polaire." Et tout plein de gens ont écrit des choses très gentilles (voir http://www.gallmeister.fr/livre?livre_id=490).

A-t-on lu le même livre ?
Le mien était long, bancal, écrit de façon fonctionnelle (factuelle : machin fit ceci et dit cela), le coup de théâtre de mi-livre sonne éminemment faux, et on se désintéresse profondément du sort de Jim et Roy.

Une fois de plus, le doute vient à l'esprit : et si c'était les autres qui avaient "raison" ?
Je préfère penser que c'est un phénomène de mode, une hypnose collective ou quasi-collective (il y a quand même, sur certains forums, de nombreuses critiques pas enthousiastes, que je partage donc pleinement), et que cet auteur disparaîtra de la vie littéraire dans quelques années.
Time will tell.


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